jeudi 31 décembre 2015

Pietra viva, Léonor de Récondo, Sabine Wespieser éditeur, 2013, 225 pages. ***/*****

    1505: Michelangelo quitte Rome pour aller choisir à Carrare les blocs de marbre dont il aura besoin pour sculpter le tombeau commandé par le pape Jules II.

     La plume de Léonor de Récondo se fait prosaïque ou lyrique pour décrire les états d'âme du sculpteur; celui-ci découvre une petite communauté de paysans et d’artisans qui vivent en respectant la nature mais en subissant parfois sa colère. Les hommes et les femmes qui l'entourent sont pétris d'humanité dans leur simplicité quelquefois extrême comme celle de Cavallino, l'homme qui pense être un cheval mais qui s'exprime avec une rare poésie: "Le parfum, c'est le ciel qui s'embrase." (p.85). La rencontre avec le petit Michele sera également d'importance, car l'enfant saura trouver le chemin du cœur de l'artiste: ils ont en effet en commun la perte -très jeunes- d'une mère aimante et Michelangelo finira par retrouver la présence de sa mère et verra son image en lui.
  "De l'orage naît l'espoir infini
    D'un amour retrouvé
    Qui s'arrache à l'oubli
    Pour ressusciter la mémoire de l'enfant
    Dans le cœur de l'homme." (p.211)
  Et le souhait final de l'artiste est "Que la chair se fasse pierre." (p.215), ce qui éclaire le titre de l'oeuvre. Un très beau roman!


à ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal,Gallimard, éditions verticales, 2015, 74 pages. */*****

       Le premier chapitre de ce petit ouvrage nous présente l'auteur la nuit dans sa cuisine, buvant une tasse de café et écoutant la radio sans y prêter une véritable attention. Mais une information va l'interpeller, celle du naufrage d'un bateau de migrants au large des côtes de l'île de Lampedusa.

        Les chapitres suivants commencent tous par l'expression "à ce stade de la nuit", et ils vont développer la réflexion de Maylis de Kerangal autour du fait et de ce nom quasi mythique pour elle, relié au fameux film avec Burt Lancaster et au roman de  Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard.

        Entre réflexion et art poétique, ce petit ouvrage établit, me semble t-il, un rapprochement entre deux fins de monde: celle d'une aristocratie italienne qui se voit obligée d'établir des mésalliances pour survivre et celle d'un monde en déroute qui cherche désespérément des points de repère et des moyens pour que l'espace terre et ses ressources soient partagés de manière équitable.
       Mais.... un ouvrage si mince! pour un sujet si vaste! cela reste assez surprenant! sans plagier Cyrano...


mercredi 23 décembre 2015

Lettres du Père Noël, J.R.R. Tolkien, 1 ère publication française en 1976, présente édition de 2004 en Pocket chez Christian Bourgeois éditeur, 159 pages.

   Il s'agit de lettres écrites par Tolkien, l'inventeur de La Terre du Milieu.Ses quatre enfants, John, Michael, Christopher et Priscilla, reçurent ces étranges missives entre 1920 et 1943.
   Tolkien crée pour eux un véritable univers autour du Père Noël avec l'Ours du Pôle Nord, les Elfes des Neiges, les ours des cavernes... L'ours polaire est l'assistant principal  du Père Noël et surtout la cause principale de multiples désastres!
   Ces lettres sont accompagnées d'illustrations et l'on peut voir tout le soin que ce père ingénieux y mettait. Les parents devraient trouver ce recueil à la fois attachant et intéressant en ce qu'il raconte aussi les difficultés de la guerre, en narrant les difficultés d'approvisionnement en cadeaux de notre bonhomme rouge!
ET JOYEUX NOEL!!!!!

Noireclaire, Christian Bobin,nrf, Gallimard, 75 pages. ****/*****

      Méditations, réflexions, essai, .... aphorismes de Christian Bobin sur la vie et la mort d'un être cher.
      Ces pensées successives peuvent sembler décousues, mais elles sont reliées par un fil conducteur ténu mais solide: ce texte s'apparente à la poésie par sa simplicité première, mais il s'agit bien de contempler l'homme dans l'univers... quoique... c'est peut-être la proposition inverse.
       J'ai noté quelques propos qui m'ont particulièrement plu:
        " Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre." (p.19)
        "Ce journal de la veille dans le caniveau: un gant mort, une ruche en ruine. Si les poèmes ne connaissent pas cette fin, c'est qu'ils donnent des nouvelles du ciel, jamais du monde." (p.32)
         sur la lecture: "Lire prend mes mains, mon visage, mon temps, ma réserve d'espérance et change tout ça en silence, en bonne farine lumineuse de silence." (p.46)
          "Une amie, c'est quelqu'un qui m'attend dans le couloir quand je rattache mes lacets."

  Petit livre vite lu, Noireclaire fait partie des amis que l'on reprend avec plaisir et qui vous réchauffent l'âme.

jeudi 17 décembre 2015

Hédi Kaddour, Les Prépondérants, 2015, Gallimard, 460 pages.

        L'intrigue de ce roman dense aux nombreux personnages s'inscrit de 1920 à 1924, tout d'abord dans une ville d'Afrique du Nord, dans un protectorat. On pense au Maroc, mais aucun nom réel ne permet de l'affirmer. Une équipe d'acteurs venant d'Hollywood a investi ce lieu durant un tournage. Des liens se tissent entre les Américains, les notables locaux et les colons... Certains personnages, entre autres le fils du caïd, Raouf,  qui découvre ainsi l'Occident, feront ensemble le voyage vers Paris puis Berlin, avant de retourner à Nahbès, cette petite ville du Maghreb. Ce voyage est en quelque sorte initiatique pour le jeune homme.
         On suit les personnages dans leurs pensées, leurs sentiments, leurs révoltes. Il y a plusieurs intrigues, amoureuses par exemple mais un des éléments les plus intéressants de l'oeuvre est la définition que les "prépondérants" donnent de ce nom que les colons utilisent pour parler d'eux.
          Il y a également une forme de tragique dans ce livre rappelée avec la formule "mektoub", qui signifie: "c'était écrit", illustrée à la fin du roman.

          Hédi Kaddour manie une belle langue, soutenue et riche. Ce livre a d'ailleurs reçu le Prix de l'Académie Française. On peut néanmoins trouver le roman un peu long malgré son intérêt. Avec Boussole et 2084, voici encore un livre de cette rentrée littéraire sur l'Orient.


jeudi 10 décembre 2015

Laudate si', Loué sois-tu, sur la sauvegarde de la maison commune, encyclique du pape François, 2015, 190 pages, Bayard, Cerf, Mame.

      L'actualité de cette encyclique n'est plus à démontrer. Le pape inscrit sa réflexion tout d'abord dans l'émerveillement de saint François d'Assise face à la création, puis dans la tradition des papes précédents. Il rappelle l'urgence de sauvegarder notre "maison commune". Il présente les différents aspects de la crise écologique actuelle, puis il s'intéresse aux raisons de l'engagement judéo-chrétien en faveur de l'environnement. Enfin, le pape essaie d'analyser les causes les plus profondes de la situation actuelle.
     Est-il besoin de redire que François se penche tout particulièrement sur les plus démunis et sur la relation intime entre eux et la fragilité de notre planète?
     Chacun peut trouver dans ce livre très clair un propos le concernant plus particulièrement: on peut considérer que la nature est un livre à contempler, on peut également s'intéresser à une écologie intégrale.
      A la veille de l'achèvement de la COP 21, il est légitime de se poser cette question toute simple: l'intérêt commun arrivera-t-il à dominer les intérêts particuliers?


jeudi 3 décembre 2015

Rudik, l'autre Noureev, Philippe Grimbert, 2015, Plon, 175 pages.

     Cette fiction romanesque prend appui sur une part de vérité car elle relate des événements authentiques de la vie de Noureev. Ces péripéties sont relatées par le psychanalyste parisien très en vogue Tristan Feller, pressenti pour accompagner Noureev, alors à Paris, dans la recherche de son "moi" profond.

      Leur relation thérapeutique ne sera pas banale et Tristan Feller va transgresser un certain nombre de règles de sa profession. Le lecteur va suivre les rapports entre les deux hommes, rapports qui virent parfois à l'affrontement.

      Grimbert est écrivain et psychanalyste. Il nous invite à entendre les deux voix, celle du danseur russe qui a choisi la liberté, et celle du psychanalyste qui perd rapidement le contrôle de la situation mais qui s'attache à cet être hors du commun.

      L'écriture est belle, simple, et le roman, -réinvention de la vie de Noureev-, se lit avec plaisir.
      "S'il est une dimension qui importe au psychanalyste, c'est bien celle de la vérité, ce tissu de souvenirs remaniés, embellis par la mémoire, dans lequel nous nous drapons, romanciers de notre propre histoire." (p.39)


jeudi 26 novembre 2015

Le liseur du 6H27, Jean-Paul Didierlaurent, au diable vauvert, 2014, 218 pages.

    Guylain Vignolles travaille à la Stern, société qui traite les livres destinés au pilon... Une machine monstrueuse les réduit en miettes, excepté quelques feuillets qui demeurent au plus profond des entrailles de cette"Chose" nommé la Zerstor 500. Le jeune homme récupère donc les feuillets et les lit ensuite à son auditoire habituel du train de 6H27, une façon de restaurer ce que la "Chose" a détruit: "La Chose était née pour broyer, aplatir, piler, écrabouiller, déchirer, hacher, lacérer, déchiqueter, malaxer, pétrir, ébouillanter."
     Une étrange histoire d'amour va s'instaurer grâce à la découverte d'une clé USB qui a glissé sous un dossier de siège du train et le registre du roman va balancer entre lyrisme et prosaïsme.
      Il faut noter également dans ce livre original le personnage haut en couleurs de Yvon Grimbert "insignifiant gardien d'usine, mais le grand prêtre tout-puissant du temple" (p.45). Cet homme a la particularité de s'exprimer en alexandrins:
"Nombreux sont les livreurs qui affrontent mon courroux
Arrivez donc à l'heure et vous me verrez doux." (p.44)
   
    Un conte moderne drôle et parfois nostalgique et un bel éloge du livre et de la lecture.




jeudi 19 novembre 2015

Moi, Malala je lutte pour l'éducation et je résiste aux talibans, Malala Yousafzai avec la collaboration de Christina Lamb, Calmann-Levy 2013 pour la traduction française.

    Il s'agit du témoignage de cette jeune Pakistanaise qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 2014: déterminée et courageuse, elle vivait dans une vallée paisible avant l'arrivée des talibans. Elle appartient au peuple des Pachtounes, une tribu d’Afghanistan. Son père est un homme cultivé qui souhaite ardemment que sa fille et ses fils fassent des études, ce qui était rarement le cas pour les jeunes filles. Il va ouvrir une école qui, après quelques difficultés, rencontrera un vif succès.
   L'arrivée des talibans va modifier considérablement la vie de ces familles. La crainte s'empare de nombre d'entre elles.  Père et fille font entendre leur voix et ils reçoivent rapidement des menaces.
    Un taliban va tirer sur elle dans le bus scolaire. La balle va traverser son crâne. Elle va en réchapper miraculeusement, aura la "chance" d'être opérée au Pakistan puis, transférée en Angleterre, elle subira  dans l'hôpital de Birmingham une nouvelle opération qui lui évitera de garder la moitié du visage paralysé.
    Ses parents et ses frères la rejoindront. Ils habitent une petite maison dans la cité anglaise et,même s'ils  y sont bien logés, ils gardent la nostalgie de leur pays.

    Malala sait qu'elle a eu de la chance et elle savoure son bonheur d'être en vie et de pouvoir être scolarisée: "C'est merveilleux d'aller en classe et de ne pas avoir peur comme à Mingora, de ne pas avoir à regarder autour de soi en chemin au cas où un taliban surgirait." (p.381-382) L'ironie tragique est que j'ai fini la lecture de ce livre le 14 novembre, le cœur serré en pensant particulièrement aux jeunes Parisiens devant reprendre le lendemain le chemin de l'école, du collège ou du lycée avec peut-être la peur au ventre.
  On ne mesure pas le prix de la liberté tant que nous respirons son souffle!
   Ce livre est fort intéressant; je regrette seulement que le style soit si maladroit et la traduction ne doit pas non plus arranger les lourdeurs de l'écriture. Mais ce témoignage est d'une actualité brûlante!

Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, Selma Lagerlof, édition abrégée le Père Castor, Flammarion, 1989.

     Nils est un insupportable petit garçon qui n'obéit jamais à ses parents et tourmente sans cesse les animaux de la ferme. Un dimanche, il rencontre un lutin, hôte familier de leur ferme, et se moque de lui. Le lutin va le punir pour sa témérité et notre personnage va se retrouver de la taille d'un Tom Pouce, embarqué par hasard sur le dos d'un jars dans un survol des différents comtés de Suède en partant du sud.
    Selma Lagerlof (prix Nobel de littérature en 1909) était déjà un écrivain reconnu lorsque des instituteurs lui demandèrent d'écrire un livre pour apprendre la géographie de leur pays aux petits écoliers. Elle se documenta très sérieusement, puisa dans le fond d'histoires et de récits folkloriques de la Suède et écrivit ce conte qui enchanta son jeune public lors de sa parution en 1906.
    Ce conte possède bien les deux caractéristiques propres au genre: plaire et instruire. En effet, non seulement l'enfant découvre les beautés de son pays lors de cette envolée magique, mais le récit contient également une morale: le jeune Nils découvre l'importance de la bonne action, du don de soi, et il change de comportement.
    Les très belles illustrations de Lars Klinting dans cette édition complètent le plaisir de la lecture de ce bel album.
     Je l'avais lu petite fille et je l'ai relu avec intérêt et plaisir!
    De 8 à 88 ans!

mercredi 11 novembre 2015

Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable, Romain Gary, Gallimard, 1975, 260 pages.

      Écrivain originaire de Lituanie, Romain Gary est un écrivain peu ordinaire: en effet, il reçoit le prix Goncourt en 1956 pour son ouvrage autobiographique Les Racines du ciel, et, sous le pseudonyme d'Emile Ajar, il se trouve être à nouveau le bénéficiaire de cette prestigieuse distinction en 1975 pour  son roman La vie devant soi.
     En 1975, il publie également un autre roman sous son nom véritable, Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable. Le narrateur-personnage de cette histoire, Jacques Rainier, âgé de 59 ans, est tombé éperdument amoureux de Laura, jeune Brésilienne de trente ans sa cadette. Cette jeune femme l'aime aussi véritablement.
     Le thème central est sombre: il s'agit du déclin lié à l'âge et tout particulièrement de ses répercussions sur la sexualité masculine. Le roman est parfois irritant, mais l'humour amer et le regard désabusé du personnage sur ce qui lui arrive sauvent l'intrigue d'un pathos facile. Le dénouement est inattendu!
      Dans nombre de ses ouvrages, Romain Gary nous livre une part de lui-même: nous savons qu'il était hanté par la menace du déclin inexorable. Il se suicidera en 1980.


jeudi 5 novembre 2015

Villa des femmes, Charif Majdalani, Seuil, 2015, 279 pages.

     L'intrigue de ce roman est située au Liban, dans la maison des Hazek, riche famille libanaise. Le début de l'histoire nous montre la prospérité de cette lignée malgré les ombres causées par ce que l'on nomme les secrets de famille .Le déclin va commencer avec la mort de Shandar, le "patron", qui laisse une veuve et trois enfants, deux garçons et une fille, Karine. L’aîné, Noula, est un noceur qui va dilapider assez vite l'héritage familial; le second, lui, est un voyageur qui va errer de Zanzibar au Mozambique, comme il le rapportera à son chauffeur: "Lorsqu'il me le raconta, je ris de ce nom que je prenais pour un pays inventé dans les vieilles légendes, et aussi jusqu'au Mozambique, un pays que j'imaginais riche et bariolé à cause des mosaïques qui résonnaient dans son nom." (p.112).
      Le narrateur est donc cet homme, chauffeur de la famille, assis sur le perron en attendant les ordres et observant toutes les allées et venues."je revois danser les ombres et la lumière sur les arabesques du perron où j'attendais le patron. [...] j'aimais la propriété, l'usine, [...] J'aimais le domaine." (p.15). Le lexique est riche, les phrases sont souples et l'écriture agréable à lire, mais j'avoue être troublée par le choix du narrateur chauffeur qui cite Apollinaire sans guillemets: "[il] était las de ce monde ancien." (p.101).
     Le titre s'explique à la fin du roman. De belles figures de personnages féminins parcourent l'histoire sur fond des rivalités guerrières qui dévastèrent le Liban: Mado, sœur du patron, Marie, l'épouse de Shandar, et Karine, leur fille altière et intrépide, sans oublier Jamilé "la servante au grand cœur".
      Villa des femmes est une belle réussite de cette rentrée littéraire, alliant intérêt de l'intrigue et style travaillé.

N'aie pas peur si je t'enlace, Fulvio Ervas, Liana Levi, collection piccolo, 2012, 268 pages.

    Ce livre est le récit d'un "road movie" d'un père et de son fils autiste âgé de 18 ans et de leur périple qualifié de pari fou aux USA en moto puis en Amérique du Sud avec divers moyens de locomotion.Ce témoignage est émouvant et constitue une belle leçon d'humanité même si ce n'est pas de la grande littérature. Il soulève les questions essentielles des parents confrontés à des adolescents hors norme.
   Le titre nous annonce le comportement inhabituel de ce jeune homme qui manifeste son plaisir de la rencontre en embrassant généreusement ou en enlaçant ceux qu'il croise, ce qui surprend généralement!


jeudi 29 octobre 2015

Le livre des Baltimore, Joël Dicker, éditions de Fallois, 2015, 476 pages.

     Le nombre de pages peut impressionner, mais ce roman se dévore!

     Marcus Goldman, l'écrivain de la famille que nous avions découvert dans La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (2012), poursuit le récit de ses aventures avec ses deux cousins. Le trio inséparable (ou presque) va connaître un Drame: c'est le narrateur qui le souligne ainsi avec une majuscule.
     Le présent de l'histoire est éclairé par les retours dans le passé sans que cela perturbe le fil de la narration. Le suspense est excellent pour les amateurs de ce type de roman qui n'est ni un thriller, ni un policier, mais qui possède une intrigue suffisamment bien construite pour avoir envie d'en poursuivre la lecture.
     J'avais lu des critiques sur ce livre et certains esprits chagrins considèrent que le style, et en particulier dans les dialogues, serait plat: certes, ce n'est pas de la" grande "littérature, mais un roman qui s'avère être un excellent divertissement: n'est-ce-pas un des possibles souhaits du lecteur?


Mémoire pour un avocat et autres récits, Mirbeau,1894, Flammarion, collection étonnantiss!mes

      Dans les nouvelles de ce recueil, Mirbeau se livre à une peinture noire du sexe féminin, représenté comme dominateur, insensible, cruel, avare. Le narrateur-personnage qui n'est sans doute pas l'auteur, est peu flatté car de son côté cet homme apparaît
faible, veule...
     Proche de Zola, Mirbeau est bien un écrivain réaliste; ses nouvelles d'une lecture aisée pourraient être proposées en lecture cursive dans une séquence de 2nde.

jeudi 22 octobre 2015

Une forêt d'arbres creux, Antoine Choplin, 2015, la fosse aux ours, 116 pages.

     Ce court roman retrace à petites touches le destin de Bedrich qui , fait prisonnier, est conduit à Terezin, en République Tchèque, en 1941, avec sa femme et leur petit enfant.
    Terezin est une ville ghetto et Bedrich est chargé avec d'autres de dessiner entre autres les plans du futur crématorium. Mais ce groupe se réunit également en cachette la nuit pour dessiner la sombre réalité de ce lieu et en laisser une trace.
     La narration se fait au présent ce qui rend très proches les différents personnages. La légèreté du trait rend supportable l'horreur mais l'évocation des événements suscite néanmoins une forte émotion chez le lecteur.
     La structure du roman est simple: une succession de petits chapitres avec un titre comme "la salle de dessin"(p.17), ou "le travail de la nuit" (p.49) ou encore "une affaire" (p.73), ceci comme autant de petites esquisses. La forme retenue par l'auteur évoque le trait de Bedrich sur le papier.
     L'intérêt du roman réside à la fois dans ce qui est rapporté d'authentique et dans le  traitement proposé par Antoine Choplin. Même s'il est dur, il s'agit d'un beau livre de cette rentrée littéraire.


 

jeudi 15 octobre 2015

Première personne du singulier, Patrice Franceschi, Goncourt de la nouvelle 2015, Points, 197 pages.

   Patrice Franceschi est aviateur, marin, cinéaste, baroudeur! mais il s'affirme aussi comme écrivain engagé: Mourir pour Kobané, le récit de deux années passées avec les Kurdes, le prouve aisément.

   Dans Première personne du singulier, il raconte en quatre nouvelles quatre destins étonnants, tous tragiques mais également épiques. Le style original de ces pages est étonnant et alerte, que ce soit dans les portraits des personnages comme celui du "second capitaine" pages 34-35 ou celui du lieutenant Vernaud page 75, ou dans ce que l'écrivain nous livre de son rapport à la littérature à travers les personnages: dans la deuxième nouvelle, "Vernaud appartenait à cette espèce d'hommes singuliers qui font commerce avec les morts en lisant les textes d'écrivains disparus depuis longtemps." (p.75); "tous il s'agit des écrivains) habitaient sa vieille maison familiale; on les avait accueillis année après année comme des visiteurs de marque ou des amis de longue date.[...] Enfant, il imaginait que tous ces morts se parlaient la nuit, une fois les hommes endormis." (p.85) ou bien, dans "Le naufrage du lieutenant Wells", la troisième nouvelle, la sœur du lieutenant déclare: "quand nous étions enfants, nous ne faisions que ça tous les deux: lire. Nos parents n'étaient pas très présents et nous avons tout appris dans les livres."(p.151).
   J'évoquerai aussi comme particulièrement intéressant le poids des images, des comparaisons ou des métaphores choisies comme celles du début de la nouvelle intitulé "Carrefour 54": "Dans le bourg de Jeanville dévasté par les bombes des Stukas allemands, les restes de l'armée du général Gouenne refluaient en désordre, et tous ces débris humains se cognaient les uns aux autres comme des morceaux de navire disloqués par la tempête; on aurait dit que chaque vague d'arrivants submergeait la précédente avant d'être engloutie par la suivante..." (p.73) Le tragique est également pathétique...

   Écrivain atypique (encore pourrait-on le rapprocher de Sylvain Tesson pour le côté tête brûlée), Patrice Franceschi possède un talent que l'on peut qualifier d'hugolien pour son écriture engagée, l'élan de son style et la force des images, mais ce talent est bien incarné dans notre XXIème siècle.

jeudi 8 octobre 2015

A la manière de Philippe Delerm, Faire un gâteau au chocolat...

     C'est toute une histoire, la recette du gâteau au chocolat! On doit d'abord choisir celle que l'on va cuisiner: celle de la grand-mère, ou celle de la meilleure amie, celle du magazine ou encore celle que l'on a déjà pratiquée cent fois! et que l'on maîtrise parfaitement.
       Ensuite on dispose les ingrédients nécessaires à l'élaboration de ce festin: chocolat noir, beurre, œufs, sucre, farine, et parfois, pour les plus raffinés, un peu de café, des amandes ou des noisettes en poudre.
      On rassemble les différents éléments dans une grande jatte et le plaisir des yeux consiste déjà à voir le mélange qui s'opère. Bien sûr, le chocolat domine, et les effluves du cacao fondu commencent à envahir la cuisine, alertant au passage les gourmands dont les papilles s'émeuvent.
      Vient parfois le moment délicat où il faut mêler-toujours avec souplesse mais fermeté- les blancs montés en neige avec la préparation.
       On peut respirer. La masse molle et brune repose dans la jatte, attendant d'être transvasée dans le moule qui lui conviendra. Il faut régler également avec précision le thermostat du four car l'on sait que la cuisson maîtrisée du gâteau permettra la perfection du dessert.Les petits gourmets traînent parfois, espérant, armés de petites cuillères, pouvoir lécher le plat.
        Le gâteau cuit, le cuisine embaume, il faut maintenant faire preuve de vigilance pour le sortir des entrailles du four dès qu'il sera temps, et ensuite s'émerveiller devant son apparence. On le transperce avec la lame d'un couteau pour vérifier son degré d'onctuosité. Si elle ressort un peu gluante, tant mieux! Il n'en sera que meilleur.
         La dernière étape délicate est celle du démoulage pendant lequel on  tremble à l'idée de fendre la croûte brune et d'altérer cette beauté ô combien éphémère, car il ne reste plus qu'à le déguster! Pour cela, les bonnes volontés ne manquent pas et ne chôment guère.
         Plus vite mangé qu'écrit?
            Pavé d'Annie à la croûte fendue, mais il n'en reste que la photo!
     

Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter sur terre, Philippe Delerm, Seuil, août 2015, 110 pages.

     Delerm égrène les petits bonheurs de la vie comme il l'avait déjà fait dans La première gorgée de bière. C'est à la fois charmant et irritant car l'auteur reprend des procédés largement utilisés dans ce premier recueil.
    Le lecteur remarquera l'emploi fréquent du pronom "on": "on est avec lui dans le bus" (p.11) ou "on bouge comme un ours"(p.13), au hasard page 66 "on voit tout le plaisir du pianiste" et enfin page 99 "on est toujours surpris". "On "me dira que ceci permet de s'identifier, le "on" rassemblant largement le "je" et le "vous"!
     De même, Delerm utilise souvent le verbe à l'infinitif seul ou en sujet, ou en complément: "nager toutes les transgressions, se perdre, s'abîmer, chercher infiniment, descendre." (p.82)
      Mais quelques passages délicieux à savourer me consolent d'avoir ouvert ce livre composé de petits chapitres de prose poétique (ou de poèmes en prose?). Le premier texte intitulé "Le mensonge de la pastèque" nous livre dans son premier paragraphe une délicieuse et dangereuse description de ce fruit saisonnier. J'ai apprécié  l'épilogue de "Tendre est la vie cruelle""Combien y a t-il de soirs encore pour s'étonner ainsi, reprendre lentement la marche en se tenant la main? Bientôt dire une bêtise, cela devient urgent." (p.110), manière nostalgique de nous interroger sur la façon dont nous gérons (ou pas!) le temps qui passe!
      C'est sans doute la qualité essentielle de Delerm que de savoir nous montrer toutes ces petites merveilles quotidiennes et de nous inciter à savoir les regarder à notre tour.

jeudi 1 octobre 2015

N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Paola Pigani, Liana Levi, 2013, 214 pages.

    Ce titre est un proverbe tzigane: " on n'entre pas impunément chez les manouches ni dans leur présent, ni dans leur mémoire[...]" Il existe en chacun de nous un lieu qui nous ressemble. Le leur semble éclaté à jamais."(p.14)

    Paola Pigani s'inspire pour écrire cette fiction romanesque d'une histoire vraie qui la touche de près puisque son frère a épousé une "manouche". Leur fille née en 1983 lui parlera un peu de son enfance nomade mais elle évoquera surtout la figure de sa grand-mère maternelle, Alexienne, prénommée Alba dans le roman.
    L'intrigue se situe en 1940. Alba a  alors quatorze ans. Sur autorité du préfet,la police française organise un convoi qui mènera Alba, sa famille et tous ceux qui vivaient avec eux du théâtre ambulant vers le camp des Alliers d'Angoulême, ce qui signifie enfermement, prison.
     Ce roman qui évoque les dures réalités de l'internement est écrit avec infiniment de sensibilité et un style mêlé de poésie et de prosaïsme "les enfants chapeautés de brisures de  bois." (p.35). Dans ce livre, la vie est plus forte que le désespoir ou la mort.
    Un beau roman, poignant et très touchant, mais sans tristesse...


jeudi 24 septembre 2015

La pieuvre de Lhassa, Comment sauver le Tibet, Arthur Brac de la Perrière, édilivre APARI, avril 2011, 319 pages.

     Ce roman retrace l'itinéraire d'un groupe nommé "Comité de la Parole" créé par Oscar, jeune parisien qui doit sans doute beaucoup  à son créateur. L'objectif de ce groupe (composé du Dalaï-lama, du Pape, de Gill Bates, Angela Joli, du Roi d'Angleterre, de Peulé, Mohammed Yonus, Bhono, Kofé Anan, Aug Sa Su Qui et bien sûr d'Oscar) est de rendre l'indépendance au Tibet à travers une action de manifestations aux différentes frontières chinoises. Cette manifestation reçoit le titre de "Un jour pour sauver le Tibet".
    Projet utopique s'il en est! mais l'espoir soulève les foules et cette journée est une belle réussite qui va rassembler plus de 2 millions de personnes réparties sur les frontières accessibles et plus de 2 milliards d'adhérents.
    Oscar est accompagné par Lola, jeune journaliste rencontrée au début de son périple. Ils échapperont à un attentat, signe que l'idée d'Oscar dérange. Ils se ressemblent, jeunes et pleins de fougue pour changer le monde. "Tout reste à faire.[...]c'est ça qui nous fait vivre."(p.277) Ils croient en la vie et en l'amour.
   Mais Oscar réfléchit aux conséquences d'une indépendance totale et elles lui paraissent graves. En accord avec la DalaÏ-lama, il va négocier avec le gouvernement chinois une autonomie "raisonnable": "l'autonomie pour la gestion des lieux de culte, l'administration des cités et l'éducation de nos enfants." (p.299), "un véritable respect pour les Tibétains", la libération des prisonniers politiques".
   Ce livre montre la grande générosité de son auteur.

     Du même auteur, j'ai beaucoup aimé Les rimes du monde, paru aux éditions Lettres du monde en 2003. Il s'agit d'un recueil de courts poèmes écrits au fil des jours lors de ses pérégrinations à travers l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud. Les amateurs de poésie apprécieront la sensibilité du poète et les émotions  qui se dégagent de ses textes..En voici un court exemple:

             Pont de la rivière Kwaï

Esclaves d'un empire de paille,
Tortures d'un chemin de ferraille,
Génocide des condamnés,
Chantier de Sisyphe bombardé.

La relique d'une bataille,
Le pont de la rivière Kwaï.

                                              Ko Samui, 22 décembre 2002




Le chevalier, Caché! d'Hector Dexet, 2015.

   Voici deux exemples d'une jolie collection de livres pour enfants de deux ans environ, avec des modèles qui revisitent le livre " à trous". Ils m'ont été conseillés par une charmante libraire dans le 9ème arrondissement de Paris, et cette même librairie m'avait fait découvrir Un peu perdu, si apprécié de nos petits lecteurs. (voir article du mois de juillet)
    Merci donc au jeune auteur et et à la librairie Les arpenteurs!






L'autre rive du Bosphore, Theresa Révay, 2013, Belfond, 403 pages.

      L'intrigue de ce  roman se situe à Istanbul entre 1918 et 1923. La ville est sous occupation des Alliés après la Grande Guerre.
       La jeune héroïne, Leyla, épouse d'un dignitaire turc, a reçu une éducation déjà en partie occidentale. Elle est cultivée et aspire à davantage de liberté. Elle vit dans une  maison somptueuse avec sa belle-mère,femme plus traditionnelle, dotée d'un fort tempérament mais intelligente. Le mari, conforme aux standards de l'époque, est parfois surpris par les décisions de sa femme. Ils ont deux enfants et leur vie est sans surprise jusqu’au jour où leur demeure est réquisitionnée pour un officier français, Louis Gardelle rejoint ensuite par sa famille. La routine va disparaître,les péripéties se multiplieront, et l'on verra notre héroïne confrontée à des situations difficiles, parfois dramatiques, devant opérer des choix parfois "cornéliens". Ce beau personnage de femme est attachant et l'évocation de la Turquie passionnante.
       En lisant ce roman, le lecteur passera un moment fort agréable et il disposera d'une approche intéressante de l'histoire de ce pays au début du XXème siècle.

jeudi 17 septembre 2015

Daniel Avner a disparu, Elena Costa, Gallimard, 2015, 135 pages.

       Encore un roman sur la deuxième guerre mondiale et la Shoah.. mais ce premier roman d'Elena Costa aborde de nombreux thèmes en peu de pages.
       Le narrateur personnage, Daniel, démarre son récit en 1960, peu après la mort de son grand-père, Simon, qui l'a élevé après la rafle du reste de sa famille. La grand-mère, les parents et la sœur de Daniel ont été emmenés par les gendarmes alors que le grand-père allait chercher Daniel chez un ami... Daniel va vivre avec la culpabilité du survivant, acceptant la violence et les coups infligés par Simon, sorte de métaphore de ce qu'il n'a pas vécu dans le camp d'extermination "ce besoin d'éprouver physiquement la disparition de ma famille, de l'endurer par la faim et la douleur." (p.59)
       Il rencontrera Dora, une jeune serveuse, devant le Lutetia, lieu de retrouvailles des Juifs qui  avaient survécu. Ils vont vivre ensemble une histoire d'amour compliquée, avoir un fils qui sera également le narrateur d'une partie du roman. Ce livre traite bien de la filiation à travers le livre que Dora va écrire.
       On voit donc que ce court roman possède une structure riche, que l'intrigue n'est pas linéaire, mais que les éléments sont donnés dans un va et vient entre passé et présent, ce qui maintient l'attention du lecteur.
        Le titre est également intéressant, un peu mystérieux, puisque finalement ce n'est pas Daniel qui disparaît.  Sans dévoiler la fin, on peut dire aussi que le roman ne s'achève pas sur le héros éponyme mais sur son fils.
        La jeune auteur, Elena Costa, 28 ans, signe un premier roman pertinent et prometteur. Elle est ravie de l'aventure qui lui arrive mais souhaite retrouver une vie plus normale pour se remettre à l'écriture; elle a déjà un autre projet.


Check-point, Jean-Christophe Rufin de l'Académie française, Gallimard, 2015, 381 pages, postface de J-C Rufin.

     Auteur maintenant bien connu du public, reconnu par ses pairs puisqu'élu à l'Académie française en 2008, Rufin s'aventure avec ce roman Check-Point du côté de l'humanitaire, secteur qu'il connait bien. Ce livre est donc nourri "d'images qui sont autant de souvenirs personnels."(postface)
      L'intrigue est celle d'un roman d'aventures: un convoi, deux camions, quatre hommes, une femme. Il y a de nombreuses péripéties dans ce roman qui nous tient en haleine. Les personnages peuvent être généreux, naïfs ou violents, capables de dissimulation, souffrants physiquement ou moralement, tout ceci dans le cadre montagneux et sauvage de la Bosnie.
     Alors, pourquoi de ma part cette petite déception? Jean-Christophe Rufin nous avait habitués à mieux. Ce roman semble avoir été écrit aussi rapidement qu'il se lit. Merci, Monsieur Rufin, de nous donner à nouveau de belles pages comme celles de Rouge Brésil ou dans Le Grand Cœur.







jeudi 10 septembre 2015

La partie de chasse, Isabel Colegate, Belfond, 1987, 318 pages.

     Isabel Colegate , née en 1931, est un écrivain britannique qui va connaitre le succès avec ce roman La partie de chasse, paru en Angleterre en 1980. Distingué par le W.H.Smith Literary Award, ce roman va devenir une oeuvre culte. Isabel Colegate s'est intéressée à un monde qu'elle étudie avec précision et une certaine "affection".

   Intrigue et cadre: une partie de chasse de vingt quatre heures dans un manoir au cœur d'un vaste domaine. Les unités de lieu et de temps sont donc présents, comme dans une tragédie "classique". La romancière situe l'intrigue vers 1920, après le décès d'Edouard VII, évoqué dans l'oeuvre "le plaisir qu'avait eu Minnie à voir son invitation acceptée par le défunt roi et les efforts qu'il avait dû déployer en conséquence pour que sa chasse soit conforme aux exigences de son hôte royal avaient tout simplement ruiné le domaine."(p.45)

    Comme dans Gosford Park, film de Robert Altman, ou Dowton Abbey,(série  qu'un ne présente plus!)  dont le scénariste Julian Fellowes  préface Une partie de chasse en disant tout ce qu’il lui doit, nous trouvons tous les personnages stéréotypes de cette époque: d'une part, les lords en train de chasser, et parmi ceux-ci, l'hôte, Sir Randolph, les épouses s'ennuyant à mourir dans les maisons de campagne, changeant de tenue trois fois par jour minimum, le banquier juif, sir Reuben, le comte hongrois, la jeune débutante, Cicely; d'autre part, ceux que l'on appelle  les domestiques, le garde-chasse, Glass, le précepteur, les femmes de chambre, les valets de pied, etc... sans oublier le braconnier.
   Mais tous ces personnages sont attachants, traités en profondeur. Ils ne sont pas réduits à être des fantoches, mais des êtres de papier qui peuvent nous ressembler! La vision d'Isabel Colegate n'est ni simpliste ni manichéiste, mais elle traite se personnages avec respect.
   Il me faut citer aussi le canard apprivoisé d'un des petits-fils, Osbert, garçon assez original. Ce canard, qui s'avère être en fait une cane, a reçu le doux nom d'Helena Valabette, et s'est malencontreusement échappé la matin de la chasse aux canards...
   Ce livre, fort plaisant à lire,-les 300 pages se parcourent sans difficulté-  au delà du plaisir de l'intrigue,  nous fait " découvrir les raisons qui ont provoqué l'effondrement de ce mode de vie, [...] explorer les zones grises où ces principes s'étaient corrompus et dévoyés, tout en soulignant les aspects positifs que l'on a sacrifiés." (Julian Fellowes, préface p.13)
  Un coup de cœur de cet été!



Mon amour, Julie Bonnie, roman, Grasset, 2015, 220 pages.

        Si vous regardez la photo de la première de couverture, vous verrez que le titre est suivi d'une virgule. Celle-ci nous indique que nous sommes dans une forme narrative assez peu fréquente de nos jours, le roman épistolaire. Cette adresse est celle d'une jeune femme envers son jeune mari"mon amour". Pianiste dans une formation de jazz, il part en tournée pour le mois de juillet, Prague, Berlin,puis les USA et en particulier New York. Elle est restée à Paris avec leur petite Tess, bébé tout nouveau "ce petit bout de lard sanglant" (p.16)!
       Elle est perdue, paniquée, encore fragile et lui partage par lettre ses angoisses. Il lui répond "ma fée" en lui relatant sa solitude, mais surtout tout ce qu'il vit loin d'elle. Il n'est finalement pas si solide que cela et cherche du réconfort auprès de Suzanne "Je me réveille aussi à côté de Suzanne. Ce
n'est pas la première fois, ma fée, mais cela...ne regarde que moi.[...]C'est une amie, qui comprend une part de moi que tu ne peux pas approcher.Deux mondes. Je l'ai désirée comme une "autre". Ma fée, tu ne le sauras jamais, je ne te briserai pas le cœur." (p.58) Nous comprenons donc que certaines lettres relèvent davantage du journal intime et ne sont pas destinées à être envoyées.
       Il évoque l'avenir maintenant qu'ils sont parents"Peut-être que tu resteras à la maison, mère, et que je parcourrai le monde sur un tabouret de piano. Tu n'avais pas pensé à ça, hein, ma fée?" (p.60)
       Elle évoque ses difficultés mais aussi l'aide qu'elle rencontre: Mathilde, une chère amie, et Georges, un peintre au caractère un peu particulier. Quelques lettres seront adressées à Georges ou à Tess, bousculant le fil du temps et permettant des va et vient. Le récit n'est ainsi pas linéaire et cela contribue à l'intérêt de l'intrigue.
         Le style de Julie Bonnie est agréable à lire, simple mais travaillé, recherché dans l'évocation des sentiments amoureux et de leurs tourments, et dans celle de l'amour maternel.
          Un de mes coups de cœur de cet été!

jeudi 3 septembre 2015

Soudain, seuls, Isabelle Autissier, Stock, 2015, 249 pages.

       Louise et Ludovic, 30 ans, partent faire le tour du monde à la voile. Elle, plutôt "montagne", accepte de le suivre dans ce périple pour vivre une vraie rupture par rapport à leur train-train habituel et à un embourgeoisement qui leur fait horreur.
       Une escale improvisée sur "une île australe mais montagneuse"(p.12) ,"une réserve naturelle qu'ils n'auraient normalement pas dû aborder"(p.25) leur permet de découvrir des paysages rarement contemplés par l'homme. Pris au dépourvu par une tempête, ils se retrouvent coincés sur cette île, Robinson des temps modernes, leur superbe voilier, le Jason, ayant rompu ses amarres. Ils vont devoir survivre, affronter ensemble la peur, la faim, le froid, l'angoisse de n'être jamais secourus, puisque personne ne sait où ils sont...Ils vont retrouver les gestes de nos ancêtres, chasser pour survivre, manger de l'otarie, du pétrel, du rat "Chérie, c'est Noël, regarde! J'ai fini par attraper un rat." (p.124) .
        Deux parties structurent ce roman: "là-bas" qui désigne cette île déserte et "ici" aux deux tiers du livre, qui parle du retour à la civilisation. Je ne dévoilerai pas l'issue du roman pour ne pas gâcher le plaisir de l'éventuel lecteur!
       Isabelle Autissier , auteur de plusieurs romans comme L'Amant de Patagonie en 2012, est la première femme navigatrice à avoir accompli un tour du monde en solitaire. L'aventure de ce couple est poignante, mais l'écriture du roman reste plate. Roman vite lu, Soudain, seuls, procure un agréable moment de détente.

Pas pleurer, Lydie Salvayre, Seuil, août 2014, 279 pages.

       Ce roman s'inspire largement d'une expérience personnelle de l'auteur. En effet, d'origine espagnole mais née en France, Lydie Salvayre nous narre les souvenirs de sa mère, Montserrat ou "Montse" au moment de la guerre civile espagnole durant l'été 36, l'été de ses quinze ans. Au moment de l'évocation, Montse a 90 ans. Atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle est une voix de ce roman.  Mêlant dans ses propos français et espagnol, elle déforme également certains mots "je suis devenue en une semaine une anarchiste de choc prête à abandonner ma famille sans le moindre remordiment et à piétiner sans pitié le corazon de mi mama."(p.78). Mais le lecteur suit néanmoins sans problème le fil rouge de la narration.
         La deuxième voix de ce roman est celle de l'écrivain Georges Bernanos à travers des citations des Grands Cimetières sous la lune. Franquiste à l'origine, Bernanos assiste aux débordements et aux atrocités de cette guerre civile "dans un effort éprouvant de lucidité qui l'oblige à rompre avec ses sympathies anciennes" (p.12). Il y va, dit-il, de son honneur, ce vieil honneur qui est jugé réactionnaire[...]" (p.138)
        Les personnages sont attachants, que ce soit la jeune Montse, son frère José ou même Diego le rouquin qui peine à trouver sa place.
        L'écriture de ce roman, parfois chaotique, parfois d'une rigueur classique, dérange au tout début Elle a le mérite d'être originale tout comme la structure du livre sans chapitres, divisé uniquement en deux parties. Le récit suit plus ou moins la  progression chronologique des souvenirs de Montse, mère de la narratrice qui intervient parfois.
        L'attribution du prix Goncourt en 2014 a surpris, en partie à cause du mélange de langues; l'éditeur de Lydie Salvayre considère qu'il récompense son oeuvre: en effet, elle a déjà écrit une vingtaine de romans, dont Passage à l'ennemie, lui aussi assez étonnant et original dans sa mise en oeuvre.

mercredi 29 juillet 2015

Vacances!

 


        Chers amis lecteurs,

   La pause aoûtienne s'impose! et je vous quitte avec des livres en grand nombre dans ma valise en  vous donnant rendez-vous le jeudi  3 septembre pour de nouveaux articles. J'espère que vous allez savourer vos lectures de l'été, que ce soit à la plage comme Philippe Delerm "Toutes ces positions successives, ces essais, ces lassitudes, ces voluptés irrégulières, c'est la lecture sur la plage. On a la sensation de lire avec le corps". (La première gorgée de bière), confortablement installé dans un transat ou dans un fauteuil, ou dangereusement "à cheval sur l'une des pièces de la toiture." comme Julien Sorel dans Le Rouge et Le Noir!
  J'attends avec impatience vos commentaires ou appréciations....
  Très bel été et bonnes vacances!


                                                     Hélène, lectrice passionnée

Aya de Yopougon, Marguerite Abouet et Clément Ombrerie, 2005, Gallimard.

    Cette BD en cinq volumes dépeint les aventures d'une intelligente et jolie jeune fille ivoirienne, Aya, qui souhaite devenir médecin, de sa famille , de ses ami(e)s. Ces personnages habitent Yopougon,
 quartier chaud d'Abidjan. Marguerite Abouet évoque son pays avec amour et humour et le dessinateur Clément Ombrerie met son talent au service du récit de notre conteuse.
   Excellent divertissement pour des vacances!
    Les aventures d'Aya existent aussi en DVD depuis 2013.

Quelques-uns, Camille Laurens,1999, P.O.L, 122 pages.

         Camille Laurens est une écrivain agrégée de lettres modernes et enseignante. Elle a perdu un bébé mort deux heures après la naissance, l'obstétricien n'étant apparemment pas intervenu à temps.
         Dans Quelques-uns, Camille Laurens se livre à une réflexion sur les mots et  nous parle de leur puissance "comment les mots qui sont des choses, ont-ils ce pouvoir d'aider les hommes à vivre?"(p.11)."Car les mots pansent: eux par quoi s'élabore la pensée-on disait autrefois le pensement- prennent soin aussi de nos blessures."(p.12). Et le réconfort peut venir de la lecture et de l'écriture.

         Elle s'intéresse à ce qui nous paraît être des petits mots sans importance,et leur consacre des chapitres.Ces mots sont  usuels comme le pronom "on", ou l'adverbe "jamais"qui nous renvoie à la langue racinienne et à la fameuse plainte de Bérénice dans la pièce éponyme:
"Pour jamais! Ah! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime!"
          Nous pouvons glaner aussi  quelques expressions courantes comme "il y a" et 'je ne sais quoi" qui dit toujours ce qui manque, la nostalgie du mot perdu et le désir de l'impossible[...]"
         Je ne peux tout citer, mais le nom commun "chagrin" avec "la tentation de survivre au désastre et de rester nous-mêmes"(p.104) et "rien" avec Mallarmé "la goutte du néant qui manque à la mer" me semblent significatifs du pouvoir thérapeutique de la lecture et sûrement de l'écriture pour notre auteur.
         Rapprochons cet ouvrage de l'essai de Régine Detambel, Les livres prennent soin de nous, paru chez Actes Sud en 2015.Assez technique, cet essai rejoint l'étude de C. Laurens en soulignant les vertus de "l'histoire" quelque soit l'âge ou la condition sociale ou psychique du lecteur.

mercredi 22 juillet 2015

Réparer les vivants, Maylis de Kérangal, 2014.

    Le sujet de ce roman que j'ai lu il y a déjà quelques mois (c'est pour cela que mon article est peu fourni car je ne prenais pas de notes!) est grave: un jeune, Simon, est victime d'un accident de la route et les médecins vont intervenir auprès des parents pour qu'ils autorisent le don d'organes. Tous les problèmes sont posés et abordés par l'auteur avec beaucoup d'humanité et d'émotions. Les différents points de vue sont évoqués. Cependant les âmes sensibles doivent s'abstenir si elles redoutent de trop grands chocs. Mais il s'agit d'un beau livre servi par un style intéressant.
  Ce livre a reçu de nombreux prix littéraires et ils sont amplement mérités.

Les nuits de Reykjavík, 2015, édition Métailié noir, 261 pages.

          Les inconditionnels d'Erlendur sont heureux de le retrouver dans ce nouveau roman, mais comme jeune policier, au tout début de sa carrière lorsqu'il patrouille en ville en compagnie de ses coéquipiers, chargé de faire respecter l'ordre et la loi.
          Il va enquêter de manière officieuse et privée sur la mort d'un clochard, Hannibal, qu'il avait rencontré plusieurs fois et avec qui il avait discuté. Cette mort, apparemment une noyade, lui semble suspecte et relever davantage d'un assassinat que d'une perte d'équilibre liée à l'alcool.
          Dans le même temps, une femme disparaît.Disparition liée à un crime ou fugue? Le lecteur habitué aux enquêtes d'Erlendur sait qu'il est particulièrement interpellé par les disparitions.
         Notre enquêteur va bien sûr trouver le fin mot de l'intrigue. Elle est néanmoins assez longue à se mettre en place à mon goût. Malgré cette longueur, un bon divertissement...

Soie, Alessandro Baricco, 1997, Albin Michel, 121 pages.

     Court roman constitué de 65 petits chapitres, Soie nous conduit dans la seconde moitié du XIXème siècle pour découvrir un homme, Hervé Joncour, qui achète des vers à soie pour le compte de Baldabiou, l'industriel qui va faire prospérer cet élevage dans le petit village de Lavilledieu.
     Hervé, marié à Hélène, sans enfants, voyage pour se procurer les œufs des vers à soie dans des contrées lointaines et difficiles d'accès: souvenez-vous, nous sommes au XIXème! Il va ainsi découvrir le Japon et des personnages étonnants: ainsi, Hara Kei avec qui il commerce et une jeune fille dont il va tomber amoureux. Une quête amoureuse, narrée avec infiniment de poésie, va se mettre en place.
     Hervé Joncour est un homme qui assiste à sa vie qui s'écoule; trente ans sont évoqués dans ce  roman bref rythmé par des phrases qui interviennent tel un refrain:"Hervé Joncour descendait jusqu'au lac et passait des heures à le regarder, parce qu'il lui semblait voir, dessiné sur l'eau, le spectacle léger et inexplicable qu'avait été sa vie." (page 112 et page 120) ou, page 36, " Elle pleuvait, sa vie, devant des yeux, spectacle tranquille."
      Ce roman, sorte de rêve, possède un caractère impalpable et poétique. C'est un petit bijou que l'on lit et relit.

mercredi 15 juillet 2015

L'éveil de mademoiselle prim, Natalia Sanmartin Fenollera, 2013, éditions Grasset et Fasquelle, 349 pages.

      Premier roman, L'éveil de mademoiselle prim fait l'unanimité autour de moi.Tous ceux à qui je l'ai conseillé ont apprécié son caractère hors du temps, rafraîchissant et ma foi assez utopique. Mais le lecteur doté d'un peu d'esprit critique fait bien la part des choses. Et il n'est pas interdit de rêver!

      Mademoiselle Prim est une charmante jeune femme qui postule pour un emploi de bibliothécaire chez un gentleman pour le moins original, doté d'une troupe d'enfants: quatre d'entre eux sont les enfants de sa sœur morte, les autres sont "des gosses de Saint Irénée qui viennent étudier ici deux ou trois fois par semaine"(p.38). Ce petit monde reçoit une éducation un peu particulière, nourri de lectures latines entre autres, mais aussi de grec et d'araméen. Bref, cet homme applique quasiment le programme de Rabelais dans Pantagruel: éducation humaniste donc extrêmement ambitieuse!
       Mademoiselle Prim va aller de surprise en surprise dans cette maison et dans ce village pittoresque. Le titre du roman s'explique par les découvertes qu'elle fait de valeurs, de l'amitié, de l'amour, de l'éducation, elle qui est bardée de diplômes, sûre d'elle et de ses idées.
       La fin du roman est ouverte, ce qui est sympathique. A chaque lecteur de projeter l'issue qui lui plaira le plus.
       Vous l' avez compris: roman que je recommande sans modération pour la fraîcheur procurée! Merci Véronique d'avoir fait découvrir à notre groupe de lectrices cette petite merveille!

Agnès Grey, Anne Brontë, 2012 pour l'édition Archipoche,276 pages, première édition 1847 sous le pseudonyme d'Acton Bell.

        Il s'agit bien sûr de la dernière sœur Brontë, Anne, qui écrit ce roman à 27 ans et va mourir deux ans plus tard.

         Agnès Grey est la fille cadette d'un pasteur désargenté. Elle décide de s'assumer financièrement pour soulager sa famille. Le XIXème siècle anglais n'est pas particulièrement propice au travail féminin, et un des rares métiers possible est celui de gouvernante, tâche effectuée par notre romancière qui s'en inspire largement.
        Agnès, narratrice de ces quelques années, relate un quotidien où elle est en butte aux vexations de ses employeurs, des enfants dont elle a la charge sans avoir vraiment l'autorité, et même de domestiques. Mais cette jeune femme possède une force d'âme peu commune.
        Révélateur d'une époque, ce roman complète bien le panorama offert par l'univers romanesque des sœurs Brontë. Possédant des caractéristiques différentes des célèbres productions des deux autres sœurs, Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent, Agnès Grey dresse le portrait édifiant d'une jeune femme  et offre finalement une vision plutôt optimiste de la vie.

Tombée du nid, Clotilde Noël, témoignage, terra mare, 19 mars 2015.

       Mère de six enfants, cette jeune femme rapporte le "combat" livré par leur couple pour parvenir à adopter une petite fille trisomique, Marie, abandonnée à la naissance par ses parents qui ont découvert la trisomie à ce moment-là et ne se sont pas sentis capables d' élever un enfant porteur de ce handicap.
       La détermination du couple Noël et leur désir profond d'accueillir un enfant handicapé est un beau témoignage d'amour et de ténacité. Ce désir est soutenu et accompagné par leurs enfants, leurs amis et une partie de leur famille tout au long de ce parcours compliqué parsemé de rencontres médicales, para-médicales, administratives, etc.. L'administration reste prudente lors de ces demandes d'adoption pour éviter naturellement un second abandon.
     
Un beau partage de vie que j'ai découvert grâce à Maylis.

mercredi 8 juillet 2015

Portrait d’après blessure, Hélène Gestern, septembre 2014, arléa, 232 pages.

         Troisième roman d'Hélène Gestern, Portrait d'après blessure nous fait vivre le raz-de-marée provoqué par l'explosion d'une rame de métro à Odéon chez deux jeunes gens, Olivier et Héloïse, qui partaient tranquillement déjeuner ensemble.
          Leur vie bascule, d'abord avec l'effroi, puis les souffrances physiques et morales. Une épreuve terrible va les atteindre ensuite: la publication d'une photo dans une revue "à scandale", montrant Héloïse à demi nue portée par Olivier qui lui a sauvé la vie en l'extirpant d'une carcasse de wagon. Le doute, la suspicion s'emparent de l'entourage qui les pensent amants, donc adultères.
           Olivier et Héloïse vont tenter de lutter contre ce fléau de l’information à tout prix pour retrouver leur dignité.

           Roman qui traite bien sûr du poids de l'information, de la photo "choc", écrit dans une langue fluide, Portrait d'après blessure est intéressant aussi dans la progression de l'intrigue  grâce à l’alternance des points de vue.
            Un bon roman pour les vacances...

Gibier d'élevage, Kenzaburô Ôé, 1966, 1982 pour la traduction Gallimard, 106 pages.

     Né en 1935 au Japon, Kenzaburô Ôé a suivi des cours de littérature française.
     Il reçoit le prix Akutagawa (équivalent de notre prix Goncourt) pour ce roman et le prix Nobel de littérature en 1994.


     Le narrateur est un jeune garçon racontant l’événement qui va d'abord secouer la torpeur des habitants de ce petit village de montagne, puis bouleverser leur vie. Un avion ennemi s'est écrasé dans la montagne mais le pilote est indemne et a été arrêté. Mais "comment trouver les mots pour décrire le gigantesque nègre ramené au village sous escorte, la veille au soir, comme une prise de chasse?"(p.40)
     Attaché par une chaîne dans une cave, l'homme se couche à terre. Les enfants le contemplent par le soupirail. ils vont se familiariser avec cet homme "une espèce d'animal gentil et paisible."(p.59) Notre narrateur est chargé de lui porter ses repas.
     Constatant que le piège retenant les chevilles de l'homme le blesse, les enfants vont le libérer.Une communication et  une certaine connivence s'installent entre le prisonnier et le groupe des enfants. Petit à petit, les villageois s'habituent à sa présence même à l’extérieur: "Au même titre que les chiens, les enfants et les arbres, il faisait désormais partie de l'existence du village."(p.73)
Tout cela va basculer lorsque les directives de la préfecture concernant le sort du prisonnier vont arriver...

     Dans cette fiction pessimiste, Kenzaburô Ôé souligne la bêtise et la méchanceté humaine, à la manière d'un apologue. Ce roman court peut parfaitement être lu par des lycéens et s'intégrerait semble t-il  dans une séquence de seconde ou de première comme lecture d'accompagnement, dite cursive.
   

Marie Tudor, Victor Hugo, 1833, 2013 pour la présente édition folio chez Gallimard.

        A l’occasion de la visite de l'exposition les Tudor au musée du Luxembourg (vite pour les retardataires, elle s'arrête le 13 juillet 2015!), j'ai lu le drame romantique de Victor Hugo,Marie Tudor , moins connu que Ruy Blas ou Hernani.
         Ecrit en prose et découpé en journées à la manière du théâtre espagnol (Calderón, Lope de Vega), Marie Tudor met en scène une femme écartelée entre son devoir de reine et son sentiment d'amante. On retrouve tout ce qui fait la spécificité et le charme du drame hugolien: les antithèses très nombreuses, une écriture exaltée parsemée d'exclamatives comme le montre cette réplique de Jane page 175 "Oui! je t'aime! Oui! je t'aime! Et, _vois-tu, Gilbert, crois- moi bien, ceci est la vérité comme au lit de la mort, _je n'ai jamais aimé que toi! Même dans ma faute, même au fond de mon crime, je t'aimais! A peine ai-je été tombée aux bras du démon qui m'a perdue, que j'ai pleuré mon ange!"les rebondissements liés à l'intrigue, le trio amoureux (ici un homme et deux femmes).
        Il y aura inévitablement un mort, puisque "le peuple" réclame une tête: mais qui? l'homme du peuple ou le favori de la reine?
         Victor Hugo prend parfois quelques libertés par rapport à la vérité historique, mais il connait les ressorts de la passion amoureuse qu'il transcrit dans son style propre.

Un peu perdu, Chris Haughton, 2015, éditions Thierry Magnier.

    Une petite chouette est tombée de son nid: elle ne s'est pas blessée, mais elle est un peu perdue! Un écureuil va l'aider à retrouver sa maman.
    Humour et tendresse dans ce petit livre d'images: Marius, 21 mois, frémissait sur mes genoux quand je lui racontais l'histoire. Je le sentais vibrer d'émotions diverses!

à partir de 18 mois

mercredi 1 juillet 2015

Didi Bonbon, Olga Lecaye, , 1994, Ecole des loisirs

        Didi Bonbon est une petite souris qui rencontre un méchant loup... mais se montre plus maligne que lui. Amusant mais attention; il y a désobéissance!
à partir de 5 ans