jeudi 26 novembre 2015

Le liseur du 6H27, Jean-Paul Didierlaurent, au diable vauvert, 2014, 218 pages.

    Guylain Vignolles travaille à la Stern, société qui traite les livres destinés au pilon... Une machine monstrueuse les réduit en miettes, excepté quelques feuillets qui demeurent au plus profond des entrailles de cette"Chose" nommé la Zerstor 500. Le jeune homme récupère donc les feuillets et les lit ensuite à son auditoire habituel du train de 6H27, une façon de restaurer ce que la "Chose" a détruit: "La Chose était née pour broyer, aplatir, piler, écrabouiller, déchirer, hacher, lacérer, déchiqueter, malaxer, pétrir, ébouillanter."
     Une étrange histoire d'amour va s'instaurer grâce à la découverte d'une clé USB qui a glissé sous un dossier de siège du train et le registre du roman va balancer entre lyrisme et prosaïsme.
      Il faut noter également dans ce livre original le personnage haut en couleurs de Yvon Grimbert "insignifiant gardien d'usine, mais le grand prêtre tout-puissant du temple" (p.45). Cet homme a la particularité de s'exprimer en alexandrins:
"Nombreux sont les livreurs qui affrontent mon courroux
Arrivez donc à l'heure et vous me verrez doux." (p.44)
   
    Un conte moderne drôle et parfois nostalgique et un bel éloge du livre et de la lecture.




jeudi 19 novembre 2015

Moi, Malala je lutte pour l'éducation et je résiste aux talibans, Malala Yousafzai avec la collaboration de Christina Lamb, Calmann-Levy 2013 pour la traduction française.

    Il s'agit du témoignage de cette jeune Pakistanaise qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 2014: déterminée et courageuse, elle vivait dans une vallée paisible avant l'arrivée des talibans. Elle appartient au peuple des Pachtounes, une tribu d’Afghanistan. Son père est un homme cultivé qui souhaite ardemment que sa fille et ses fils fassent des études, ce qui était rarement le cas pour les jeunes filles. Il va ouvrir une école qui, après quelques difficultés, rencontrera un vif succès.
   L'arrivée des talibans va modifier considérablement la vie de ces familles. La crainte s'empare de nombre d'entre elles.  Père et fille font entendre leur voix et ils reçoivent rapidement des menaces.
    Un taliban va tirer sur elle dans le bus scolaire. La balle va traverser son crâne. Elle va en réchapper miraculeusement, aura la "chance" d'être opérée au Pakistan puis, transférée en Angleterre, elle subira  dans l'hôpital de Birmingham une nouvelle opération qui lui évitera de garder la moitié du visage paralysé.
    Ses parents et ses frères la rejoindront. Ils habitent une petite maison dans la cité anglaise et,même s'ils  y sont bien logés, ils gardent la nostalgie de leur pays.

    Malala sait qu'elle a eu de la chance et elle savoure son bonheur d'être en vie et de pouvoir être scolarisée: "C'est merveilleux d'aller en classe et de ne pas avoir peur comme à Mingora, de ne pas avoir à regarder autour de soi en chemin au cas où un taliban surgirait." (p.381-382) L'ironie tragique est que j'ai fini la lecture de ce livre le 14 novembre, le cœur serré en pensant particulièrement aux jeunes Parisiens devant reprendre le lendemain le chemin de l'école, du collège ou du lycée avec peut-être la peur au ventre.
  On ne mesure pas le prix de la liberté tant que nous respirons son souffle!
   Ce livre est fort intéressant; je regrette seulement que le style soit si maladroit et la traduction ne doit pas non plus arranger les lourdeurs de l'écriture. Mais ce témoignage est d'une actualité brûlante!

Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, Selma Lagerlof, édition abrégée le Père Castor, Flammarion, 1989.

     Nils est un insupportable petit garçon qui n'obéit jamais à ses parents et tourmente sans cesse les animaux de la ferme. Un dimanche, il rencontre un lutin, hôte familier de leur ferme, et se moque de lui. Le lutin va le punir pour sa témérité et notre personnage va se retrouver de la taille d'un Tom Pouce, embarqué par hasard sur le dos d'un jars dans un survol des différents comtés de Suède en partant du sud.
    Selma Lagerlof (prix Nobel de littérature en 1909) était déjà un écrivain reconnu lorsque des instituteurs lui demandèrent d'écrire un livre pour apprendre la géographie de leur pays aux petits écoliers. Elle se documenta très sérieusement, puisa dans le fond d'histoires et de récits folkloriques de la Suède et écrivit ce conte qui enchanta son jeune public lors de sa parution en 1906.
    Ce conte possède bien les deux caractéristiques propres au genre: plaire et instruire. En effet, non seulement l'enfant découvre les beautés de son pays lors de cette envolée magique, mais le récit contient également une morale: le jeune Nils découvre l'importance de la bonne action, du don de soi, et il change de comportement.
    Les très belles illustrations de Lars Klinting dans cette édition complètent le plaisir de la lecture de ce bel album.
     Je l'avais lu petite fille et je l'ai relu avec intérêt et plaisir!
    De 8 à 88 ans!

mercredi 11 novembre 2015

Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable, Romain Gary, Gallimard, 1975, 260 pages.

      Écrivain originaire de Lituanie, Romain Gary est un écrivain peu ordinaire: en effet, il reçoit le prix Goncourt en 1956 pour son ouvrage autobiographique Les Racines du ciel, et, sous le pseudonyme d'Emile Ajar, il se trouve être à nouveau le bénéficiaire de cette prestigieuse distinction en 1975 pour  son roman La vie devant soi.
     En 1975, il publie également un autre roman sous son nom véritable, Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable. Le narrateur-personnage de cette histoire, Jacques Rainier, âgé de 59 ans, est tombé éperdument amoureux de Laura, jeune Brésilienne de trente ans sa cadette. Cette jeune femme l'aime aussi véritablement.
     Le thème central est sombre: il s'agit du déclin lié à l'âge et tout particulièrement de ses répercussions sur la sexualité masculine. Le roman est parfois irritant, mais l'humour amer et le regard désabusé du personnage sur ce qui lui arrive sauvent l'intrigue d'un pathos facile. Le dénouement est inattendu!
      Dans nombre de ses ouvrages, Romain Gary nous livre une part de lui-même: nous savons qu'il était hanté par la menace du déclin inexorable. Il se suicidera en 1980.


jeudi 5 novembre 2015

Villa des femmes, Charif Majdalani, Seuil, 2015, 279 pages.

     L'intrigue de ce roman est située au Liban, dans la maison des Hazek, riche famille libanaise. Le début de l'histoire nous montre la prospérité de cette lignée malgré les ombres causées par ce que l'on nomme les secrets de famille .Le déclin va commencer avec la mort de Shandar, le "patron", qui laisse une veuve et trois enfants, deux garçons et une fille, Karine. L’aîné, Noula, est un noceur qui va dilapider assez vite l'héritage familial; le second, lui, est un voyageur qui va errer de Zanzibar au Mozambique, comme il le rapportera à son chauffeur: "Lorsqu'il me le raconta, je ris de ce nom que je prenais pour un pays inventé dans les vieilles légendes, et aussi jusqu'au Mozambique, un pays que j'imaginais riche et bariolé à cause des mosaïques qui résonnaient dans son nom." (p.112).
      Le narrateur est donc cet homme, chauffeur de la famille, assis sur le perron en attendant les ordres et observant toutes les allées et venues."je revois danser les ombres et la lumière sur les arabesques du perron où j'attendais le patron. [...] j'aimais la propriété, l'usine, [...] J'aimais le domaine." (p.15). Le lexique est riche, les phrases sont souples et l'écriture agréable à lire, mais j'avoue être troublée par le choix du narrateur chauffeur qui cite Apollinaire sans guillemets: "[il] était las de ce monde ancien." (p.101).
     Le titre s'explique à la fin du roman. De belles figures de personnages féminins parcourent l'histoire sur fond des rivalités guerrières qui dévastèrent le Liban: Mado, sœur du patron, Marie, l'épouse de Shandar, et Karine, leur fille altière et intrépide, sans oublier Jamilé "la servante au grand cœur".
      Villa des femmes est une belle réussite de cette rentrée littéraire, alliant intérêt de l'intrigue et style travaillé.

N'aie pas peur si je t'enlace, Fulvio Ervas, Liana Levi, collection piccolo, 2012, 268 pages.

    Ce livre est le récit d'un "road movie" d'un père et de son fils autiste âgé de 18 ans et de leur périple qualifié de pari fou aux USA en moto puis en Amérique du Sud avec divers moyens de locomotion.Ce témoignage est émouvant et constitue une belle leçon d'humanité même si ce n'est pas de la grande littérature. Il soulève les questions essentielles des parents confrontés à des adolescents hors norme.
   Le titre nous annonce le comportement inhabituel de ce jeune homme qui manifeste son plaisir de la rencontre en embrassant généreusement ou en enlaçant ceux qu'il croise, ce qui surprend généralement!