jeudi 31 décembre 2015

Pietra viva, Léonor de Récondo, Sabine Wespieser éditeur, 2013, 225 pages. ***/*****

    1505: Michelangelo quitte Rome pour aller choisir à Carrare les blocs de marbre dont il aura besoin pour sculpter le tombeau commandé par le pape Jules II.

     La plume de Léonor de Récondo se fait prosaïque ou lyrique pour décrire les états d'âme du sculpteur; celui-ci découvre une petite communauté de paysans et d’artisans qui vivent en respectant la nature mais en subissant parfois sa colère. Les hommes et les femmes qui l'entourent sont pétris d'humanité dans leur simplicité quelquefois extrême comme celle de Cavallino, l'homme qui pense être un cheval mais qui s'exprime avec une rare poésie: "Le parfum, c'est le ciel qui s'embrase." (p.85). La rencontre avec le petit Michele sera également d'importance, car l'enfant saura trouver le chemin du cœur de l'artiste: ils ont en effet en commun la perte -très jeunes- d'une mère aimante et Michelangelo finira par retrouver la présence de sa mère et verra son image en lui.
  "De l'orage naît l'espoir infini
    D'un amour retrouvé
    Qui s'arrache à l'oubli
    Pour ressusciter la mémoire de l'enfant
    Dans le cœur de l'homme." (p.211)
  Et le souhait final de l'artiste est "Que la chair se fasse pierre." (p.215), ce qui éclaire le titre de l'oeuvre. Un très beau roman!


à ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal,Gallimard, éditions verticales, 2015, 74 pages. */*****

       Le premier chapitre de ce petit ouvrage nous présente l'auteur la nuit dans sa cuisine, buvant une tasse de café et écoutant la radio sans y prêter une véritable attention. Mais une information va l'interpeller, celle du naufrage d'un bateau de migrants au large des côtes de l'île de Lampedusa.

        Les chapitres suivants commencent tous par l'expression "à ce stade de la nuit", et ils vont développer la réflexion de Maylis de Kerangal autour du fait et de ce nom quasi mythique pour elle, relié au fameux film avec Burt Lancaster et au roman de  Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard.

        Entre réflexion et art poétique, ce petit ouvrage établit, me semble t-il, un rapprochement entre deux fins de monde: celle d'une aristocratie italienne qui se voit obligée d'établir des mésalliances pour survivre et celle d'un monde en déroute qui cherche désespérément des points de repère et des moyens pour que l'espace terre et ses ressources soient partagés de manière équitable.
       Mais.... un ouvrage si mince! pour un sujet si vaste! cela reste assez surprenant! sans plagier Cyrano...


mercredi 23 décembre 2015

Lettres du Père Noël, J.R.R. Tolkien, 1 ère publication française en 1976, présente édition de 2004 en Pocket chez Christian Bourgeois éditeur, 159 pages.

   Il s'agit de lettres écrites par Tolkien, l'inventeur de La Terre du Milieu.Ses quatre enfants, John, Michael, Christopher et Priscilla, reçurent ces étranges missives entre 1920 et 1943.
   Tolkien crée pour eux un véritable univers autour du Père Noël avec l'Ours du Pôle Nord, les Elfes des Neiges, les ours des cavernes... L'ours polaire est l'assistant principal  du Père Noël et surtout la cause principale de multiples désastres!
   Ces lettres sont accompagnées d'illustrations et l'on peut voir tout le soin que ce père ingénieux y mettait. Les parents devraient trouver ce recueil à la fois attachant et intéressant en ce qu'il raconte aussi les difficultés de la guerre, en narrant les difficultés d'approvisionnement en cadeaux de notre bonhomme rouge!
ET JOYEUX NOEL!!!!!

Noireclaire, Christian Bobin,nrf, Gallimard, 75 pages. ****/*****

      Méditations, réflexions, essai, .... aphorismes de Christian Bobin sur la vie et la mort d'un être cher.
      Ces pensées successives peuvent sembler décousues, mais elles sont reliées par un fil conducteur ténu mais solide: ce texte s'apparente à la poésie par sa simplicité première, mais il s'agit bien de contempler l'homme dans l'univers... quoique... c'est peut-être la proposition inverse.
       J'ai noté quelques propos qui m'ont particulièrement plu:
        " Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre." (p.19)
        "Ce journal de la veille dans le caniveau: un gant mort, une ruche en ruine. Si les poèmes ne connaissent pas cette fin, c'est qu'ils donnent des nouvelles du ciel, jamais du monde." (p.32)
         sur la lecture: "Lire prend mes mains, mon visage, mon temps, ma réserve d'espérance et change tout ça en silence, en bonne farine lumineuse de silence." (p.46)
          "Une amie, c'est quelqu'un qui m'attend dans le couloir quand je rattache mes lacets."

  Petit livre vite lu, Noireclaire fait partie des amis que l'on reprend avec plaisir et qui vous réchauffent l'âme.

jeudi 17 décembre 2015

Hédi Kaddour, Les Prépondérants, 2015, Gallimard, 460 pages.

        L'intrigue de ce roman dense aux nombreux personnages s'inscrit de 1920 à 1924, tout d'abord dans une ville d'Afrique du Nord, dans un protectorat. On pense au Maroc, mais aucun nom réel ne permet de l'affirmer. Une équipe d'acteurs venant d'Hollywood a investi ce lieu durant un tournage. Des liens se tissent entre les Américains, les notables locaux et les colons... Certains personnages, entre autres le fils du caïd, Raouf,  qui découvre ainsi l'Occident, feront ensemble le voyage vers Paris puis Berlin, avant de retourner à Nahbès, cette petite ville du Maghreb. Ce voyage est en quelque sorte initiatique pour le jeune homme.
         On suit les personnages dans leurs pensées, leurs sentiments, leurs révoltes. Il y a plusieurs intrigues, amoureuses par exemple mais un des éléments les plus intéressants de l'oeuvre est la définition que les "prépondérants" donnent de ce nom que les colons utilisent pour parler d'eux.
          Il y a également une forme de tragique dans ce livre rappelée avec la formule "mektoub", qui signifie: "c'était écrit", illustrée à la fin du roman.

          Hédi Kaddour manie une belle langue, soutenue et riche. Ce livre a d'ailleurs reçu le Prix de l'Académie Française. On peut néanmoins trouver le roman un peu long malgré son intérêt. Avec Boussole et 2084, voici encore un livre de cette rentrée littéraire sur l'Orient.


jeudi 10 décembre 2015

Laudate si', Loué sois-tu, sur la sauvegarde de la maison commune, encyclique du pape François, 2015, 190 pages, Bayard, Cerf, Mame.

      L'actualité de cette encyclique n'est plus à démontrer. Le pape inscrit sa réflexion tout d'abord dans l'émerveillement de saint François d'Assise face à la création, puis dans la tradition des papes précédents. Il rappelle l'urgence de sauvegarder notre "maison commune". Il présente les différents aspects de la crise écologique actuelle, puis il s'intéresse aux raisons de l'engagement judéo-chrétien en faveur de l'environnement. Enfin, le pape essaie d'analyser les causes les plus profondes de la situation actuelle.
     Est-il besoin de redire que François se penche tout particulièrement sur les plus démunis et sur la relation intime entre eux et la fragilité de notre planète?
     Chacun peut trouver dans ce livre très clair un propos le concernant plus particulièrement: on peut considérer que la nature est un livre à contempler, on peut également s'intéresser à une écologie intégrale.
      A la veille de l'achèvement de la COP 21, il est légitime de se poser cette question toute simple: l'intérêt commun arrivera-t-il à dominer les intérêts particuliers?


jeudi 3 décembre 2015

Rudik, l'autre Noureev, Philippe Grimbert, 2015, Plon, 175 pages.

     Cette fiction romanesque prend appui sur une part de vérité car elle relate des événements authentiques de la vie de Noureev. Ces péripéties sont relatées par le psychanalyste parisien très en vogue Tristan Feller, pressenti pour accompagner Noureev, alors à Paris, dans la recherche de son "moi" profond.

      Leur relation thérapeutique ne sera pas banale et Tristan Feller va transgresser un certain nombre de règles de sa profession. Le lecteur va suivre les rapports entre les deux hommes, rapports qui virent parfois à l'affrontement.

      Grimbert est écrivain et psychanalyste. Il nous invite à entendre les deux voix, celle du danseur russe qui a choisi la liberté, et celle du psychanalyste qui perd rapidement le contrôle de la situation mais qui s'attache à cet être hors du commun.

      L'écriture est belle, simple, et le roman, -réinvention de la vie de Noureev-, se lit avec plaisir.
      "S'il est une dimension qui importe au psychanalyste, c'est bien celle de la vérité, ce tissu de souvenirs remaniés, embellis par la mémoire, dans lequel nous nous drapons, romanciers de notre propre histoire." (p.39)