jeudi 29 septembre 2016

Être ici est une splendeur, Marie Darrieussecq, P.O.L, 2016, 152 pages.

 C’est une belle découverte que nous propose Marie Darrieussecq dans une langue travaillée et un style rapide: il s'agit de celle de  Paula M. Becker , artiste peintre, « bulle entre les deux siècles » qui peint vite nous dit l'écrivain, comme un éclat, comme si le temps était compté… Sa mort prématurée après la naissance de sa fille Mathilde nous prive sûrement de chefs d’œuvre.

  Marie Darrieussecq reprend des thèmes qui lui sont chers comme la nécessité d’avoir « un lieu à soi », nécessité évoquée dans sa traduction du livre de Virginia Woolf,  A Room of One'sOwn. Cet isolement est indispensable à la création. M. Darrieussecq ne prétend pas écrire « la vie vécue de Paula Becker », mais elle brosse une esquisse de ce qu’elle en aperçoit un siècle après.
  Le mari de Paula, peintre également, découvre le talent de son épouse en juillet 1902 en contemplant le portrait d’Elsbeth au verger, Elsbeth étant issue de son premier mariage.  L’autoportrait aux iris est également un très bel exemple de l'art de cette jeune femme.

  Sa mort sera source de création pour Rilke, grand ami de Paula. Après avoir entretenu avec elle une importante correspondance, il écrira Requiem pour une amie, un an exactement après la mort de Paula.

  Ce  livre sur une femme écrit par une femme est empli de sensibilité et de finesse. Il m’a bien sûr donné envie de découvrir l’œuvre de cette toujours jeune femme, artiste singulière,  et de lire les Lettres à un jeune poète de Rilke qui a fourni le titre de l’ouvrage, Être ici est une splendeur, extrait des Elégies de Duino.




jeudi 22 septembre 2016

Millénium 4, Ce qui ne me tue pas, David Lagercrantz, 2015, actes noirs ACTES SUD, 482 pages.

    La couverture des polars d'Actes sud est bien identifiable, et les amateurs du genre la reconnaissent aisément.

  Tout le monde sait que David Lagercrantz n'est pas l'auteur des trois premiers volumes de Millénium. Cet écrivain suédois, journaliste, s'est emparé des personnages "cultes " créés par Stieg Larsson il y a plus de dix ans. et la saga continue.... j'avoue pour mon plus grand plaisir et délassement!

 Nous retrouvons bien sûr Mikael Blomkvist, journaliste pour la revue Millénium qu'il a lancée, Lisbeth Salander, la hackeuse géniale, mais nous découvrons aussi d'autres personnages qui vont permettre à Blomkvist de se jeter dans une autre aventure, toujours à la pointe de l'investigation! Notre héros est parfois harassé, mais il défend toujours les opprimés!

  Je parlais de délassement: le roman est bien mené, et il se lit facilement, sans que l'on soit ni stressé ni tendu: juste une bonne intrigue et des personnages connus, la recette fonctionne. On aimerait seulement que la réalité ne rattrape pas la fiction...
 
Ceci est l'article numéro 100!  J'espère poursuivre mon bavardage...et continuer à proposer mes lectures préférées ... Je n'évoque jamais ce qui ne m'a pas intéressée.
Bonnes lectures!



jeudi 8 septembre 2016

Le grand marin, Catherine Poulain, éditions de l'Olivier, 2016, 373 pages.

      Une jeune femme parle et raconte son désir et son besoin de partir, de vivre libre. Elle a quitté un petit village français, Manosque les Couteaux où apparemment certains  hommes  voulaient sa mort "Je ne veux pas qu'on ait ma peau". (p.26). Elle n'a pas d'attaches connues et semble en marge de la société.
      Elle  rejoint le Grand Nord et comme elle n'est pas vraiment en règle avec les services de l'immigration, elle  ne craint qu'une chose, c'est d'être renvoyée en France.

      Elle est embauchée comme "greenhorn", c'est-à-dire novice, demi-portion, à bord d'un bateau de pêche ancré à Kodiak en Alaska. Dans cet univers masculin, la vie est rude et elle supporte pas mal d'avanies liées aux hommes et au contexte: dormir à même le sol car sa couchette a été attribuée à un homme ou avoir les mains attaquées par le sel, ou avoir une côte cassée lors d'une chute mais n'en rien dire. Le métier est violent.

      Petit à petit, Lili dit le moineau prend sa place dans ce milieu si particulier. Son entourage apprend à la connaitre et à l'apprécier: "Oui, elle n'est pas épaisse, mais elle est costaud." (p.35) Elle y rencontre "le grand marin", homme qui sait tout de la mer et dont elle tombe amoureuse. Une histoire d'amour va les lier.
      Pêche à la morue noire, pêche au flétan: notre narratrice affronte ces poissons monstrueux pendant que le skipper s'alcoolise. Car l'alcool est un véritable fléau: les hommes pour la plupart sobres en mer -question de survie- vont dépenser à terre dans les bars ce qu'ils viennent de gagner durement.

      Le style est rapide, parfois presque oral: il retranscrit bien les pensées et les paroles de la narratrice.

      C'est peut-être un peu long  mais l'évocation de cet univers et de l'appel de la mer est puissante.
      La fin reste ouverte: que deviendront notre jeune narratrice et son grand marin? Et que penser des "sculptures de sable"?

 Ce livre a été couronné par de nombreux prix littéraires dont le prix Livre et Mer Henri-Queffélec, le prix Nicolas Bouvier, le prix Pierre-Mac-Orlan...

jeudi 1 septembre 2016

Les disparus du phare, Peter May, 2016, Rouergue noir, 315 Pages.



Il s’agit d’un auteur que je ne connaissais pas et j’ai vraiment apprécié ce roman policier qui possède un excellent suspense.
  Le narrateur amnésique, trempé jusqu’aux os après ce que l’on imagine être un naufrage ne sait plus - naturellement- ni qui il est, ni ce qu’il fait dans cet état, dans ce lieu perdu, une île sauvage des Hébrides.
  Des rencontres successives vont l’aider à cerner son identité. Très progressivement sa mémoire va revenir.
  D’autres personnages, présentés par un narrateur externe, vont participer à l’intrigue et en renforcer la tension dramatique.
  Bien sûr, notre premier narrateur personnage  va découvrir un cadavre : mais qui est-il ? et qui est le meurtrier ? Est-ce lui?
  Autre question qui interroge tout au long de l’histoire : pourquoi ce titre ? autre mystère ? Quel lien entre la disparition des trois derniers gardiens du phare et le cadavre ?

 Le rythme est haletant jusqu’à la fin du roman, sans noirceur excessive, avec même une sorte de « happy end ».
  J’ai apprécié ce thriller original dans son genre.







jeudi 28 juillet 2016

Vacances!



  Chers amis lecteurs,


   comme pour beaucoup d'entre vous j'espère, le repos estival est aoûtien...
Vous le constatez, la lecture est au programme! et j'espère pouvoir partager avec vous quelques trésors en septembre.
   Bel été: je vous souhaite "la douceur fleurie des étoiles et du ciel" et d"embrasser l'aube d'été". (Illuminations, Rimbaud)

  Littérairement vôtre,

  Hélène Roizard

Le ravissement des innocents, Taiye Selasi, éditions Gallimard 2013 pour la traduction française, 366 pages.

   Ma première impression fut: que c'est confus!

  Ceci est dû aux prénoms et noms des différents personnages du roman, les membres d'une famille ghanéenne. Mais je fus rapidement saisie par l'atmosphère si particulière de cette histoire et très vite, je me suis attachée aux différents protagonistes.

  La quatrième de couverture nous révèle que "en l'espace d'une soirée, la vie sereine des Sai s'écroule: Kwaku, le père, chirurgien extrêmement respecté aux Etats-Unis, subit une injustice professionnelle criante. Ne pouvant assumer cette humiliation, il abandonne Folà, sa ravissante épouse nigériane, et leurs quatre enfants. Dorénavant, Olu, leur fils aîné, n'aura d'autre but que de vivre la vie que son père aurait dû avoir. Les jumeaux, la belle Taiwo et son frère Kehinde, l'artiste renommé, verront leur adolescence bouleversée par une tragédie qui les hantera longtemps après les faits. Sadie, la petite dernière, jalouse l'ensemble de sa fratrie. Mais l'irruption d'un nouveau drame les oblige tous à se remettre en question."

   Ce roman est remarquablement construit. Structuré en trois parties possédant des titres, "Le retour", "Le voyage" à partir de la page 116, et enfin, page 223, "Le départ". La dernière partie est la plus longue, et c'est logique, car c'est celle des dénouements.

    Chaque partie est divisée en chapitres, eux-mêmes possédant parfois des sous-parties qui permettent au lecteur de s'intéresser plus particulièrement à l'un ou l'autre des personnages. Notre attention est ainsi focalisée sur les pensées, les actions ou les sentiments de chaque personnage. Ainsi Sadie, dans la dernière partie du roman, évoque toutes les émotions qui l'envahissent, elle, la petite dernière: "Ses frères et sa sœur sont éblouissants. Olu, Taiwo et Kehinde. Avec leur démarche sûre, leurs réussites impressionnantes, ils rayonnent, sans oublier la beauté de sa sœur; ils brillent par leur talent, l'éventail de leurs multiples dons. L'intelligence calme d'Olu, sa maîtrise des sciences, sa voix affermie par la connaissance des faits. Le sombre génie de Taiwo, son murmure rauque et séduisant, truffé de grands mots et de quelques phrases en français; [...] Le talent incontestable de Kehinde, son don pour l'image, l'assurance tranquille avec laquelle il contemple le monde[...] En revanche, elle le bébé Sadie née l'hiver avec une bonne dizaine d'années de retard dotée d'un éventail de compétences hétéroclites... n'a aucun don." (p. 251-252) Éternel complexe de la dernière née...

   Tous les personnages de cette famille sont attachants, pétris de contradictions donc d'humanité.
  Le dénouement est apaisant, à l'image d'une famille qui finit par trouver ses marques.

  Un mot sur le titre français qui n'a pas grand chose à voir avec le titre original: Ghana must go.
   Il est assez ambigu, car on peut le comprendre comme "action d'enlever de force", ou aussi "émotion éprouvée par une personne transportée de joie". Au lecteur de voir ce qui lui semble convenir le mieux et est ainsi créateur du sens qu'il donne à sa lecture...



jeudi 21 juillet 2016

Clementine Churchill, la femme du lion, Philippe Alexandre et Béatrice de l'Aulnoit, 2015, Tallandier Robert Laffont, 386 pages.

  Ces 386 pages sont passionnantes:  quelle femme et quelle vie bien remplie!

  En exergue de ce livre,  une parole de son petit-fils, Sir Nicholas Soames, membre du Parlement :Si mon grand-père n'avait pas eu Clementine, il n'aurait été que la moitié de l'homme qu'il fut.

  Née en 1885, elle traverse une période tourmentée de l'histoire d'Angleterre, épaulant sans relâche son" Winston chéri", que ce soit en politique ou dans ses soucis de santé, partageant avec lui les préoccupations de l'éducation de leurs enfants et surtout la douleur de la perte d'une petite fille de deux ans, Marigold, d'une septicémie que l'on ne savait pas soigner à l'époque...

  Elle est reconnue comme une grande dame par ses contemporains et par la reine actuelle qui la nommera "pairesse à vie" après le décès de son époux. Ses biographes parlent d'une "vie exemplaire". "[...] dès le jour de son mariage, à vingt-trois ans, Clementine a tenu sa juste place. Elle est toujours restée incroyablement fidèle à ses convictions, ses certitudes, ses ambitions." (p.386)
  Elle meurt à quatre-vingt douze ans, au terme d'une vie bien remplie!

  Les biographes ont  pratiqué une bibliographie très fouillée et ils ont retenu ce qui fait de Clementine un être vivant sous nos yeux de lecteur: les faits mais aussi les émotions, les sentiments sans tomber dans l'extrapolation. Cette biographie précise m'a véritablement fait découvrir cette femme étonnante.