jeudi 12 janvier 2017

Chanson douce, Leïla Slimani, 2016, Gallimard, 227 pages, prix Goncourt, sélection ELLE.

   Quel paradoxe que ce roman!

    Un titre qui résonne comme une berceuse et une mort tragique d'enfants qui ouvre le livre: "Le bébé est mort"; la sécheresse du style n'est pas sans rappeler Camus et sa fameuse annonce dans L'Etranger: "Aujourd'hui, maman est morte."

   Ce début de roman est un vrai cauchemar et pourtant nos personnages auraient pu avoir une vie toute simple, calme et tranquille...
   Paul et Myriam Massé ont deux jeunes enfants; Myriam en a assez d'être femme au foyer et a une opportunité pour reprendre un travail intéressant; ils vont donc chercher une nounou!
   Myriam est tout de même terrorisée à l'idée de laisser ses enfants à une inconnue. "Depuis qu'ils sont nés, elle a peur de tout. Surtout, elle a peur qu'ils meurent;" (page 28)

   Le narrateur omniscient va troubler le lecteur; il procède par avancées dans le temps et retours en arrière qui nous permettent de discerner les failles de cette Louise si parfaite. Prenons par exemple les jeux de cache-cache avec les enfants qu'elle mène jusqu'au paroxysme de l'angoisse. (pages 50 -51). Elle tisse sa toile, "invisible et indispensable." (page 59).

   Quelques chapitres nous présentent la famille de Louise, petite famille, avec une fille unique Stéphanie, et la correction qu'elle inflige à celle-ci nous laisse perplexes. Quelle violence!

  Ce qui m'a glacée dans cette fiction, c'est de retrouver des éléments du réel, la nounou dont on chante les louanges, l'institutrice qui s'afflige de l'absence des parents, les rendez-vous des nourrices au square, les rituels de cette femme qui parait éprouver une passion pour les enfants Mila et Adam qui lui sont confiés.

  Ce qui m'a semblé assez invraisemblable dans ce récit, c'est que ces parents qui avaient pourtant perçu des problèmes chez Louise comme "le regard noir de Louise" ou ses gros soucis d'argent aient ainsi évacué ce qu'ils avaient détecté et continué à confier la chair de leur chair, ce qu'ils avaient de plus précieux à une femme qui n'avait plus toute leur confiance. Peut-on se leurrer à ce point et ignorer un danger? Cela me parait être une des faiblesses du roman.

  La fin du roman résonne bien comme une tragédie avec la reconstitution du meurtre des enfants, mis en scène par le capitaine Nina Dorval qui"frappera le trois coups" de ce "théâtre sordide."

  La lecture nous tient en haleine, rendue supportable par la connaissance de l'issue dès le début mais je me verrai mal recommander cette lecture à de jeunes mères de famille.

  Deuxième roman de cette jeune femme souriante et déterminée, Chanson douce est un roman impressionnant.



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