jeudi 30 novembre 2017

Dans la forêt, Jean Hegland, Gallmeister, 1966, 2017 pour la traduction française, 301 pages.

    Livre étrange... mais à l'atmosphère prenante.

    Ce roman, Dans la forêt, n'a pas de chapitres clairement identifiés: en effet, il s'agit du journal tenu par Nell, alors âgée de 17 ans; sa famille, père, mère et une sœur plus jeune prénommée Eva vit dans une maison à l'écart de la petite ville de Redwood. Notre narratrice reçoit à Noël comme unique cadeau un cahier et sa sœur lui suggère d'"écrire sur maintenant".

   "Maintenant" est une drôle d'époque plutôt troublée; il n’y a plus d'électricité, plus de téléphone, les denrées alimentaires se font rares et le comportement des humains devient violent comme souvent en période de crise. Nos personnages vivent dans une quasi autarcie, gardant entre eux des relations empreintes de chaleur et d'amour.

  Des catastrophes s'abattent sur ce petit îlot avec la maladie de Gloria, la mère,  puis l'accident qui foudroie leur père. L'aînée, ingénieuse et courageuse va tout faire pour leur survie à elles deux. Nell, passait son temps à lire l'Encyclopédie, seul livre chez elles qu'elle n'avait pas épuisé!  "J'essaie d'être disciplinée dans mes lectures et de ne pas sauter les articles qui ne m'intéressent pas ou ne me semblent pas en rapport avec mes études. Je veux lire l'encyclopédie du début à la fin." (p.36) Les bouleversements qui modifient considérablement ses projets la métamorphosent en jardinière, cuisinière, botaniste...

   Mais elle écrit sur ce que qu'elle fait et encore plus intéressant, sur ce qu'elle ressent; c'est ainsi que son journal nous restitue leurs joies et leurs souffrances. Car vous pouvez imaginer que la vie de deux jeunes filles seules dans une maison perdue au fond des bois n'est pas une sinécure. Elle évoque l'absence de ses parents avec beaucoup de sensibilité; elle part de la définition du mot "Engelure...cependant, lors du dégel, la douleur peut être intense.
  C'est cela que je ressentais, quand nous nous sommes mises à passer de pièce en pièce, à examiner les objets de notre enfance, les biens de nos parents que nous avions perdus. Petit à petit, les tissus s'assouplissaient, se réchauffaient, petit à petit le sang revenait, mais parfois la douleur de de ce dégel était si intense que j'avais envie de rester à l'état de glace. Pourtant, une sorte de vie embrasait mon moi gelé - cellule après cellule, toutes hurlant." (page 54)

  Ce livre nous tient en haleine tout au long de ses 300 pages, car on se demande comment l'auteur va pouvoir terminer. Happy end? fin ouverte? ou autre?... le suspense reste entier!
  De belles pages sur la nature qui sert de cadre de vie mais aussi de protection, de sauvegarde. La forêt joue un rôle de force tutélaire qui doit être la sienne.
   Un petit regret: quelques rebondissements sont par trop prévisibles.


jeudi 23 novembre 2017

Les Etoiles s'éteignent à l'aube, Richard Wagamese, éditions Zoé 2016, 285 pages.

  Un jeune garçon de 16 ans, Franklin Starlight, et son père, Eldon, sont les deux personnages principaux de cette fresque canadienne. Franklin a été élevé par un homme? son tuteur, désigné dans le roman par l'expression "le vieil homme". Au début de l'histoire, on ne sait pas pourquoi il a été chargé de son éducation, mais la première rencontre avec le père nous révèle l'alcoolisme d'Eldon.

  Ce père qui a été inexistant , malade et en fin de vie, convoque son fils et lui demande  de l'emmener mourir dans la forêt, au cœur de la montagne, face à l'est, comme un guerrier.

   Le voyage est extrêmement difficile: le malade supporte mal d'être à cheval, ne peut plus ingérer aucun aliment, perd conscience parfois. Mais ce voyage va enfin permettre un dialogue père-fils- et celui-ci peut enfin entendre qui il est, questionner son père au sujet de sa mère et connaître les raisons de son adoption par le vieil homme (très belle figure!) Les récits du père vont éclairer le passé et permettre au fils d'avancer. On peut être touché par la sincérité du mourant, par le pardon accordé et la sérénité finale du roman.

  C'est une superbe évocation -avec des éléments autobiographiques- puisque Richard Wagamese appartient comme ses personnages à la nation amérindienne des ojibwés, originaire du nord-ouest de l'Ontario. Le face à face entre les hommes est parfois rude, heurté, un peu à la manière du style de l'écrivain, style à la fois oralisant et poétique lorsqu'il évoque la beauté des paysages et les sentiments que le garçon éprouve envers la nature: respect et amour liés à une parfaite connaissance. Le passage page 128 racontant la lutte avec un grizzli en est un exemple significatif. De même, page 169, le jeune garçon reconnait l'emplacement choisi par son père et le narrateur nous donne à voir ce paysage  somptueux à travers les yeux du fils.

Les Etoiles s’éteignent à l'aube n'est pas le premier roman de Richard Wagamese, mais c'est le premier traduit en français; le second, paru en France en 2017, Jeu blanc, attend sur un rayonnage de ma bibliothèque que je le lise!
  Malheureusement cet écrivain indigène canadien est mort en mars 2017 à 61 ans.



jeudi 16 novembre 2017

La tresse, Laetitia Colombani, Grasset, 2017, 224 pages.

     Ce roman qui fait un tabac le mérite bien! Il nous captive dès la première page en nous entraînant dans trois univers bien différents: celui de Smita, qui appartient à une caste d'Intouchables, une Dalit, dont la fonction, sa mère disait "son devoir", est de ramasser la merde des autres. Smita ne veut pas que sa fille, la petite Lalita, ait le même sort.

  La deuxième héroïne, Giulia  la Sicilienne, qui s'occupe de l'atelier de traitement de cheveux de son père, se débat avec les difficultés de l'entreprise vacillante. Son père a eu un accident et se trouve entre la vie et la mort. Sur ses épaules repose donc le sort des ouvrières.

La troisième est une Canadienne qui a pris sa vie à bras le corps. La carrière d'avocat de Sarah est une belle réussite, elle  a deux beaux enfants, des jumeaux  (mais pas de mari), possède une belle maison et son organisation est sans faille. Jusqu'au jour où...

  Le destin de ces trois femmes si volontaires, à la fois fortes et fragiles, va s'entrecroiser comme les trois mèches d'une tresse. Le dénouement, peut-être un peu trop prévisible, est néanmoins une belle leçon de courage et d'espoir.

 Ce beau roman, d'une lecture aisée, plaira sans doute davantage à un public féminin car ces femmes s'opposent souvent à un monde régi par les hommes. Pour ma part, je ne le prouve pas féministe, mais il rend hommage à la volonté et au courage féminin.




jeudi 2 novembre 2017

Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler, Luis Sépulveda, Métailié, 2012 pour la traduction française, 119 pages.

    Cette histoire (parabole?) au titre incompréhensible! est un délice fantaisiste et poétique porteur de "leçon".

     Dans ce récit, les chats et les mouettes se comprennent. Le chat Zorbas, sauvé par un petit garçon du gouffre du bec d'un pélican qui l'avait pris pour une grenouille, vit des jours heureux dans sa famille adoptive.L'autre protagoniste, la mouette Kengah, se pose in extremis sur le balcon où le chat prenait le soleil. Ses ailes engluées par le pétrole d'une marée noire, n'ont pu la porter plus loin.

    Elle extorque au chat avant de mourir la promesse qu'il s'occupera de "l’œuf"!!!Zorbas va alors demander conseil à ses amis les chats du port  ( Jesaitout, Secrétario) car il est désemparé devant la tâche qui l'attend...

  Dans la deuxième partie, notre chat se transforme en mère -poule et prend soin de ce bébé tombé du ciel prénommé Afortunada. Leurs aventures rocambolesques devraient vous délecter!
  Que de sagesse chez ces animaux! et quel bel exemple d'entraide malgré leurs différences ...

A partir de 12 ans. Recommandé aux adultes même sérieux.