jeudi 15 octobre 2015

Première personne du singulier, Patrice Franceschi, Goncourt de la nouvelle 2015, Points, 197 pages.

   Patrice Franceschi est aviateur, marin, cinéaste, baroudeur! mais il s'affirme aussi comme écrivain engagé: Mourir pour Kobané, le récit de deux années passées avec les Kurdes, le prouve aisément.

   Dans Première personne du singulier, il raconte en quatre nouvelles quatre destins étonnants, tous tragiques mais également épiques. Le style original de ces pages est étonnant et alerte, que ce soit dans les portraits des personnages comme celui du "second capitaine" pages 34-35 ou celui du lieutenant Vernaud page 75, ou dans ce que l'écrivain nous livre de son rapport à la littérature à travers les personnages: dans la deuxième nouvelle, "Vernaud appartenait à cette espèce d'hommes singuliers qui font commerce avec les morts en lisant les textes d'écrivains disparus depuis longtemps." (p.75); "tous il s'agit des écrivains) habitaient sa vieille maison familiale; on les avait accueillis année après année comme des visiteurs de marque ou des amis de longue date.[...] Enfant, il imaginait que tous ces morts se parlaient la nuit, une fois les hommes endormis." (p.85) ou bien, dans "Le naufrage du lieutenant Wells", la troisième nouvelle, la sœur du lieutenant déclare: "quand nous étions enfants, nous ne faisions que ça tous les deux: lire. Nos parents n'étaient pas très présents et nous avons tout appris dans les livres."(p.151).
   J'évoquerai aussi comme particulièrement intéressant le poids des images, des comparaisons ou des métaphores choisies comme celles du début de la nouvelle intitulé "Carrefour 54": "Dans le bourg de Jeanville dévasté par les bombes des Stukas allemands, les restes de l'armée du général Gouenne refluaient en désordre, et tous ces débris humains se cognaient les uns aux autres comme des morceaux de navire disloqués par la tempête; on aurait dit que chaque vague d'arrivants submergeait la précédente avant d'être engloutie par la suivante..." (p.73) Le tragique est également pathétique...

   Écrivain atypique (encore pourrait-on le rapprocher de Sylvain Tesson pour le côté tête brûlée), Patrice Franceschi possède un talent que l'on peut qualifier d'hugolien pour son écriture engagée, l'élan de son style et la force des images, mais ce talent est bien incarné dans notre XXIème siècle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire