Ce roman s'inspire largement d'une expérience personnelle de l'auteur. En effet, d'origine espagnole mais née en France, Lydie Salvayre nous narre les souvenirs de sa mère, Montserrat ou "Montse" au moment de la guerre civile espagnole durant l'été 36, l'été de ses quinze ans. Au moment de l'évocation, Montse a 90 ans. Atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle est une voix de ce roman. Mêlant dans ses propos français et espagnol, elle déforme également certains mots "je suis devenue en une semaine une anarchiste de choc prête à abandonner ma famille sans le moindre remordiment et à piétiner sans pitié le corazon de mi mama."(p.78). Mais le lecteur suit néanmoins sans problème le fil rouge de la narration.
La deuxième voix de ce roman est celle de l'écrivain Georges Bernanos à travers des citations des Grands Cimetières sous la lune. Franquiste à l'origine, Bernanos assiste aux débordements et aux atrocités de cette guerre civile "dans un effort éprouvant de lucidité qui l'oblige à rompre avec ses sympathies anciennes" (p.12). Il y va, dit-il, de son honneur, ce vieil honneur qui est jugé réactionnaire[...]" (p.138)
Les personnages sont attachants, que ce soit la jeune Montse, son frère José ou même Diego le rouquin qui peine à trouver sa place.
L'écriture de ce roman, parfois chaotique, parfois d'une rigueur classique, dérange au tout début Elle a le mérite d'être originale tout comme la structure du livre sans chapitres, divisé uniquement en deux parties. Le récit suit plus ou moins la progression chronologique des souvenirs de Montse, mère de la narratrice qui intervient parfois.
L'attribution du prix Goncourt en 2014 a surpris, en partie à cause du mélange de langues; l'éditeur de Lydie Salvayre considère qu'il récompense son oeuvre: en effet, elle a déjà écrit une vingtaine de romans, dont Passage à l'ennemie, lui aussi assez étonnant et original dans sa mise en oeuvre.
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