jeudi 26 janvier 2017

L'instant de grâce, Yves Viollier, 2015, Robert Lafond, 237 pages.

    Intitulé roman, ce livre nous raconte une partie de la vie du sculpteur David d'Angers, de son vrai nom Pierre-Jean David. Il veut réaliser la statue érigée à la gloire du général Bonchamps, héros "chouan" de la guerre de Vendée. Il choisit comme modèle un SDF dit Trompe-la Mort, nommé Raphaël Lundi qui trouve parfois le temps bien long pendant les poses dans l'atelier mais cet ancien qui avait marché sur tous les chemins de l'Europe (page 52) revient "comme si le brave avait l'intuition que David allait transformer sa pitoyable existence en destin." (page 86)

   Le roman opère un va et vient entre une des épisodes douloureux de la guerre de Vendée (17 octobre 1793) et, trente ans plus tard, la création artistique de David d'Angers qui se trouve être un  des descendants des 5000 prisonniers républicains enfermés dans l' église de Saint-Florent-le Vieil et condamnés à mort. Le sculpteur a alors cinq ans et il reconnait son père sortant de l'église au milieu de ses compagnons d'armes, tous grâciés par le général Bonchamps sur son lit de mort "Grâce aux prisonniers!"

    Le narrateur nous dépeint avec émotion les affres du petit Pierre-Jean, perdu dans les tourments de la guerre, séparé de sa mère, puis de son père qui l'avait embarqué follement dans son périple guerrier. Il nous retrace avec intensité ses angoisses lors de l'élaboration de sa sculpture et il nous restitue avec beaucoup de vie grâce à l'utilisation du présent, aux dialogues vifs et aux caractères bien trempés de ces personnages, une histoire dans l'Histoire.
Grâce aux prisonniers!

jeudi 19 janvier 2017

Yoshio Kodama, l'ami japonais des Américains, Clément Roizard, nouvelle, in Sang Froid, hiver 2016.

       Si vous aimez l'investigation, les polars ou ce qui relève de la justice, Sang Froid est une revue qui pourrait vous plaire. Toute récente, puisque l'affaire dont il est question ici a paru dans le numéro 4, cette revue traite d'histoires souvent scandaleuses qui ont occupé  récemment ou de manière plus ancienne le devant de la scène.  Dans le même numéro, une nouvelle (polar) exclusive de Marcus Malte, l'auteur du roman Le Garçon, prix Fémina 2016.

  L'article dont il est question relève de l'espionnage en tant qu'affaire classée:

  Militant ultranationaliste japonais condamné pour crime de guerre à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Yoshio Kodama fut ensuite débauché par la CIA pour lutter contre la progression du communisme dans son pays. Il s'agit d'un retour sur le parcours d'un faiseur de roi dont le destin vacillera avec la plus grande histoire de corruption du Japon.

  L'ironie tragique préside aussi au destin de cet homme au parcours peu banal qui est, on le verra, rattrapé par ses choix de jeunesse mais également soumis aux affres de la vieillesse... L'histoire est intéressante et le style objectif et précis.


L'Iliade, la pomme de discorde et Prométhée ou la boite de Pandore, BD, collection la sagesse des mythes conçue par Luc Ferry, 2016, Glénat.

  La guerre de Troie est ici mise en scène par Clotilde Bruneau et c'est une agréable façon de découvrir ou de revisiter l'histoire de cette fameuse guerre . Le dessin de Pierre Taranzano est vigoureux.
 Quant à la boite de Pandore, il s'agit de l'explication donnés par les Anciens aux maux des hommes, libérés par une femme trop curieuse: "la maladie, la guerre, les peurs!". Malheureusement, Pandore a refermé la boite (dans la BD représentée par une jarre) un peu vite, l'espoir est resté au fond!

 Quel est le point commun de ces deux histoires?

  A la fin des livres, des explications claires complètent la connaissance du mythe pour ceux qui souhaitent en savoir plus...



jeudi 12 janvier 2017

Chanson douce, Leïla Slimani, 2016, Gallimard, 227 pages, prix Goncourt, sélection ELLE.

   Quel paradoxe que ce roman!

    Un titre qui résonne comme une berceuse et une mort tragique d'enfants qui ouvre le livre: "Le bébé est mort"; la sécheresse du style n'est pas sans rappeler Camus et sa fameuse annonce dans L'Etranger: "Aujourd'hui, maman est morte."

   Ce début de roman est un vrai cauchemar et pourtant nos personnages auraient pu avoir une vie toute simple, calme et tranquille...
   Paul et Myriam Massé ont deux jeunes enfants; Myriam en a assez d'être femme au foyer et a une opportunité pour reprendre un travail intéressant; ils vont donc chercher une nounou!
   Myriam est tout de même terrorisée à l'idée de laisser ses enfants à une inconnue. "Depuis qu'ils sont nés, elle a peur de tout. Surtout, elle a peur qu'ils meurent;" (page 28)

   Le narrateur omniscient va troubler le lecteur; il procède par avancées dans le temps et retours en arrière qui nous permettent de discerner les failles de cette Louise si parfaite. Prenons par exemple les jeux de cache-cache avec les enfants qu'elle mène jusqu'au paroxysme de l'angoisse. (pages 50 -51). Elle tisse sa toile, "invisible et indispensable." (page 59).

   Quelques chapitres nous présentent la famille de Louise, petite famille, avec une fille unique Stéphanie, et la correction qu'elle inflige à celle-ci nous laisse perplexes. Quelle violence!

  Ce qui m'a glacée dans cette fiction, c'est de retrouver des éléments du réel, la nounou dont on chante les louanges, l'institutrice qui s'afflige de l'absence des parents, les rendez-vous des nourrices au square, les rituels de cette femme qui parait éprouver une passion pour les enfants Mila et Adam qui lui sont confiés.

  Ce qui m'a semblé assez invraisemblable dans ce récit, c'est que ces parents qui avaient pourtant perçu des problèmes chez Louise comme "le regard noir de Louise" ou ses gros soucis d'argent aient ainsi évacué ce qu'ils avaient détecté et continué à confier la chair de leur chair, ce qu'ils avaient de plus précieux à une femme qui n'avait plus toute leur confiance. Peut-on se leurrer à ce point et ignorer un danger? Cela me parait être une des faiblesses du roman.

  La fin du roman résonne bien comme une tragédie avec la reconstitution du meurtre des enfants, mis en scène par le capitaine Nina Dorval qui"frappera le trois coups" de ce "théâtre sordide."

  La lecture nous tient en haleine, rendue supportable par la connaissance de l'issue dès le début mais je me verrai mal recommander cette lecture à de jeunes mères de famille.

  Deuxième roman de cette jeune femme souriante et déterminée, Chanson douce est un roman impressionnant.



Lecture en cours...

  J'en avais lu quelques passages et la beauté du style m'avait frappée...
  Ce fut un de mes cadeaux de Noël! Merci!

  Quel beau témoignage d'amour que ces 1246 pages écrites sur un peu plus de trente ans... pour moi, peut-être les lirai-je  en prenant le fil chronologique des ans.

   Je vous en reparlerai, quand? je ne sais!

Rude concurrence pour Madame de Sévigné!

jeudi 5 janvier 2017

Dingo Dino, Maureen Dor et Mélanie Roubineau, 2014, les éditions clochette.

  Le gros T.Rex fait régner la terreur dans le monde des dinosaures... stegausores, oviraptors, diplodocus  et autres charmantes bestioles filent doux... sauf le tout petit compsognathus Dingo Dino...
Amusante fable au pays de ces grosses bêtes, à la morale qui évoque celle de La Fontaine dans "Le Lion et le Moucheron"...
  Les illustrations plaisantes et fraîches raviront l’œil de nos petits à partir de 3 ans.Ils vous étonneront car ils retiendront tous ces noms d'animaux!


SURTENSIONS, Olivier Norek, 2016, éditions Michel Lafond, 501 pages.

    Un certain nombre d'ouvrages auraient échappé à ma "vigilance" si je n'avais pas été sélectionnée pour faire partie du jury littéraire de ELLE, aventure fort plaisante qui m'a encouragée à lire encore davantage et surtout qui m'a permis de découvrir des auteurs et des genres différents de ce qui m'attirent plus naturellement. C'est ainsi que j'ai lu SURTENSIONS...


  L'auteur de ce roman policier, Olivier Norek, est lieutenant de police à la section enquêtes et recherches du SDPJ 93 depuis dix-sept ans et a déjà écrit deux ouvrages, Code 93 et Territoires.

  SURTENSIONS est une enquête policière qui vous happe par ses situations inspirées du réel, ses rebondissements plausibles et bien trouvés, les personnages du capitaine Victor Coste et de son équipe sympathiques et très humains.

 Coste, un double d'Olivier Norek? en tout cas son reflet s'il n'est pas son alter ego.

  Il s'agit d'un polar noir pour ses descriptions de l'univers carcéral, empreintes de réalisme "la prison est l'école du crime" (page 62), comme le montre l'épisode de la douche page 37, ou encore l'attitude des surveillants débordés "La seule mission du surveillant étant de rentrer chez lui en un seul morceau, il n'y avait plus qu'à laisser les détenus s'installer, se battre, faire du commerce, se droguer et baiser entre eux, avec, comme seule limite morale, le suicide et le meurtre." (page 39). Dans le même ordre d'idées, le narrateur reconnait l'ambiance éprouvante liée aux agressions sexuelles dans les cellules: "une partie non négligeable des prisonniers se retrouvent à Marveil pour des agressions sexuelles. Qu'elles soient tues, voire tolérées à l'intérieur de la prison, voilà encore qui relève de l'ironie." (page 47)

  Ce livre est structuré et haletant, même s'il commence par la fin; son style est rapide, sans fioriture ni complaisance.

  Récompensé par le Prix du Polar européen 2016, Olivier Norek a sûrement de quoi nourrir sa veine; son personnage, Victor Coste, va faire une pause dans sa carrière après cette aventure tragique. Pour Norek, l'écriture n'est-elle pas une façon d'exorciser un vécu violent?

  Pour terminer, je vous renvoie à la page 178 dans laquelle l'affaire Cahuzac (affaire qui n'a rien à voir avec celle sur laquelle Coste enquête, si ce n'est l'utilisation d'un logiciel de reconnaissance de voix) est citée de manière assez ironique...