jeudi 29 juin 2017

Cœur à l'ouvrage, Alix de Roux, Quasar, 2017, 108 pages.

   Récit rapide, il n'en est pas moins grave puis qu' Alix de Roux relate une vie qui devient un marathon.
   En effet, jeune épouse et mère de famille de trois petits enfants, notre charmante auteur découvre à l'occasion de chutes de tension multiples suivies de malaises qu'elle souffre d'une maladie cardiaque qu'on peut traiter: "une cardiomyopathie dilatée";mais il va lui falloir surtout "réinventer [s]a vie" et apprendre à vivre avec sa maladie.

  Une succession de petits chapitres nous montre son quotidien compliqué: prendre du temps pour soi, arriver à se faire aider, ne pas tenir compte des réflexions ou des remarques parfois désagréables, avancer en tenant ferme ce qui est important: sa vie de couple, ses trois enfants qu'elle aime par dessus tout. Un très beau passage pudique intitulé Le rôle de ma vie (p.100) évoque cette difficulté à concilier en permanence ses deux soucis au sens étymologique du terme ("prendre soin de "), celui de sa famille et  l'autre, la maladie "Pour eux, c'est là ma joie, je ne suis pas ma maladie. Je suis la femme qu'il aime. Je suis leur mère. Je veux prendre soin d'eux, les aimer."

  L'écriture semble un bon moyen pour trouver une forme d'équilibre, alliant à la fois gravité et humour, et ce petit livre se lit d'une traite. Pages 90-91, elle déroule la réflexion qui l'amène à écrire. J'espère que Alix de Roux nous reviendra comme écrivain, car son histoire est loin d'être finie et elle possède un vrai talent pour croquer des instants de vie, que ce soit chez le médecin, en rééducation, chez elle, avec les enfants ou avec des amis...



jeudi 22 juin 2017

L'usage du monde, Nicolas Bouvier, 1963, éditions La Découverte Poche 2104, 375 pages.

   J'aurai longtemps vécu sans savoir grand chose de la haine. Aujourd'hui j'ai la haine des mouches.Y penser seulement me met les larmes aux yeux.Une vie entière consacrée à leur nuire m'apparaîtrait comme un beau destin. Aux mouches d'Asie s'entend, car, qui n'a pas quitté l'Europe n'a pas voix au chapitre. La mouche d'Europe s'en tient aux vitres, aux rideaux, à l'ombre des corridors.[...]Celle d'Asie, gâtée par l'abondance de ce qui meurt et l'abandon de ce qui vit, est d'une impudence sinistre. Endurante, acharnée, escarbille d'un affreux matériau, elle se lève matines et le monde est à elle. Le jour venu, plus de sommeil possible.Au moindre instant de repos elle vous prend pour un cheval crevé, elle attaque ses morceaux favoris: commissures des lèvres, conjonctives, tympan. Vous trouve-t-elle endormi? elle s'aventure, s’affole et va finir par exploser d'une manière bien à elle dans les muqueuses les plus sensibles des naseaux, vous jetant sur vos pieds au bord de la nausée.[...] (pages 323-324)
  Un bel exemple de l'art du récit!

 Ce journal de voyage est en quelque sorte la bible des journalistes.

 Nicolas Bouvier,( 1929-1998) , part sillonner des pays lointains: la Turquie, l'Iran, Kaboul, puis la frontière avec l'Inde. Avec son ami Thierry Vernet, dessinateur, il voyage dans ces pays qu'ils observent avec un esprit curieux , relevant l'un et l'autre les traits caractéristiques de ce qu'ils découvrent.

  Ce récit de voyage s'organise bien sûr de manière linéaire  chronologiquement et recèle de nombreuses pépites.
Notre journaliste manie la plume avec dextérité et ses paragraphes sont clos souvent par une phrase faisant office de chute:
exemples: page 27, "La vertu d'un voyage, c'est de purger la vie avant de la garnir."
ou page 44: "Un jour, j'y retournerai, à cheval sur un balai, s'il le faut."
ou des aphorismes à La Rochefoucauld: "La santé est comme la richesse, il faut l'avoir dépensée pour l'apercevoir." (page 286)

  Je vous suggère également la lecture du grand moment -que l'on imagine bien éprouvant pour un écrivain- de la recherche d'un manuscrit représentant tout le travail de l'hiver: ce manuscrit a disparu dans un camion de voirie et nous suivons notre journaliste et son ami dans une quête effrénée jusqu'à la décharge...(page 306-309)
 Plus poétiques, les pages sur les paysages et les couleurs des pays traversés comme par exemple "cet inimitable bleu persan qui allège le cœur."...

  Et, pour terminer, une remarque qui doit plaire aux grands voyageurs comme Sylvain Tesson ou Patrice Franceschi, Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. (page 10)

jeudi 15 juin 2017

Quand sort la recluse, Fred Vargas, 2017, Flammarion, 478 pages.

  Quand Adamsberg est rappelé d'Islande...
  Quand il s'avère qu'il est toujours dans les brumes "islandaises"...
  Quand trois vieillards décèdent, tous les trois piqués par une recluse, timide araignée qui aurait tendance à se dissimuler...
   Quand le commandant Danglard, son fidèle adjoint, celui qui a la tête bien faite, semble le trahir et ne plus lui accorder sa confiance...
   Quand Adamsberg réalise que "ce n'était pas une seule "proto-pensée" qui embrouillait son esprit mais toute une bande éparse de bulles gazeuses" (page 406)

  Quelle imagination, Madame Vargas!
mais que c'est amusant de vous suivre, si tortueuse et pleine de méandres que soit votre intrigue, à l'instar du cerveau du commissaire Adamsberg! et que c'est plaisant de retrouver les personnages qui constituent la brigade!

   Lecteurs de Fred Vargas, amusez-vous! le cru 2017 est excellent !


jeudi 8 juin 2017

Ecouter la forêt qui pousse, Sophie de Laubier, 2017, The BookEdition.com, 192 pages.

    Ce petit opuscule est sous-titré Récit d'un voyage à pied. C'est celui de Sophie, "de Sisteron à Paris, huit heures par l'autoroute, quarante-huit jours au rythme du pas." (page 12)

     Car il s'agit de 900 kilomètres, à pied, seule, effectués pour faire connaître l'association Votre Ecole chez  Vous; cette école scolarise chez eux les enfants qui ne peuvent s'y rendre  car leur santé ne le leur permet pas. Grande voyageuse, Sophie est aussi une excellente marcheuse et elle a tracé son périple par les "chemins noirs " dont pourrait nous parler Sylvain Tesson, un de ses écrivains préférés; J'ai relevé aussi Nicolas Bouvier, Rimbaud, Verlaine, Christian Bobin... Professeur de français immergée dans Votre Ecole chez Vous, elle a pris une année pour accomplir ce périple, en faire un film, puis un livre pour nous sensibiliser aux besoins de ces nombreux enfants mal aimés du système scolaire.

  Elle va faire de très nombreuses rencontres, certaines prévues, d'autres tiennent aux hasards, mais elle savoure en général la beauté des échanges avec les enfants dans des classes et avec ses hôtes de passage; rares sont les bougons qui ne se laissent pas attendrir par une femme et la cause défendue, celle des enfants malades! J'admirai son courage devant tous ces kilomètres parcourus seule... mais elle confie qu'elle n'a eu qu'une seule fois une sale impression.

  Ce voyage, c'est aussi prendre le temps: l'aphorisme de Nicolas Bouvier illustre parfaitement le sentiment dominant: "prendre son temps est le meilleur moyen de ne pas en perdre". Sophie de Laubier essaie d'expliquer à sa fille Clémence chez qui elle fait halte que "[sa] lumière du moment se résume en deux syllabes: l'ins-tant. IN-STANS signifie qui se tient dedans, l'étymologie révèle la sève du mot. C'est bien de cela dont il s'agit: il y a une tension, et une fraîcheur à la fois, à vivre à l'intérieur de chaque minute, désencombrée du passé et du futur."(page 117)
  Dans son POSTAMBULE, Sophie égrène quelques pensées sur le temps et sa mesure sur les chemins de plein air et ces phrases rejoignent bien mes réflexions du moment. Son journal nous invite  aussi à voir et à contempler ce qui nous entoure.


jeudi 1 juin 2017

48 ème édition du GRAND PRIX DES LECTRICES ELLE avec GUERLAIN: 31 mai 2017!

       Les trois finalistes des catégories policier, document et roman, heureux et sympathiques! Dans mon blog, 3 articles sur ces 3 auteurs dont j'avais apprécié les œuvres... Succès bien mérité!
Olivier NOREK avec SURTENSIONS  et Mathias MALZIEU et son Journal d'un vampire en pyjama

Une lectrice comblée!
Leila SLIMANI avec Chanson douce (prix Goncourt)

Le temps est assassin, Michel Bussi, 2016, Presses de la Cité, 532 pages.

  L e dernier roman policier de Michel Bussi ne se passe pas en Normandie, mais, une fois n'est pas coutume, en Corse. Bussi nous embarque dans une histoire rocambolesque sur 27 ans, entre deux étés en Corse...

  L'héroïne, Clotilde, est une adolescente plus ou moins rebelle, en conflit avec sa mère, comme c'est souvent l'usage quand on a quinze ans; elle fait beaucoup plus jeune mais suit avec intérêt tous les marivaudages réunissant son frère Nicolas et les autres jeunes de 18 ans.
 Un terrible accident va coûter la vie à ses  parents et à Nicolas; Clotilde en sort miraculeusement indemne..

 Elle revient dans la même camping 27 ans après avec son mari et sa fille.. mais des événements bizarres se produisent...

  Je trouve souvent la solution avant la fin d'un  roman policier, mais là, chapeau l'artiste! j'avoue que j'ai découvert le meurtrier dans les dernières pages; le suspense est toujours parfait pour les amateurs du genre!