mercredi 24 juin 2015

Michel Bussi, N'oublier jamais, 2014, Presses de la cité chez Pocket

       Voici un roman policier dont vous pensez avoir le dénouement heureux dès le début de l'intrigue, et ainsi bénéficier d'une lecture pas trop haletante... Mais Michel Bussi est un maître dans l'art du rebondissement!
        Jamal, jeune sportif handicapé, rencontre une belle jeune fille qui se suicide sous ses yeux en se jetant d'une falaise d'Yport. Mais tout le monde va penser qu'il l'a poussée. Jamal croise fortuitement à la gendarmerie de Fécamp le chemin de Mona "post-doctorante en chimie expérimentale". Elle va l'aider dans ses recherches pour faire éclater la vérité. Cependant le lecteur n'est pas au bout de ses
surprises..
        L'écriture est incisive, rapide: c'est Jamal qui raconte la plus grande partie de l'histoire, d'autres éléments nous étant donnés à travers des rapports de gendarmerie.
         Excellent polar pour les vacances mais j'ai préféré le premier que j'ai lu, Nymphéas noirs, paru en 2010, dont l'intrigue se situe bien sûr à Giverny. Merci à la chère amie qui m'a prêté ce livre en janvier...

mardi 23 juin 2015

Bain de lune, Yanick Lahens, 2014, Sabine Wespieser

     Roman foisonnant, à la fois poétique et violent, clair et rempli d'ombres.
     L'intrigue est à la dimension du paysage d'Haïti où vit une famille de paysans, les Lafleur, dans un petit village Anse Bleue. Le lecteur va suivre cette  famille sur trois générations.
      Le début du roman et son épilogue se répondent. Écrits tous deux en italiques, ils transmettent la voix la plus récente, celle d'une jeune femme violentée retrouvée sur la plage. Elle évoque ses derniers instants et son retour sur une civière jusqu'à la case familiale.
      Je ne peux épuiser la matière du livre. J'ai relevé entre autres les liens fortement entrelacés entre les morts et les vivants ("visibles" et "invisibles"), l'amalgame ou la coexistence chez certains de croyances diverses (catholicisme/animisme): "aller en mer, c'est connaître l'heure du départ, mais jamais celle du retour, car seuls Agwé et Dieu savent." (p.143). Bien sûr, ce roman antérieur à Danser les ombres de Laurent Gaudé m'a rappelé ce livre avec l'évocation de la nécessité de "perdre" les morts pour leur éviter de "revenir nous visiter"(p.199). De même, la jeune morte se plaint car"Anse Bleue fera tout pour que je ne rôde plus dans les alentours. Pour que tous puissent très vite penser à moi sans être aspirés de l'autre côté..."
       Un mot néanmoins sur les descriptions de cet univers en prise au soleil "A peine soutenable à cause de la barre étale de la mer. Qui renvoyait la lumière comme pour condamner la terre au feu" (p.47): ceci évoque les plages de L'Etranger et la brûlure insoutenable du soleil, l'aspect implacable du climat et de la nature. Mais le titre  Bain de lune évoque aussi sans doute ce que vivra la jeune femme...
     L'auteur(e) dresse aussi à travers les trajectoires des personnages le tableau des difficultés  politiques de cette terre si troublée.

   Très beau roman, dense et fort. Prix Femina 2014

mercredi 17 juin 2015

Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, 2014, Actes Sud

       Le narrateur de ce roman est le frère nommé Haroun de "l'Arabe" tué par le personnage de Camus, Meursault, sur une plage pleine de soleil. Haroun s'adresse à un homme "monsieur l'enquêteur"dans un soliloque qui redonne vie à son frère, tout d'abord en le nommant par un prénom "Moussa", prénom inventé par l'auteur, puis en resituant l'histoire dans l'Histoire; il se libère aussi d'un poids très lourd.
         Ce récit se situe longtemps après les faits de L'Etranger. Haroun manifeste enfin sa rancoeur et sa colère vis à vis de la justice. Les deux protagonistes se retrouvent dans un bar et cela n'est pas sans rappeler le cadre de La Chute, ainsi que le procédé retenu, celui du monologue qui illustre sûrement la solitude tragique du personnage.
         Daoud est imprégné du style de Camus: ses phrases sont simples, le vocabulaire réduit; on retrouve des analogies de situation entre les deux romans: "l'idée me traversa que je pouvais enfin aller au cinéma ou nager avec une femme." (p.87) Bien sûr, l'auteur cite en italiques des passages de L'Etranger (1942) en les modifiant légèrement. On le sent très imprégné de l'oeuvre de Camus.
        Ce roman un peu particulier peut intéresser tous ceux qui ont lu Camus et apprécié L'Etranger et son apparente simplicité.

Le cercle des femmes, Sophie Brocas, 2014, Julliard

         Lors du décès d'Alice, Lia, son arrière-petite fille,  entreprend avec sa mère prénommée Agnès et sa grand-mère Solange des rangements dans la maison familiale."D'une énième boite à chaussures" glissée sous une grande armoire,
       Lia va extraire des lettres de son aïeule révélant ce que l'on appelle volontiers "un secret de famille". La jeune fille va aller de révolte en révolte et finira par prendre en main le cours de sa vie et rompre ainsi la malédiction qui pesait sur les femmes de la famille.
       Ce roman est d'une lecture aisée,l'idée de l'intrigue est intéressante, les personnages sont attachants, mais j'ai néanmoins un regret de taille: le style est plat, ne semble pas travaillé. Il s'agit d'un premier roman recommandé par un libraire..

La maman des poissons, Lucie Albon, 2014, édition Fleur de Ville

      Je suis une grand-mère comblée! et j'ai le bonheur d'avoir certains de nos
petits-enfants pas loin et de pouvoir emmener un grand (3 ans!), Sasha, à la bibliothèque le mercredi matin. Nous sommes allés tous deux à l'heure du conte -c'était peut-être moi la plus excitée!)  et je ne résiste pas au plaisir de vous présenter un livre d'enfant:

     maman poisson va pondre bientôt ses petits œufs et cherche désespérément un lieu pour qu'ils soient bien protégés. Elle va se renseigner auprès des autres mamans de la mer. Livre sur l'amour maternel joliment illustré d'aquarelles..

    à partir de 18 mois

mercredi 10 juin 2015

L'écrivain national, Serge Joncour, 2014, Flammarion

    Un écrivain qui est aussi le narrateur est invité par un couple de libraires dynamiques dans une petite ville apparemment ordinaire. La description de la petite cité est criante de vérité! La scène de l'atelier d'écriture est à la fois sinistre et drôle. Les séances de signatures tournent assez vite au vaudeville...mais tout cela serait encore assez bon enfant.
    Tout va déraper à la lecture d'un "fait divers" et notre écrivain va se retrouver dans un imbroglio assez loufoque.
     Du charme des petites villes de province.... où tout se sait... et est commenté...
     Original et assez amusant!

La ballade d'Ali Baba, Catherine Mavrikakis, 2014

    Ballade dédiée aux quarante voleurs, ce roman se présente comme une quête d'un père plus que fantaisiste. Nous l'apercevons à travers le point de vue de sa fille aînée qui balance toujours entre amour et rage pour ce père à la fois magicien illusionniste et perpétuel absent!
   Notre narratrice ne suit pas un récit linéaire mais nous propose un voyage dans l'espace et le temps au gré de la fantaisie des errances de ce père: depuis Rhodes qu'il quitta jeune adolescent  en 1939 avec sa famille,  à Alger où il dut travailler, puis à New York en 1957.
   Vassili Papadopoulos, grand séducteur, traîne sa fille Erina, 10 ans, au casino de Las Vegas, la retrouve dans les rues de Montréal alors qu'elle l'a enterré neuf mois plus tôt, l'égare avec ses soeurs à Kalamozoo.
   La fin du roman clôt véritablement la narration. La petite fille et la femme se rejoignent pour accompagner Vassili dans son dernier voyage,  et permettre enfin une  réconciliation qui s'opère  entre père et fille.
   Récit parfois déroutant à cause de cette chronologie perturbée, mais la vivacité de la narration et le charme des deux protagonistes principaux en permettent une lecture aisée.

mercredi 3 juin 2015

Charlotte, David Foenkinos, 2014, prix Renaudot et prix Goncourt des lycéens.

        On ne présente plus Foenkinos depuis La délicatesse et le succès du film éponyme, mais on change complètement de registre avec Charlotte, roman coup de cœur de cette année!


        Constitué de huit parties et d'un épilogue, ce roman retrace l'histoire de Charlotte Salomon, artiste peintre juive morte à 26 ans, enceinte, gazée à Auschwitz. les repères de l'Histoire sont précis et bien fondés. L'auteur nous parle de la famille et en particulier de la famille maternelle de Charlotte, marquée par une lourde hérédité.Il évoque aussi le don de Charlotte qui va créer une oeuvre picturale autobiographique magistrale même si elle y opère un travail de reconstruction.Elle l'intitule en effet: "Vie? Ou Théâtre?" Quand elle séjourne à Nice après avoir fui l'Allemagne, elle est alors saisie d'une véritable fièvre de travail et, dans une intuition géniale, elle confiera son oeuvre dans une valise à son médecin en lui disant: "c'est toute ma vie."

        L'autre intérêt de ce livre, c'est d'être un laboratoire de la quête de l'auteur et de la genèse de l’écriture; ce choix de phrases courtes (comme des Lambeaux?)et du retour de ligne s'est imposé à Foenkinos, pétrifié par le sujet. Il en parle en effet à la fin de la troisième partie:"j'éprouvais la nécessité d'aller à la ligne pour respirer."(p.71)  Il lui a fallu huit ans pour écrire ce livre.

         Roman magnifique et bouleversant qui a été retenu par les lycéens, ce que je comprends parfaitement: les jeunes lecteurs ont dû être saisis comme je l'ai été: bonne lecture!

Arnaldur Indridason, Bettys', 2012

    J'ai lu ce roman policier il y a un an et je ne peux que vous le recommander pour son intrigue absolument excellente ainsi que le coup de théâtre final!

     Indridason est bien l'auteur islandais de la fameuse série des enquêtes du commissaire Erlendur, dont je vous reparlerai. Mais ici, Erlendur n'intervient pas. Ce roman est à part dans l'oeuvre de cet auteur.
         Excellent délassement dont on a du mal à s'arracher!