jeudi 16 juin 2016

Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon, 2015, L'Iconoclaste, 247 pages.

        C'est curieux, ce choix de la romancière, de commencer un livre par les derniers jours du "personnage". Mais cela fonctionne: il s'agit d'un très grand homme du XIX ème siècle, aimé par les petits, craint par le pouvoir. Et le roman s'ouvre effectivement sur l'angoisse des politiques:"Ils ont peur déjà, le désordre vient si vite."

   La foule est sous les fenêtres du poète, venant aux nouvelles "Ils lèvent les yeux vers les fenêtres fermées où ils l'ont aperçu, déjà, debout, saluant, ils palpent l'absence, le silence, la mort qui oeuvre à l'intérieur et les laisse vivants, vaguement effarés, avec ou sans chapeau, avec ou sans rang, comme des personnages en quête d'auteur." (p.11)

   Plusieurs enjeux autour de cette mort annoncée: l'agonie est longue, mais l'Eglise aimerait pouvoir assister cet homme qui a refusé toute présence de prêtre. "Chacun tire le mourant pour le faire tomber de son côté" (p.31). Il décédera le 22 mai 1885.
   On envisage un enterrement au Panthéon, mais cela voudrait dire le séparer des membres de sa famille déjà disparus, entre autres sa chère fille Léopoldine morte noyée il y a si longtemps, de ses deux fils morts de maladie, de son frère, de sa mère, de son père. L'enterrement est prévu un lundi malgré les demandes pressantes et les lettres éplorées des "petits" qui travaillent ce jour-là. "Nous aurions voulu rendre les derniers hommages à celui que nous appelions notre Père à tous." (p.129)

   L'enterrement qui prend des figures de deuil national aura bien lieu un lundi:après exposition du corps devant l'Arc de Triomphe où deux millions de personnes sont venues se recueillir,  la foule se presse sur le passage du cortège, les balcons se louent à prix d'or, la moindre marche d'escabeau est prise d’assaut, on escalade les arbres pour les plus agiles. Anarchistes et révolutionnaires défilent également, mais la police a supprimé tous les drapeaux noirs ou rouges. L'un d'entre eux portait les vers d' Hugo, Le peuple a sa colère et le volcan sa lave qui dévaste d'abord et qui féconde après. Ce drapeau a disparu mystérieusement... Sur le trajet, le narrateur évoque les sentiments paradoxaux du peuple "ils avaient le cœur serré au passage du peuple, mais ensuite ils riaient, applaudissaient, on lisait sur les visages une joie à peine secrète, une joie funèbre [...]" (p.234)  "on fêta Hugo, cet acharné de l'abolition" (p.241)

   En effet, nous avons tous des exemples en tête des combats d'Hugo: contre la peine de mort, la misère à Paris, le travail des enfants, l'esclavage sous toutes ses formes...
  Merci à Hugo pour Gavroche, Fantine, Cosette, "l'homme qui rit" mais aussi Ruy Blas, Hernani, "le banni, le proscrit", et peut-être, plus touchant encore, pour les vers inspirés par le souvenir aimant de Léopoldine la fille bien-aimée du poète"Demain dès l'aube..."

  Figure nationale, Victor Hugo est ici restitué dans cette dimension de façon très documentée et vivante. Un livre intéressant pour tous.

exposition: "les Hugo, une famille d'artistes"

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