jeudi 21 décembre 2017

Les Délices de Tokyo, Durian Sukegawa, 2013, 2016 pour la traduction française, Albin Michel, 221 pages.

  Le titre original est AN, mot japonais qui désigne la pâte de haricots rouges servant à la préparation de délicieuses gourmandises sucrées.

  Il est effectivement question de pâtisseries dans ce petit roman: Sentarô est un jeune homme qui tient une petite boutique de rue où il vend en particulier des dorayaki "deux ronds de pâte, comme des pancakes, fourrés de an aux haricots rouges." (page 12) C'est un peu par hasard qu'il occupe cet emploi et on apprendra qu'il voulait être écrivain mais des circonstances l'ont conduit à tout autre chose... Un secret qu'il dissimule...

  Une vieille femme se tient un jour devant sa boutique et lui demande s'il veut bien l'embaucher."J'ai toujours rêvé de faire ce travail." Elle lui confie qu'elle a une grande pratique et qu'elle accepterait un salaire ridicule. Il accepte cette candidature spontanée et va aller de surprise en surprise: elle va effectivement améliorer significativement la qualité de la pâte et les clients vont remarquer ces changements positifs.

Mais des éléments vont troubler notre marchand de gâteaux: l'apparence de cette femme, Tokue, est pour le moins étrange; ses yeux sont dissymétriques, ses mains anormalement déformées, et la patronne de Sentarô va lui demander de congédier sa nouvelle recrue, malgré les améliorations gustatives.

  Avec une jeune collégienne qui avait sympathisé avec Tokue, Sentarö va essayer de comprendre ce qui est arrivé à cette femme et quel est son secret.
  Ils vont découvrir qu'elle avait contracté la lèpre quand elle était jeune, et que cette terrible maladie l'avait coupée de sa famille: on l'avait déracinée, on lui avait trouvé un autre nom, on l'avait enfermée avec d'autres lépreux; ce thème de l'enfermement domine la deuxième partie de ce livre et n'est pas sans faire penser au roman de Victoria Hislop, L'île des oubliés, cette petite île au large de la Crète où on enfermait les lépreux pour éviter la contamination.

  La communauté de lépreux a établi une société parallèle à l'intérieur du sanatorium et c'est dans ce lieu que Tokue rejoint le cercle de pâtisserie: "Nous devions unir nos forces pour vivre, c'était la seule possibilité...Chacun avait une expérience ou une autre de la vie en société." (pages 136-137)  C'est alors que l'on comprend le titre...

  Cette vie si particulière et si dure donne à Tokue une philosophie personnelle de la vie et elle aura pour Sentarô un ultime message pendant la promenade dans la forêt à la nuit tombée. Livre qui semble anecdotique à première vue, il nous permet de réaliser la souffrance de certains êtres qui subissent à cause de la maladie ou dans d'autres circonstances l'emprisonnement, l'enfermement sans possibilité de libération.

Le titre est finalement bien paradoxal!


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