jeudi 30 mars 2017

Entretien avec un ex-vampire, vendredi 24 mars 2017, Paris.


   Dans le cadre de son prix littéraire,  ELLE a organisé dans la prestigieuse et luxueuse boutique Guerlain sur les Champs-Elysées une rencontre pour les lectrices pouvant se libérer avec certains auteurs de la sélection 2017. C'est ainsi que vendredi 24 mars, j'ai eu la chance de rencontrer Mathias Malzieu.

 Je vous en avais déjà parlé lors de la lecture de son témoignage Journal d'un vampire en pyjama (voir  ci-dessous mon article du  15 septembre 2016); j'avais été sous le charme de cette prose poétique parfois drôle, et souvent très touchante.    

Mathias Malzieu apprend qu’il est atteint d’une maladie assez rare et très grave, l’aplasie médullaire, autrement dit arrêt du fonctionnement de la moelle osseuse ; il n’a pas encore quarante ans… le traitement est lourd et son efficacité n’est pas garantie.
  Son journal ( 6 novembre 2013- 24 décembre 2014) nous relate son combat. Il se bat avec ses armes, c’est-à-dire tout d’abord une bonne dose d’humour et en tenant ce journal. Pour lui, la « seule possibilité de résister, c’est d’écrire. » et il écrit bien ! Maniant à la fois la poésie et les jeux sur la langue, comme l’évocation de « Dame Oclès », ou dans le bel éloge qu’il fait des infirmières page 116 : « Les infirmières portent en souriant des armoires à glace émotionnelles sur leur dos en souriant. Ce sont les grandes déménageuses de l’espoir. … elles sont cigognes-mamans-nymphes-filles. Elles gagnent à être (re)connues. »
  La création artistique reste indispensable aussi à son moral : « j’ai la rage de créer. Mettre à distance la réalité pour mieux l’affronter m’est aussi vital que les transfusions de sang. (p. 141) « organiser ma résistance en mobilisant les ressources de l’imagination ». (p.39)

 Comment ne pas parler du rôle de l’entourage, si précieux dans ces moments très difficiles à vivre ? Rosy sa compagne, son père si touchant, sa « grande petite sœur ». Sans pathos, il évoque les relations avec chacun durant les épreuves endurées, les espoirs et les crises de rage ou de désespoir…

 Un très beau livre, porteur d’espérance… une vraie leçon de courage  racontée avec verve.
A lire absolument par tous!"



 Nous avons parlé tranquillement tous les deux; bien sûr j'ai pu lui dire combien j'ai aimé son livre;son humour, mais à ma remarque sur la façon dont il parle des gens qu'il aime, c'est-à-dire avec pudeur et une certaine distance, j'ai vu son regard changer, s'embuer, preuve d'une vraie émotion: il a acquiescé gravement, puis nous sommes passés à des choses plus légères comme son prochain livre: il y racontera sa traversée de l'Islande en skate à moteur, avec sac à dos, et il m'a avoué qu'il avait découvert Sylvain Tesson à cette occasion là (Dans les forêts de Sibérie, Sur les chemins noirs en particulier) mais qu'il se sentait "très Castor junior" à côté de lui. Il n'empêche que ce sont tous les deux des hommes de défi.


 J'attends avec impatience la sortie de son livre en septembre prochain: son titre est encore secret.

 J'espère et je pense qu'il sera le lauréat des lectrices 2017!

En t'attendant, Emilie Vast, 2014, éditions MeMo.

  Emilie Vast nous égrène par la bouche d'une future maman les merveilles que la nature opère au fil du temps, et ce temps de la nature nous renvoie au temps de la grossesse: tout ceci avec simplicité et des dessins purs et poétiques.

"De la chenille au papillon,
  de la fleur au fruit,
  toutes les choses que j'ai vues,
  en t'attendant."

A partager avec des petits dès 2 ans.


jeudi 23 mars 2017

Petit pays, Gaël Faye,2016, audiolib lu par l'auteur.

  Ne pouvant lire actuellement, je suis allée chercher dans ma médiathèque préférée des livres audio. J'ai trouvé avec bonheur Petit pays...

  L'écoute d'un livre n'a rien à voir avec sa lecture: c'est une approche qui nécessite une grande concentration; de plus, je ne peux noter ce qui me plait car je ne choisis pas le rythme de l'écoute comme on peut choisir son rythme de lecture. Il n’empêche que j'apprécie ce temps passé avec l'auteur, car c'est Gaël Faye qui lit son oeuvre et sa voix est ajustée à son roman. Je pense qu'il possède l'art du conteur.

 Je ne vous dirai rien du livre, si ce n'est qu'il est à la fois touchant et drôle, que ses personnages sont bien campés, et que j'ai très envie de me plonger dans la (re)lecture de Petit pays!

Prix du roman Fnac et Goncourt des lycéens 2016! Nos élèves ont décidément très bon goût...

jeudi 16 mars 2017

Le quatrième mur, Sorj Chalandon, 2013, Grasset, 327 pages.

     Le quatrième mur est une invention de Diderot pour désigner le mur factice dressé entre acteurs et spectateurs, celui qui permet l'illusion théâtrale.

     Le titre annonce donc un roman qui a trait au genre théâtral: il va s'agir d'Antigone, celle d'Anouilh qu'un metteur en scène juif, Samuel, voudrait faire jouer à Beyrouth dans les années 80; il voudrait rassembler pour jouer des membres des diverses communautés et religions qui vivent dans ce lieu tourmenté: un acteur dans chaque camp avec Imane, une Palestinienne pour Antigone, Hémon est un Druze, etc...
 Mais Samuel a un cancer et il va mourir; il demande alors  à Georges, un ami français, jeune metteur en scène, d'aller au Liban et de monter la pièce à sa place. Georges accepte au grand désespoir de sa femme Aurore qui craint de le voir partir dans ce pays loin d'être calme.

  Georges part à Beyrouth et le nom de Samuel lui ouvre les portes dont il a besoin. Il rencontre les différents acteurs, et leur fixe rendez-vous pour dans quatre mois. Il rentre en France, retrouve Aurore et leur petite fille Louise.

  De nombreuses péripéties graves vont attendre Georges à son retour au Liban Nous rentrons dans le drame et théâtre et vie réelle s'entrecroisent. Roman noir, comme certaines pièces d"Anouilh, Le quatrième mur possède la force  des tragédies grecques, sans espérance, mais emplie de beauté. Les lycéens ne s'y sont pas trompés, eux qui lui ont décerné
le prix Goncourt des lycéens en 2013...

jeudi 9 mars 2017

AMÉRICAINES, Patrick Sabatier, éditions Bibliomane, 2016, 253 pages, sélection ELLE.

  Voici un ouvrage difficilement classable, mais intéressant pour le parti pris choisi: balayer l'histoire américaine à travers des femmes d'exception de 1608 à 2016.

  L'auteur opère un classement, des pionnières aux dirigeantes, en passant par les guerrières, les aventurières, les conquérantes et les militantes.

  J'ai retrouvé avec plaisir des figures connues, comme la mythique mais néanmoins réelle Pocahontas ou l'écrivain Harriet Beecher-Stowe dont j'avais dévoré jadis le roman aujourd'hui controversé La case de L'oncle Tom; je salue au passage le courage d'Helen Keller, la grâce d'Isadora Duncan, la force d'Eleanor Roosevelt...

 J'ai découvert d'autres femmes, peu banales également comme l'utopiste Ann Lee, appartenant à la secte des Shakers,  qui se prenait pour une Seconde incarnation de Dieu sur terre (page 38) ou la journaliste Billy Bly qui fait en 1890 seule le tour du monde en 72 jours, 6 heures et 11 minutes, véritable exploit pour l'époque et inventant aussi le grand reportage rédigé à la première personne.

  Amusant:des clins d’œil sur quelques personnages iconiques comme la très célèbre Claire Underwood qui clôt ce livre.

 Cet ouvrage, abondamment illustré, sans être de la grande littérature, se feuillette avec plaisir; à quand un équivalent français mettant à l'honneur nos Jeanne d'Arc, Marie Curie et autres grandes figures féminines? Et n'oublions pas toutes les figures héroïques de l'ombre!


jeudi 2 mars 2017

Des phrases courtes, ma chérie, Pierrette Fleutiaux, 2001, Actes Sud, 223 pages.

  Ce livre relate de manière pudique mais un peu douloureuse la complexité des relations mère-fille lorsque la mère vieillit... le style est élégant, la narration est chronologique avec parfois une impression de "haché" due à la succession de petites saynètes.

  Mais l'auteur qui est aussi la narratrice se demande si elle a le droit de faire de sa mère un personnage de roman et surtout "si elle avait eu l'idée d'apparaître un jour dans un livre, ce n'est certes pas celle que je fais apparaître ici,  pas cette vieille femme dans ses pathétiques derniers efforts" (page 174)


  26 chapitres avec des titres très courts traitent du thème de la vieillesse, considérée comme une lutte, un enfermement: P. Fleutiaux utilise souvent l'image de "la cellophane".  Mais la mère reste néanmoins une séductrice qui prendra soin jusqu'à la fin de son apparence,  que ce soit devant le docteur, devant le directeur de la maison de retraite "chic " ou  la vendeuse de robes. Un exemple frappant est celui de la salle à manger "la grande épreuve"[...] le lieu où se vérifie en public, la légitimité de votre présence." (page 177). Marie de Hennezel est plus positive, je pense en particulier à l'essai La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller.

  Aucun chapitre n'est intitulé "mort" même si le dernier chapitre raconte la mort de la mère. Il aura fallu deux ans à notre narratrice avant de rapporter ces dernières années, nécessaire mise à distance avant l'écriture. Ce livre est plus un témoignage qu'un roman, un hommage rendu à la mère jamais nommée et un document très émouvant.
Un article précédent rendait compte d'un ouvrage plus récent du même auteur: Destiny