Anne est la narratrice de ce court roman très dense en émotions. Elle nous raconte, sous la forme du journal intime, dont le début est daté d'avril 1950, le départ de son fils Louis, 16 ans, qui ne supporte plus les corrections infligées par Etienne, son beau-père.
Elle a perdu son premier mari, Yvon Le Floch, pendant la seconde Guerre mondiale: son chalutier a été bombardé et coulé par l'aviation britannique qui avait comme consigne d'affamer les Allemands. Donc, pas de poisson... "Intérêt supérieur des nations, entendions nous." (page 142) On n'avait jamais retrouvé son corps.
Deux ans après ce drame, Etienne Quémeneur, pharmacien de la bourgade, se déclare: il a toujours été amoureux d'elle, mais a été pris de vitesse par Yvon! Anne accepte de l'épouser et il lui promet d'être un bon père pour Louis.
Viennent alors deux enfants, Gabriel et Jeanne, et Etienne oublie sa promesse. Il est pourtant plutôt un homme bon, mais il ne sait pas partager son bonheur d'être père avec Louis.
Jusqu'au départ de Louis... qui ne revient pas. Sa mère le cherche, le guette. Elle sait qu'il s'est embarqué mais il va de cargo en cargo.
Alors elle lui écrit, des lettres magnifiques, décrivant le festin qui l'attend pour le jour où il reviendra, véritable festin pour accueillir le fils prodigue. Cela évoque aussi Le festin de Babette de Karen Blixen. Elle le guette depuis le bord de mer, elle survit...
Cette séparation va altérer leur vie de couple: la douleur d'Anne est trop grande. elle se réfugie tous les après-midi dans la petite maison qu'elle a habité avec Louis jusqu'à son remariage, véritable sanctuaire. Elle est très seule dans ce chagrin. Les non-dits ont été trop importants.
L'épilogue n'est pas inattendu, mais pas complètement tragique. Nous percevons toute une vie tournée vers les autres et plus particulièrement vers ce fils parti, tout cela dans une belle langue à la fois intimiste et pudique.
jeudi 31 mai 2018
jeudi 24 mai 2018
Le Bon Cœur, Michel Bernard, La Table Ronde, 2018, 234 pages.
Michel Bernard n'est pas "sous-préfet aux champs", mais sous -préfet de L'Haÿ-les-Roses! Cet homme a une vie bien remplie puisqu'il est aussi (ou d'abord?) écrivain: j'ai lu le magnifique Les Forêts de Ravel, (cf article du 21 janvier 2016), mais la liste de ses romans est longue.
Il revient avec Le Bon Cœur, roman sur Jeanne d'Arc: très documenté, collant à la vérité historique, son livre possède une part romanesque très importante:
Nous avons par exemple dans une prose poétique la description des paysages traversés par celle qu'on appelait la Pucelle:
"Ils marchaient à pas lents. Sur les claies d'osier le chèvrefeuille avait repris sa croissance. Sous les tonnelles pointaient, violettes, les pousses de la vigne. Entre les murs du château attiédis, dans la terre ameublie et fumée, l'hiver avait cessé de mordre. " (page 64) ou, plus poignant, dans sa prison de Rouen: "Elle vit des paysans cheminer vers la ville en menant un âne ou une charrette attelée de boeufs, des enfants se jeter des boules de neige, des vieilles femmes porter des fagots, les fumées monter des chaumières et les corbeaux hanter le ciel où la nuit attendait."(page 202)
Michel Bernard nous montre aussi d'une plume les magnifiant tous les êtres croisés par Jeanne: il leur donne vie, leur donne chair et nous nous attachons à Jean d'Alençon qui va l'accompagner dans son périple avec fidélité "Il se sentait meilleur près d'elle et souvent heureux" (page 166), à ses frères qui la rejoignent, à La Hire qui pourtant n'était pas un enfant de chœur! Le peuple aussi prend corps, qui veut voir Jeanne, la toucher, l'aduler ou l'insulter.
Et bien sûr, la figure de Jeanne, cette petite paysanne de 18 ans, avec son accent lorrain, son aplomb, cette assurance liée à l'obéissance aux voix, sa grande piété, et son courage héroïque: une grande sainte de l'Histoire de France qu'il nous est donné de redécouvrir avec la grâce et l'élégance de l'écriture de Michel Bernard.
Il revient avec Le Bon Cœur, roman sur Jeanne d'Arc: très documenté, collant à la vérité historique, son livre possède une part romanesque très importante:
Nous avons par exemple dans une prose poétique la description des paysages traversés par celle qu'on appelait la Pucelle:
"Ils marchaient à pas lents. Sur les claies d'osier le chèvrefeuille avait repris sa croissance. Sous les tonnelles pointaient, violettes, les pousses de la vigne. Entre les murs du château attiédis, dans la terre ameublie et fumée, l'hiver avait cessé de mordre. " (page 64) ou, plus poignant, dans sa prison de Rouen: "Elle vit des paysans cheminer vers la ville en menant un âne ou une charrette attelée de boeufs, des enfants se jeter des boules de neige, des vieilles femmes porter des fagots, les fumées monter des chaumières et les corbeaux hanter le ciel où la nuit attendait."(page 202)
Michel Bernard nous montre aussi d'une plume les magnifiant tous les êtres croisés par Jeanne: il leur donne vie, leur donne chair et nous nous attachons à Jean d'Alençon qui va l'accompagner dans son périple avec fidélité "Il se sentait meilleur près d'elle et souvent heureux" (page 166), à ses frères qui la rejoignent, à La Hire qui pourtant n'était pas un enfant de chœur! Le peuple aussi prend corps, qui veut voir Jeanne, la toucher, l'aduler ou l'insulter.
Et bien sûr, la figure de Jeanne, cette petite paysanne de 18 ans, avec son accent lorrain, son aplomb, cette assurance liée à l'obéissance aux voix, sa grande piété, et son courage héroïque: une grande sainte de l'Histoire de France qu'il nous est donné de redécouvrir avec la grâce et l'élégance de l'écriture de Michel Bernard.
jeudi 17 mai 2018
50 nuances de Grecs, Jul et Charles Pépin, tome 1, Dargaud 2017, 81 pages.
Très humoristique et plein d'esprit, voici le premier tome de l'Encyclopédie des mythes et des mythologies. Une bonne façon de revoir ses acquis de lycée ou tout simplement de découvrir des héros ou des dieux dans des situations cocasses:
en effet, la première page nous propose l'évaluation de la pension alimentaire de Zeus par une jeune avocate; un peu plus loin, l'évocation du fil d'Ariane est contextualisée..., ou trouve également Narcisse avec une perche à selfie...
La page de dessins est complétée par une explication du mythe, intéressante, jamais pontifiante, parfois assez drôle.
J'ai trouvé vraiment l'album plaisant: une idée cadeau fête des pères? sans aucune arrière-pensée!
😊💗 Et le dessin animé bientôt sur ARTE!
en effet, la première page nous propose l'évaluation de la pension alimentaire de Zeus par une jeune avocate; un peu plus loin, l'évocation du fil d'Ariane est contextualisée..., ou trouve également Narcisse avec une perche à selfie...
La page de dessins est complétée par une explication du mythe, intéressante, jamais pontifiante, parfois assez drôle.
J'ai trouvé vraiment l'album plaisant: une idée cadeau fête des pères? sans aucune arrière-pensée!
😊💗 Et le dessin animé bientôt sur ARTE!
vendredi 11 mai 2018
Djamilia, Tchinguiz Aïmatov, traduit du kirghiz par A. Dimitrieva et Louis Aragon en 1959, Denoël, 132 pages.
Découvert grâce à une lectrice (merci à elle!) qui suit mon blog, ce court roman nous narre "la plus belle histoire d'amour du monde". L'expression est employée par Aragon dans la préface.
Le narrateur, un jeune garçon , découvre ce qui se passe dans l'âme d'un couple, la naissance de l'amour; mais c'est aussi l'amour de la terre, de la nature, de la création toute entière qui est célébré ici.
Djamilia est la femme de son frère aîné, Sadyk, parti à la guerre quatre mois après le mariage. Dans les lettres adressées à la famille, Sadyk ne met qu'un mot sec pour sa jeune épouse.
Arrive dans le village perdu au milieu de la steppe un jeune soldat revenant du front, Danïiar, au tempérament associable et très réservé.
Notre jeune narrateur et sa belle-sœur se trouvent être associés à Danïiar pour une tâche particulière: conduire les deux voitures à cheval, les "britchkas" chargées de sacs de grains jusqu'à la gare. Leur découverte mutuelle va s'opérer lors d'un retour pendant lequel les deux conducteurs vont chanter et l'enfant qu'est le narrateur réalise -sans pouvoir le nommer- que quelque chose s'est produit: "Ce qui me surprenait le plus, c'était la passion, l'ardeur même dont était saturée la mélodie même." (page 85)
"C'était un homme profondément amoureux. Et amoureux, il l'était, je le sentais bien, pas seulement d'un autre être humain: il s'agissait là de je ne sais quel amour tout autre, d'un énorme amour, de la vie, de la terre." (page 87) Les descriptions qui suivent participent de ce même élan lyrique et nous dévoilent un peu l'âme kirghize.
La déclaration d'amour ne peut avoir lieu qu'une nuit d'orage: "C'était effrayant et joyeux: l'orage avançait, le dernier orage de l'été." (page 115) Le narrateur qui dort dans la grange va être réveillé par des murmures et assister sans le vouloir à leur déclaration d'amour.
Je ne peux révéler la fin du roman... mais il est intéressant de voir dans le dernier chapitre la naissance de la vocation de peintre du narrateur "sur le difficile chemin de la quête du bonheur".
Ce roman puissant allie avec style nature et sentiments. Cette lecture facile et rapide est intéressante et très dépaysante : en effet, à part peut-être Sylvain Tesson et quelques voyageurs sortant des sentiers battus, qui peut prétendre connaitre le Kirghizstan?
Le narrateur, un jeune garçon , découvre ce qui se passe dans l'âme d'un couple, la naissance de l'amour; mais c'est aussi l'amour de la terre, de la nature, de la création toute entière qui est célébré ici.
Djamilia est la femme de son frère aîné, Sadyk, parti à la guerre quatre mois après le mariage. Dans les lettres adressées à la famille, Sadyk ne met qu'un mot sec pour sa jeune épouse.
Arrive dans le village perdu au milieu de la steppe un jeune soldat revenant du front, Danïiar, au tempérament associable et très réservé.
Notre jeune narrateur et sa belle-sœur se trouvent être associés à Danïiar pour une tâche particulière: conduire les deux voitures à cheval, les "britchkas" chargées de sacs de grains jusqu'à la gare. Leur découverte mutuelle va s'opérer lors d'un retour pendant lequel les deux conducteurs vont chanter et l'enfant qu'est le narrateur réalise -sans pouvoir le nommer- que quelque chose s'est produit: "Ce qui me surprenait le plus, c'était la passion, l'ardeur même dont était saturée la mélodie même." (page 85)
"C'était un homme profondément amoureux. Et amoureux, il l'était, je le sentais bien, pas seulement d'un autre être humain: il s'agissait là de je ne sais quel amour tout autre, d'un énorme amour, de la vie, de la terre." (page 87) Les descriptions qui suivent participent de ce même élan lyrique et nous dévoilent un peu l'âme kirghize.
La déclaration d'amour ne peut avoir lieu qu'une nuit d'orage: "C'était effrayant et joyeux: l'orage avançait, le dernier orage de l'été." (page 115) Le narrateur qui dort dans la grange va être réveillé par des murmures et assister sans le vouloir à leur déclaration d'amour.
Je ne peux révéler la fin du roman... mais il est intéressant de voir dans le dernier chapitre la naissance de la vocation de peintre du narrateur "sur le difficile chemin de la quête du bonheur".
Ce roman puissant allie avec style nature et sentiments. Cette lecture facile et rapide est intéressante et très dépaysante : en effet, à part peut-être Sylvain Tesson et quelques voyageurs sortant des sentiers battus, qui peut prétendre connaitre le Kirghizstan?
jeudi 3 mai 2018
LIRE! Bernard Pivot et Cécile Pivot, Flammarion, 2108, 187 pages.
On ne présente plus Bernard Pivot! Ce critique, journaliste, en son temps célèbre animateur d' Apostrophes, maintenant élu à l'Académie Goncourt, a la bonne idée de revenir avec un livre sur la lecture... Lecteur professionnel (il recevait jusqu'à dix livres par jour six jours sur sept!), il a proposé à sa fille Cécile, grande lectrice "amatrice", d'écrire ce livre à deux voix ou à quatre mains..
Le résultat est très amusant: une série de courts chapitres nous présente successivement le point de vue du père puis celui de la fille; ils ne sont pas d'accord sur tout -et c'est tant mieux pour nous- mais se rejoignent sur le plaisir de la lecture, l’amour de l'objet livre et la nécessité vitale pour eux de prendre du temps pour lire.
Quelques phrases glanées au fil de ma lecture:
"Lire, c'est courir le risque de se remettre en cause."
"Lire c'est avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts." (page 18)
"Il ne faut prendre le livre qu'on va lire ni avec des pincettes, ni avec des gants. Il faut le saisir à pleines et chaleureuses mains, comme du bon pain et une belle étoffe. Le respecter, c'est entrer en lui avec curiosité, attention, intelligence, sensibilité.Lui faire cadeau de son temps. N'avoir d'autres égards envers lui que ceux du commerce de l'esprit." (page 55)
"La lecture est une "subversion en douce",dit Régis Debray. La France insoumise est d'abord celle des lecteurs."(page 94)
J'ai retenu quelques conseils dans le chapitre "choisir un livre" comme celui de fréquenter les blogs (!) et bien sûr les bibliothèques et les librairies. Cécile nous offre ses librairies coup de cœur.
Elle nous suggère aussi de s'intéresser au rituel mis en place par l'association Silence! on lit.
Le principe en est simple: dans la collectivité qui a choisi de le pratiquer,on s'arrête tous ensemble et chacun prend quinze minutes de lecture silencieuse Les bienfaits en sont reconnus et ce n'est pas notre ministre de l'Education nationale qui la contredira.
On trouve aussi dans cet ouvrage l'entrée "ranger ses livres" ou "offrir des livres" ou encore "Relire", autant de petits chapitres intéressants, parfois amusants, jamais pontifiants.
De très belles photos de lecteurs connus ou pas, -lectrices, parfois dans des positions invraisemblables, bibliothèques, reproductions de tableaux représentant un lecteur, charment le lecteur de ce livre fort plaisant.
La lectrice convaincue que je suis ne pouvait être que sous le charme!
A offrir ou à s'offrir!
Le résultat est très amusant: une série de courts chapitres nous présente successivement le point de vue du père puis celui de la fille; ils ne sont pas d'accord sur tout -et c'est tant mieux pour nous- mais se rejoignent sur le plaisir de la lecture, l’amour de l'objet livre et la nécessité vitale pour eux de prendre du temps pour lire.
Quelques phrases glanées au fil de ma lecture:
"Lire, c'est courir le risque de se remettre en cause."
"Lire c'est avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts." (page 18)
"Il ne faut prendre le livre qu'on va lire ni avec des pincettes, ni avec des gants. Il faut le saisir à pleines et chaleureuses mains, comme du bon pain et une belle étoffe. Le respecter, c'est entrer en lui avec curiosité, attention, intelligence, sensibilité.Lui faire cadeau de son temps. N'avoir d'autres égards envers lui que ceux du commerce de l'esprit." (page 55)
"La lecture est une "subversion en douce",dit Régis Debray. La France insoumise est d'abord celle des lecteurs."(page 94)
J'ai retenu quelques conseils dans le chapitre "choisir un livre" comme celui de fréquenter les blogs (!) et bien sûr les bibliothèques et les librairies. Cécile nous offre ses librairies coup de cœur.
Elle nous suggère aussi de s'intéresser au rituel mis en place par l'association Silence! on lit.
Le principe en est simple: dans la collectivité qui a choisi de le pratiquer,on s'arrête tous ensemble et chacun prend quinze minutes de lecture silencieuse Les bienfaits en sont reconnus et ce n'est pas notre ministre de l'Education nationale qui la contredira.
On trouve aussi dans cet ouvrage l'entrée "ranger ses livres" ou "offrir des livres" ou encore "Relire", autant de petits chapitres intéressants, parfois amusants, jamais pontifiants.
De très belles photos de lecteurs connus ou pas, -lectrices, parfois dans des positions invraisemblables, bibliothèques, reproductions de tableaux représentant un lecteur, charment le lecteur de ce livre fort plaisant.
La lectrice convaincue que je suis ne pouvait être que sous le charme!
A offrir ou à s'offrir!
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