jeudi 11 janvier 2018

Les Passeurs de livres de Daraya, Une bibliothèque secrète en Syrie, Delphine Minoui, Seuil, octobre 2017, 158 pages.



Delphine Minoui est grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient, Prix Albert Londres pour ses reportages en Irak et en Iran et parcourt le monde musulman depuis vingt ans. Elle vit actuellement à Istanbul.

 Elle découvre par hasard sur la page  Facebook "Humans of Syria" une photo étrange de "deux hommes de profil, entourés de murs de livres." La légende du cliché évoque une bibliothèque secrète à Daraya, banlieue rebelle de Damas, encerclée et bombardée depuis 2012 par les forces de Bachar al-Assad.

Sa curiosité de journaliste est éveillée et de relais en relais, elle va découvrir l'auteur de cette photo, Ahmad, 23 ans,l'un des cofondateurs de ce lieu. Elle va suivre alors le quotidien mouvementé de ces jeunes hommes qui ont compris l'importance des livres "pour sonder le passé occulté. Ils lisent pour s'instruire. Pour éviter la démence. Pour s'évader. Les livres, un exutoire." (page 28) "Ahmad et ses amis portent en eux cet instinct de survie par la culture." (page 30)

 Ils vont partager avec elle grâce à Skype ou WhatsApp (quand les réseaux le permettent )leur quotidien, leurs angoisses, mais aussi leur goûts littéraires et il faut absolument citer Mahmoud Darwich, poète palestinien décédé en 2008, qui, en particulier dans Etat de siège, avait déjà évoqué l'attente infernale des assiégés:

"Le siège, c'est attendre, 
  Attendre sur une échelle inclinée au milieu de la tempête." (page 118)

 Daraya finira par être détruite, les assiégés dispersés, les livres brûlés ou éparpillés au gré du vent, mais Ahmad garde un espoir "On peut détruire une ville, pas des idées." (page 145)

  Je termine actuellement un autre témoignage qui m' interpelle, celui du père Michaeel Najeeb, dominicain irakien, qui, ayant dû fuir Mossoul et la plaine de Ninive, réfugié à Qraqosh, y a sauvé des manuscrits et des hommes de toutes confessions: Sauver les livres et les hommes (paru en 2017 chez Grasset). Là aussi, le cri d'alarme est fort: comment ne l'entendons-nous pas?

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