Quelques jours avant la fête des mères, je ne peux commencer cet article sans citer la phrase en exergue du livre: "Si ma mère avait vécu plus longtemps,toute mon existence, j'en suis sûre, aurait été différente. Mais elle m'a quitté trop tôt et m,a laissé avec ce cœur inutilisé qu'aucun homme, aucune femme, n'a jamais pu remplir." En attendant la montée des eaux, Maryse Condé: belle célébration des liens mère-fille...
Ce témoignage se dévore: la narratrice, Sophie, jeune Camerounaise née en 1981, chrétienne, mariée et mère d'un petit garçon prénommé Hugo, relate sa vie en narrant son enfance heureuse pendant neuf ans avant la mort de sa mère. Elle ne se remet pas de ce deuil précoce même si elle dit avoir été sauvée par ses nièces dont elle s'est beaucoup occupée.
Elle devient éducatrice spécialisée et, dans ce métier qui la tourne vers les autres, elle retrouve des souvenirs de sa mère. Elle se dit "qu'elle serait fière de moi". (p.26) Elle rencontre Julien, est assez rapidement enceinte, a apparemment tout pour être heureuse. Mais de façon pernicieuse, la tristesse de son enfance est toujours là.
Sophie travaille dans une maison de quartier et elle rencontre les familles issues de l'immigration nord et ouest-africaine. Elle a un excellent contact avec les mères, et également avec ceux qu'elle va appeler "les petits". Progressivement l'islam va prendre la place de la religion de sa mère, "musulmane d'abord dans le secret. C'est une démarche profonde, intime, [...]"(p.37) Elle finit pas se convertir dans le plus grand secret et Julien l'apprendra par hasard. Le fossé s'élargit entre eux deux.
E t puis, trois des "petits", Idriss, Mohammed et Souleymane, partent un jour pour la Syrie sans qu'il y ait eu de "signes de radicalisation" (p.55). C'est bien sûr l’effondrement dans les familles.
Ils vont contacter Sophie qui va partir avec Hugo sous le prétexte de travailler comme bénévole dans un orphelinat en Turquie. Mais leur voyage ne s'arrêtera pas là...
C'est dans doute l'amour maternel qui va aider Sophie à surmonter toutes les épreuves rencontrées en Syrie et lui donner l'audace et le courage de la fuite.
Ce témoignage rejoint tous les échos que l'on peut avoir dans la presse ou les différents médias: sans sombrer dans la psychose, il nous redit la nécessité de la vigilance et l'urgence de l'action, chacun à sa place.
jeudi 26 mai 2016
vendredi 20 mai 2016
Odyssées.... d'hier et d'aujourd'hui
A première vue, il n'y pas grand chose en commun entre ces deux ouvrages: l'un est un "classique" du VIIème siècle av. J.C. que l'on ne présente plus, dans une traduction versifiée par un grand poète contemporain, Philippe Jaccottet, à l'immense culture humaniste..
L'autre est le récit des aventures réelles et proches de nous dans le temps d'un jeune garçon de 11 ans, né hazara, ethnie persécutée en Afghanistan ; il est livré à lui-même car sa mère espère lui sauver la vie en l'abandonnant de l'autre côté de la frontière, au Pakistan. Durant 5 ans, il va parcourir l'Iran, la Turquie, la Grèce pour aboutir en Italie. Un éducateur italien s'est intéressé à lui et a recueilli son témoignage, hors du commun. On peut se dire qu'Enaiat a eu "beaucoup de chance", car il a échappé lors de son périple à la prostitution, la torture ou la mort... comme Ulysse avait échappé à la noyade, à la transformation en pourceau, à la mort de multiples fois...
Le point commun, vous l'avez deviné, c'est qu'il s'agit dans les deux cas du" récit d'un voyage rempli d'aventures". (définition du mot odyssée dans le petit Robert)
L'Odyssée d'Homère est sous-tendue par une règle de vie: votre valeur humaine se mesure à votre capacité à recevoir l'autre, à accueillir l'autre. Il s'agit aussi d'un véritable hymne à la famille.
L'odyssée narrée par Fabio Geda relate sans amertume les péripéties du petit Enaiat qui garde en mémoire les trois recommandations de sa mère: ne pas prendre de drogue, ne pas utiliser d'armes, donc ne pas tuer, et ne pas voler: "Tu gagneras l'argent dont tu as besoin en travaillant, même si la tâche est pénible. Tu n'escroqueras personne non plus. Tu te montreras accueillant et tolérant envers tous. Promets- moi que tu le feras." (p.12). il s'agit bien d'un testament!
Le style homérique est caractérisé par ses images; l'une des plus célèbres est celle-ci:"la fille du matin, l'aube aux doigts roses"mais nous pouvons citer également Nausicaa, "la princesse à figure d'Immortelle", "la princesse aux bras très blancs".
Dans la mer il y a des crocodiles ne vise pas les effets rhétoriques mais nous touche grâce à la personnalité du jeune héros.
jeudi 12 mai 2016
Mirage, Douglas Kennedy, 2015, Belfond, 426 pages.
Après la lecture du roman D'après une histoire vraie, et surtout après celle du livre si émouvant L'été d' Agathe, j'ai vraiment eu besoin et envie de lire quelque chose de plus léger, de tellement fictionnel que l'on y respire mieux!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
jeudi 5 mai 2016
L'été d'Agathe, Didier Pourquery, Grasset, 2016, 193 pages.
Didier Pourquery est journaliste et a été rédacteur en chef de plusieurs titres de presse, dont Libération et Le Monde. Il a déjà publié des essais et un roman, mais ce livre est bien autre chose.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
Inscription à :
Articles (Atom)