jeudi 28 juillet 2016

Vacances!



  Chers amis lecteurs,


   comme pour beaucoup d'entre vous j'espère, le repos estival est aoûtien...
Vous le constatez, la lecture est au programme! et j'espère pouvoir partager avec vous quelques trésors en septembre.
   Bel été: je vous souhaite "la douceur fleurie des étoiles et du ciel" et d"embrasser l'aube d'été". (Illuminations, Rimbaud)

  Littérairement vôtre,

  Hélène Roizard

Le ravissement des innocents, Taiye Selasi, éditions Gallimard 2013 pour la traduction française, 366 pages.

   Ma première impression fut: que c'est confus!

  Ceci est dû aux prénoms et noms des différents personnages du roman, les membres d'une famille ghanéenne. Mais je fus rapidement saisie par l'atmosphère si particulière de cette histoire et très vite, je me suis attachée aux différents protagonistes.

  La quatrième de couverture nous révèle que "en l'espace d'une soirée, la vie sereine des Sai s'écroule: Kwaku, le père, chirurgien extrêmement respecté aux Etats-Unis, subit une injustice professionnelle criante. Ne pouvant assumer cette humiliation, il abandonne Folà, sa ravissante épouse nigériane, et leurs quatre enfants. Dorénavant, Olu, leur fils aîné, n'aura d'autre but que de vivre la vie que son père aurait dû avoir. Les jumeaux, la belle Taiwo et son frère Kehinde, l'artiste renommé, verront leur adolescence bouleversée par une tragédie qui les hantera longtemps après les faits. Sadie, la petite dernière, jalouse l'ensemble de sa fratrie. Mais l'irruption d'un nouveau drame les oblige tous à se remettre en question."

   Ce roman est remarquablement construit. Structuré en trois parties possédant des titres, "Le retour", "Le voyage" à partir de la page 116, et enfin, page 223, "Le départ". La dernière partie est la plus longue, et c'est logique, car c'est celle des dénouements.

    Chaque partie est divisée en chapitres, eux-mêmes possédant parfois des sous-parties qui permettent au lecteur de s'intéresser plus particulièrement à l'un ou l'autre des personnages. Notre attention est ainsi focalisée sur les pensées, les actions ou les sentiments de chaque personnage. Ainsi Sadie, dans la dernière partie du roman, évoque toutes les émotions qui l'envahissent, elle, la petite dernière: "Ses frères et sa sœur sont éblouissants. Olu, Taiwo et Kehinde. Avec leur démarche sûre, leurs réussites impressionnantes, ils rayonnent, sans oublier la beauté de sa sœur; ils brillent par leur talent, l'éventail de leurs multiples dons. L'intelligence calme d'Olu, sa maîtrise des sciences, sa voix affermie par la connaissance des faits. Le sombre génie de Taiwo, son murmure rauque et séduisant, truffé de grands mots et de quelques phrases en français; [...] Le talent incontestable de Kehinde, son don pour l'image, l'assurance tranquille avec laquelle il contemple le monde[...] En revanche, elle le bébé Sadie née l'hiver avec une bonne dizaine d'années de retard dotée d'un éventail de compétences hétéroclites... n'a aucun don." (p. 251-252) Éternel complexe de la dernière née...

   Tous les personnages de cette famille sont attachants, pétris de contradictions donc d'humanité.
  Le dénouement est apaisant, à l'image d'une famille qui finit par trouver ses marques.

  Un mot sur le titre français qui n'a pas grand chose à voir avec le titre original: Ghana must go.
   Il est assez ambigu, car on peut le comprendre comme "action d'enlever de force", ou aussi "émotion éprouvée par une personne transportée de joie". Au lecteur de voir ce qui lui semble convenir le mieux et est ainsi créateur du sens qu'il donne à sa lecture...



jeudi 21 juillet 2016

Clementine Churchill, la femme du lion, Philippe Alexandre et Béatrice de l'Aulnoit, 2015, Tallandier Robert Laffont, 386 pages.

  Ces 386 pages sont passionnantes:  quelle femme et quelle vie bien remplie!

  En exergue de ce livre,  une parole de son petit-fils, Sir Nicholas Soames, membre du Parlement :Si mon grand-père n'avait pas eu Clementine, il n'aurait été que la moitié de l'homme qu'il fut.

  Née en 1885, elle traverse une période tourmentée de l'histoire d'Angleterre, épaulant sans relâche son" Winston chéri", que ce soit en politique ou dans ses soucis de santé, partageant avec lui les préoccupations de l'éducation de leurs enfants et surtout la douleur de la perte d'une petite fille de deux ans, Marigold, d'une septicémie que l'on ne savait pas soigner à l'époque...

  Elle est reconnue comme une grande dame par ses contemporains et par la reine actuelle qui la nommera "pairesse à vie" après le décès de son époux. Ses biographes parlent d'une "vie exemplaire". "[...] dès le jour de son mariage, à vingt-trois ans, Clementine a tenu sa juste place. Elle est toujours restée incroyablement fidèle à ses convictions, ses certitudes, ses ambitions." (p.386)
  Elle meurt à quatre-vingt douze ans, au terme d'une vie bien remplie!

  Les biographes ont  pratiqué une bibliographie très fouillée et ils ont retenu ce qui fait de Clementine un être vivant sous nos yeux de lecteur: les faits mais aussi les émotions, les sentiments sans tomber dans l'extrapolation. Cette biographie précise m'a véritablement fait découvrir cette femme étonnante.


jeudi 14 juillet 2016

En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, Finitude, 2015, 159 pages.

  Mes lectures se suivent mais ne se ressemblent pas. Après le "pavé"de d'Ormesson, voici un petit livre que l'on dévore dans la journée!

  Premier roman, En attendant Bojangles démarre sous le signe de la légèreté; le trait est souvent drôle et le style plaisant. Le narrateur, un jeune garçon, vit dans une famille pour le moins originale: le père, Georges déclare à son fils que "son métier, c'était de chasser les mouches avec un harpon." (P.7)
  Georges affuble sa femme de prénoms différents suivant son humeur et il dit d'elle "qu'elle tutoyait les étoiles". Pour compléter le tableau, il faut compter avec "la demoiselle de Numidie, un oiseau élégant et étonnant, [...] Mademoiselle Superfétatoire."

  La danse et la musique jouent un rôle très important dans cette histoire. Et nous avons rapidement l'explication du titre (p.24) : "son histoire était comme sa musique: belle, dansante, mélancolique. C'est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c'était une musique pour les sentiments.[...] Maman me disait qu'il dansait pour faire revenir son chien, elle le savait de source sûre. Et elle, elle dansait pour faire revenir Monsieur Bojangles. C'est pour ça qu'elle dansait tout le temps. Pour qu'il revienne, tout simplement."

  Mais ce roman commencé sous le signe de la légèreté change progressivement de tonalité et l'on sent l'intensité dramatique monter. Le lecteur comprend assez vite que cette femme aimée passionnément par son mari et ensuite par son fils est folle. Folie charmante au début qui s'apparente à une originalité exubérante, cette folie devient ensuite dangereuse pour elle et les siens: d'incendie en internement, puis en cavale, la vie est trépidante à l'image de cette femme .

  Le narrateur découvrira plus tard les carnets secrets tenus par son père, dans lesquels nous sont dévoilées à la fois sa lucidité et la passion qu'il éprouve pour Louise. " je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé , que désormais, nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d'hôpital, que sa Maman était une malade mentale et qu'il fallait attendre sagement de la voir sombrer." ( p.122)

 Le dénouement nous prend à la gorge...

 Un très beau premier roman sur l'amour "fou", impossible, comme celui de Tristan et Iseut,


Olivia et sa fanfare, Ian Falconer, 2007, Seuil jeunesse, traduit de l'américain.

   Olivia est un petit cochon femelle plein d'énergie et d'idées.Tout démarre avec l'organisation du pique-nique prévu par la mère à l'occasion d'un feu d'artifice.
"- Mais il n'y pas de feu d'artifice sans musique,
explique Olivia.
   J'ai trouvé!
NOUS ferons la musique!"

   J'ai bien ri à la lecture de cet album pour enfant à partir de 2-3 ans. Il m'évoque comme genre    Éloïse à Paris que j'ai lu dans ma prime jeunesse! (plutôt à partir de 6-7 ans, mais l'humour fonctionne un peu de la même façon; à conseiller aux adultes qui ont gardé une âme d'enfant!)
    Le petit de presque trois ans qui écoutait l'histoire d'Olivia a beau la connaître par cœur, il rit toujours autant! Les dessins sont amusants, avec un parti pris de sobriété dans la couleur. Le rouge ressort donc sur un fond de noir, blanc et gris, avec parfois une petite touche de bleu. Quant aux jeunes parents, je pense que les situations évoquées leur sembleront bien réelles, tout en étant cocasses!


jeudi 7 juillet 2016

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, 2016, Gallimard, 452 pages.

      Faut-il présenter Jean d'Ormesson? Je sais qu'il en agace certains, mais j'avoue que l'homme "m'épate" (c'est un verbe un peu désuet mais qu'il affectionne!).
     Normalien, élu à l’Académie française en 1973, ami de Jean-Marie Rouart, il fut secrétaire général de l'Unesco, un temps directeur du Figaro, puis il  décida de se consacrer entièrement à l'écriture . Quelle culture! et il se plaint de n' avoir rien lu...

    Ce livre se présente comme un dialogue entre 2 MOI; le premier MOI (en italiques dans le texte)est le magistrat intègre chargé d'instruire le dossier du second MOI, "C'est moi. Plaisirs, travail, ambitions, foutaises et Cie." (didascalie initiale)

     C'est impossible à résumer! il s'agit d'une vie... bien remplie... d'un érudit plein d'humour âgé de 91 ans depuis le 16 JUIN!
   Je vous livre quelques réflexions qui m'ont amusée, interpellée, étonnée...
 " Vous devez commencer à vous douter des motifs de votre mise en examen: vous n'êtes pas seulement devenu un écrivain, mais une espèce de marque qui, à tort ou à raison, fait rêver les jeunes gens. Quelque chose comme un Schweppes de la culture si vous voulez, ou un Coca-Cola de bas étage, on encore le bas nylon d'hier." (p.176)

Évoquant le tournage d' Au plaisir de Dieu dans la propriété de Saint Fargeau qui n'appartenait plus à sa famille: "[...] l'émotion me submergea. La fiction nous faisait revivre une seconde fois la douleur de la séparation.", et, citant Chateaubriand "Le cœur se brise à la séparation des rêves." (p.208)

Réflexion sur deux métiers qu'il pratique: "Mais ce qui sépare surtout le journaliste de l'écrivain, c'est le mystère du temps. Le temps passe et il dure. Le journaliste est tout entier du côté du temps qui passe. L'écrivain est tout entier du côté du temps qui dure.[...] Le journalisme tient en un mot: urgent. L'écrivain vise l'essentiel." (p.341-342).

Page 379, d'Ormesson cite Aragon qui lui a inspiré le titre:
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans avoir tout dit
[...]
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
Dans le même registre, page 394, "Je sais bien, [...] que la vie est peut-être triste, qu'elle est en tout cas semée d'échecs et de chagrins et qu'elle est est vouée à la mort. Mais je crois aussi qu'elle est belle et qu'il faut apprendre à l'aimer. J'ai essayé de l'aimer et d'être, dans cette vallée de larmes, aussi heureux que possible."
Hédoniste certes, mais superficiel non!

  Et,dans les dernières pages,  un peu à la manière de Rousseau dans les Confessions, d'Ormesson s'adresse directement au Seigneur pour lui adresser une ultime prière. "J'ai aimé tout ce qui passe. Mais ce que j'ai aimé surtout, c'est vous qui ne passez pas. [...] Et j’ai toujours espéré que votre éternité de mystère et d'angoisse était aussi et surtout une éternité de pardon et d'amour."
 "Je n'ai presque rien fait de ce temps que vous m'avez prêté avant de le reprendre. Mais, avec maladresse et ignorance, je n'ai jamais cessé, du fond de mon abîme, de chercher le chemin, la vérité et la vie."