mercredi 1 juillet 2015

Les derniers jours de Stefan Zweig, Sorel et Seksik, 2012, Casterman

   Cette BD est réalisée d'après le roman du même titre de Laurent Seksik, auteur également du récit romancé Le cas Eduard Einstein, qui raconte le destin navrant du second fils d'Albert Einstein.

    Comme l'indique le titre, les auteurs nous montrent le départ le 15 août 1941 de Zweig de New York avec sa seconde épouse Lotte de trente ans plus jeune. Direction: le Brésil où les attend une femme qui met sa demeure à la disposition du grand écrivain. Mais Zweig est déjà en butte à des idées noires. Il pense que les Allemands vont devenir les maîtres du monde "Deutschland über alles" et il ne veut pas revivre au Brésil ce qu'il a déjà vécu en Autriche. Il se sentira rapidement soupçonné, rejeté.
    Singapour tombe et Zweig estime  qu'il ne reste plus aux Allemands que le continent américain à conquérir. Il décide alors de se suicider et Lotte l'accompagne dans la mort.
    Le graphisme est éloquent sans être grandiloquent et le trait noir souligne la dureté de cette période, accompagnant ainsi les propos désabusés de Zweig et son destin tragique.

Velazquez, Elie Faure, 2015, édition des équateurs

       Ce livre a connu une première publication en 1903 aux éditions Henri Laurens. La présente édition a été effectuée à l'occasion de l'exposition qui se tient jusqu'au 13 juillet 2015 au Grand Palais.

     Il s'agit d'une biographie critique de Velazquez, grand peintre de cour  et peintre attitré de Philippe IV d'Espagne. Faure est un critique d'art lyrique, à la manière d'un Baudelaire. Il évoque les couleurs employées par ce peintre "il n'emploie que des couleurs rares, la gamme des gris, des blancs d'argent et de nacre, des noirs profonds, quelques verts, quelques rouges, des roses qui s'éteignent comme s'éteint le jour."(p.48). Le maître de Velazquez, c'est la nature, et en effet, l'Espagne est minérale, l'Espagne est grise et chez tous les vrais peintres d'Espagne, les gris dominent: voyez Herrera, Zurbaran, Le Greco, Goya.
      Faure (1873-1937), auteur d'une monumentale Histoire de l'Art qui demeure une référence, a une plume de poète: "Velazquez jette sur la toile le vol errant des harmonies comme le vent sème les feuilles sur la terre et comme il disperse l'écume à la surface de la mer."
      Velazquez est un portraitiste de génie: on pense au "terrible portrait du pape Innocent X" (p.91), à la"majesté mélancolique du roi dégénéré" et, à sa suite, "voici les infants, les petits princes maladifs" (p.93) comme l'infant Balthazar-Charles, "chétif sur l'énorme cheval d'armes, mais bijou rose et brun, gris et or sur l'écrin bleu du ciel et des montagnes."
      Le tableau qu j'ai préféré lors de ma visite de l'exposition est la Vénus au miroir (1650), l'un des rares nus de la peinture espagnole; ce tableau est mystérieux quant à l'identité du modèle, et le reflet du  charmant visage dans le miroir entretient l’équivoque.
  catalogue de l'exposition du Grand Palais

mercredi 24 juin 2015

Michel Bussi, N'oublier jamais, 2014, Presses de la cité chez Pocket

       Voici un roman policier dont vous pensez avoir le dénouement heureux dès le début de l'intrigue, et ainsi bénéficier d'une lecture pas trop haletante... Mais Michel Bussi est un maître dans l'art du rebondissement!
        Jamal, jeune sportif handicapé, rencontre une belle jeune fille qui se suicide sous ses yeux en se jetant d'une falaise d'Yport. Mais tout le monde va penser qu'il l'a poussée. Jamal croise fortuitement à la gendarmerie de Fécamp le chemin de Mona "post-doctorante en chimie expérimentale". Elle va l'aider dans ses recherches pour faire éclater la vérité. Cependant le lecteur n'est pas au bout de ses
surprises..
        L'écriture est incisive, rapide: c'est Jamal qui raconte la plus grande partie de l'histoire, d'autres éléments nous étant donnés à travers des rapports de gendarmerie.
         Excellent polar pour les vacances mais j'ai préféré le premier que j'ai lu, Nymphéas noirs, paru en 2010, dont l'intrigue se situe bien sûr à Giverny. Merci à la chère amie qui m'a prêté ce livre en janvier...

mardi 23 juin 2015

Bain de lune, Yanick Lahens, 2014, Sabine Wespieser

     Roman foisonnant, à la fois poétique et violent, clair et rempli d'ombres.
     L'intrigue est à la dimension du paysage d'Haïti où vit une famille de paysans, les Lafleur, dans un petit village Anse Bleue. Le lecteur va suivre cette  famille sur trois générations.
      Le début du roman et son épilogue se répondent. Écrits tous deux en italiques, ils transmettent la voix la plus récente, celle d'une jeune femme violentée retrouvée sur la plage. Elle évoque ses derniers instants et son retour sur une civière jusqu'à la case familiale.
      Je ne peux épuiser la matière du livre. J'ai relevé entre autres les liens fortement entrelacés entre les morts et les vivants ("visibles" et "invisibles"), l'amalgame ou la coexistence chez certains de croyances diverses (catholicisme/animisme): "aller en mer, c'est connaître l'heure du départ, mais jamais celle du retour, car seuls Agwé et Dieu savent." (p.143). Bien sûr, ce roman antérieur à Danser les ombres de Laurent Gaudé m'a rappelé ce livre avec l'évocation de la nécessité de "perdre" les morts pour leur éviter de "revenir nous visiter"(p.199). De même, la jeune morte se plaint car"Anse Bleue fera tout pour que je ne rôde plus dans les alentours. Pour que tous puissent très vite penser à moi sans être aspirés de l'autre côté..."
       Un mot néanmoins sur les descriptions de cet univers en prise au soleil "A peine soutenable à cause de la barre étale de la mer. Qui renvoyait la lumière comme pour condamner la terre au feu" (p.47): ceci évoque les plages de L'Etranger et la brûlure insoutenable du soleil, l'aspect implacable du climat et de la nature. Mais le titre  Bain de lune évoque aussi sans doute ce que vivra la jeune femme...
     L'auteur(e) dresse aussi à travers les trajectoires des personnages le tableau des difficultés  politiques de cette terre si troublée.

   Très beau roman, dense et fort. Prix Femina 2014

mercredi 17 juin 2015

Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, 2014, Actes Sud

       Le narrateur de ce roman est le frère nommé Haroun de "l'Arabe" tué par le personnage de Camus, Meursault, sur une plage pleine de soleil. Haroun s'adresse à un homme "monsieur l'enquêteur"dans un soliloque qui redonne vie à son frère, tout d'abord en le nommant par un prénom "Moussa", prénom inventé par l'auteur, puis en resituant l'histoire dans l'Histoire; il se libère aussi d'un poids très lourd.
         Ce récit se situe longtemps après les faits de L'Etranger. Haroun manifeste enfin sa rancoeur et sa colère vis à vis de la justice. Les deux protagonistes se retrouvent dans un bar et cela n'est pas sans rappeler le cadre de La Chute, ainsi que le procédé retenu, celui du monologue qui illustre sûrement la solitude tragique du personnage.
         Daoud est imprégné du style de Camus: ses phrases sont simples, le vocabulaire réduit; on retrouve des analogies de situation entre les deux romans: "l'idée me traversa que je pouvais enfin aller au cinéma ou nager avec une femme." (p.87) Bien sûr, l'auteur cite en italiques des passages de L'Etranger (1942) en les modifiant légèrement. On le sent très imprégné de l'oeuvre de Camus.
        Ce roman un peu particulier peut intéresser tous ceux qui ont lu Camus et apprécié L'Etranger et son apparente simplicité.

Le cercle des femmes, Sophie Brocas, 2014, Julliard

         Lors du décès d'Alice, Lia, son arrière-petite fille,  entreprend avec sa mère prénommée Agnès et sa grand-mère Solange des rangements dans la maison familiale."D'une énième boite à chaussures" glissée sous une grande armoire,
       Lia va extraire des lettres de son aïeule révélant ce que l'on appelle volontiers "un secret de famille". La jeune fille va aller de révolte en révolte et finira par prendre en main le cours de sa vie et rompre ainsi la malédiction qui pesait sur les femmes de la famille.
       Ce roman est d'une lecture aisée,l'idée de l'intrigue est intéressante, les personnages sont attachants, mais j'ai néanmoins un regret de taille: le style est plat, ne semble pas travaillé. Il s'agit d'un premier roman recommandé par un libraire..

La maman des poissons, Lucie Albon, 2014, édition Fleur de Ville

      Je suis une grand-mère comblée! et j'ai le bonheur d'avoir certains de nos
petits-enfants pas loin et de pouvoir emmener un grand (3 ans!), Sasha, à la bibliothèque le mercredi matin. Nous sommes allés tous deux à l'heure du conte -c'était peut-être moi la plus excitée!)  et je ne résiste pas au plaisir de vous présenter un livre d'enfant:

     maman poisson va pondre bientôt ses petits œufs et cherche désespérément un lieu pour qu'ils soient bien protégés. Elle va se renseigner auprès des autres mamans de la mer. Livre sur l'amour maternel joliment illustré d'aquarelles..

    à partir de 18 mois