Lucie Desbordes a choisi la forme du carnet pour nous raconter une partie de la vie de cette femme peu connue actuellement mais qui fut honorablement célébrée de son temps; contemporaine de Verlaine, Marceline a principalement écrit de la poésie, mais elle s'est essayée à de nombreuses formes littéraires, comme les contes, les contes pour enfants, la nouvelle, le roman... sauf le carnet, la forme du journal intime.
J'ai cru au début de ma lecture que Lucie Desbordes s'était inspirée d'un carnet retrouvé: et non, il s'agit d'une production originale, bien maîtrisée, qui utilise bien sûr les procédés littéraires de l'époque romantique: une écriture expressive avec l'emploi de nombreuses exclamatives "Je l'ai laissé...ses bras autour de mon cou!Qu'il m'a fallu de courage et de force pour m'arracher à lui!" (p.100) ou, dans un tout autre domaine: "Chatterton (pièce d'Alfred de Vigny) vient d'être joué ici sans succès. Pourtant, quelle admirable chose! Quel coin du ciel que cette dernière création!" (p.135)
Marceline ne correspond pas du tout à l'image que j'avais d'elle à travers les poèmes appris quand j'étais petite fille (je suis d'une génération qui la lisait encore!); c'est une femme éprouvée par la vie certes, car elle va perdre trois enfants très jeunes et elle aura la douleur d'enterrer ses deux filles, Inès et Ondine mortes à l'aube de leur vie adulte. Mais c'est une combative, une courageuse qui soutiendra son mari dans les épreuves. Elle aura des amants et elle souffrira de leurs infidélités.
Cette poétesse a parfois des accents du Verlaine de Sagesse:
Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle,
Non d'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.
J'ai lu dans le Magazine littéraire une appréciation très positive de ce premier roman de notre jeune Lucie Desbordes dont je suis heureuse de saluer le travail!
Ceux qui ne connaissent pas ou peu Marceline Desbordes-Valmore auront le plaisir de lire de nombreux extraits de sa poésie et de pouvoir ainsi avoir une première approche de cet écrivain revisité.
jeudi 17 novembre 2016
jeudi 10 novembre 2016
La part des flammes, Gaëlle Nohant, 2015, éditions Héloïse d'Ormesson, Le livre de poche, 545 pages.
1897: au Bazar de la Charité, un incendie aussi gigantesque que soudain embrase le local où a lieu cette grande braderie destinée à soulager les "miséreux". Des dames de la haute société parisienne et des jeunes filles venues les aider dans cette oeuvre charitable vont mourir en grand nombre dans les flammes. Ceci appartient au réel.
De ce roman passionnant émergent plusieurs personnages héroïques pour plusieurs raisons. Un seul a vraiment existé: la duchesse d'Alençon, sœur de "Sissi", qui périra dans le brasier. D'autres femmes imaginées par la romancière vont être gravement brûlées mais auront la vie sauve.Mais tous les personnages ne sont pas aussi altruistes ou généreux!!!
Le rythme du roman est haletant et on a du mal à s'arracher à la lecture car on s'intéresse au sort de Violaine ou de Constance ou encore au cocher Joseph. Le contexte historique est fort bien dressé. Il est question d'une époque révolue, mais si la société a évolué, il n'en reste pas moins que les caractères et la nature humaine restent sensiblement les mêmes au XXI ème siècle.
Il est parfois question des vers de Verlaine et de Marceline Desbordes-Valmore: cela m'a amusée, car mon prochain article concerne cette poétesse et un tout nouveau roman écrit avec sensibilité sur elle: rendez-vous sur le blog la semaine prochaine!
Ce livre a reçu le prix des lecteurs Le livre de Poche 2016.
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur: elle est très intéressante à écouter et j'attends avec impatience son prochain roman!
De ce roman passionnant émergent plusieurs personnages héroïques pour plusieurs raisons. Un seul a vraiment existé: la duchesse d'Alençon, sœur de "Sissi", qui périra dans le brasier. D'autres femmes imaginées par la romancière vont être gravement brûlées mais auront la vie sauve.Mais tous les personnages ne sont pas aussi altruistes ou généreux!!!
Le rythme du roman est haletant et on a du mal à s'arracher à la lecture car on s'intéresse au sort de Violaine ou de Constance ou encore au cocher Joseph. Le contexte historique est fort bien dressé. Il est question d'une époque révolue, mais si la société a évolué, il n'en reste pas moins que les caractères et la nature humaine restent sensiblement les mêmes au XXI ème siècle.
Il est parfois question des vers de Verlaine et de Marceline Desbordes-Valmore: cela m'a amusée, car mon prochain article concerne cette poétesse et un tout nouveau roman écrit avec sensibilité sur elle: rendez-vous sur le blog la semaine prochaine!
Ce livre a reçu le prix des lecteurs Le livre de Poche 2016.
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur: elle est très intéressante à écouter et j'attends avec impatience son prochain roman!
On a toujours besoin d'un rhinocéros chez soi, Shel Silverstein, 2015, Grasset jeunesse.
Auteur américain de livres pour enfants, Shel Siverstein faisait partie des artistes possédant de multiples facettes:auteur d'album pour enfants, poète, acteur, réalisateur...Il m'amuse avec son humour un peu particulier et ce rhinocéros presque familier peut réjouir les petits et nous faire sourire.
Son coup de crayon est sobre mais parlant: on est dans le noir et blanc, sauf sur la première de couverture.
Amusant à partir de 3 ans
Son coup de crayon est sobre mais parlant: on est dans le noir et blanc, sauf sur la première de couverture.
Amusant à partir de 3 ans
jeudi 3 novembre 2016
Les chaussures italiennes, Henning Mankell,2009, Seuil, Points, 373 pages.
Les amateurs de romans policiers connaissent certainement cet écrivain suédois né en 1948 et décédé en octobre 2015 avant la parution d'un autre roman qui nous rappelle également l'art de chausser, Les bottes suédoises!
L'essentiel du roman se passe dans une île suédoise. Le narrateur-personnage, déjà âgé, s'est retiré dans cette demeure plus qu'isolée après un événement grave que nous apprendrons par la suite et qui a créé cette première rupture dans sa vie. Il vit donc seul avec vieux chien et vieux chat et n'a pour visite que celle du facteur de l'archipel. Il le reçoit toujours sur son ponton et personne ne pénètre dans sa maison qu'une fourmilière est en train de coloniser: s'agit-il d'une métaphore de son engluement?
En quatre mouvements intitulés "La glace", "La forêt", "La mer", "Solstice d'hiver", sa vie va être bouleversée par des intrusions dans sa vie érémitique. Des apparitions vont l'obliger à sortir de cette solitude , sorties non choisies mais qui seront la source de profonds changements.
Les relations entre les personnages sont vraies et puissantes à l'instar du paysage qui les entoure. La Suède est évoquée de manière sensible et poétique: "Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n'attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer?" (p. 140) ou, à propos des noms des îles ou des îlots, en particulier les îlots qu'on appelle Les Soupirs: "Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas?" (p.240)
Le titre s'explique environ au milieu du roman, mais je le trouve néanmoins curieux.
J'ai beaucoup aimé ce livre pudique, parfois lyrique, et qui se lit très vite!
L'essentiel du roman se passe dans une île suédoise. Le narrateur-personnage, déjà âgé, s'est retiré dans cette demeure plus qu'isolée après un événement grave que nous apprendrons par la suite et qui a créé cette première rupture dans sa vie. Il vit donc seul avec vieux chien et vieux chat et n'a pour visite que celle du facteur de l'archipel. Il le reçoit toujours sur son ponton et personne ne pénètre dans sa maison qu'une fourmilière est en train de coloniser: s'agit-il d'une métaphore de son engluement?
En quatre mouvements intitulés "La glace", "La forêt", "La mer", "Solstice d'hiver", sa vie va être bouleversée par des intrusions dans sa vie érémitique. Des apparitions vont l'obliger à sortir de cette solitude , sorties non choisies mais qui seront la source de profonds changements.
Les relations entre les personnages sont vraies et puissantes à l'instar du paysage qui les entoure. La Suède est évoquée de manière sensible et poétique: "Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n'attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer?" (p. 140) ou, à propos des noms des îles ou des îlots, en particulier les îlots qu'on appelle Les Soupirs: "Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas?" (p.240)
Le titre s'explique environ au milieu du roman, mais je le trouve néanmoins curieux.
J'ai beaucoup aimé ce livre pudique, parfois lyrique, et qui se lit très vite!
jeudi 27 octobre 2016
Abraham et fils, Martin Winckler, 2016, P.O.L, 565 pages.
Ce gros roman se lit très aisément
grâce à une intrigue bien montée et des personnages attachants.
Il y a plusieurs narrateurs dans
ce livre : le premier, facile à identifier, est Franz, fils
d’Abraham. Ce jeune garçon arrive avec
son père dans une petite ville de province en 1963. Le père vient de reprendre
un cabinet de médecin. Le père et le fils sont d’emblée fort sympathiques. Le
garçon a subi un gros traumatisme dont il a oublié les circonstances que nous
découvrirons au fil de la lecture. Sa
mère est absente, on suppose qu’elle est morte.
L’autre voix est plus intrigante.
Un « je » apparaît à la page 75 : « je pense qu’un homme
n’est pas fait pour vivre seul » ou page 114 : « Je les ai
vus tous trois.. » L’identification de ce deuxième narrateur s’opère à la
fin du roman. C’est ce que je pense être une des faiblesses du roman, car ce n'est pas crédible.
Franz m'a beaucoup plu comme personnage: c'est un intuitif, assez solitaire au début; scolairement brillant, il lui faut s’affirmer face aux jaloux. Il est passionné de lecture (comme je le comprends!) et dévore tout les invendus de la librairie de la bourgade et tous les livres de la petite bibliothèque.
La lecture lui permet de répondre à certaines de ses interrogations mais suscite aussi nombre de questions, entre autres celle de la mort: "...je suis en train de lire qu'un personnage est blessé et meurt, sans qu'on sache pourquoi.
La lecture lui permet de répondre à certaines de ses interrogations mais suscite aussi nombre de questions, entre autres celle de la mort: "...je suis en train de lire qu'un personnage est blessé et meurt, sans qu'on sache pourquoi.
Enfin, dans les livres, je sais pourquoi. Parce que la personne qui a écrit ce livre a choisi de faire comme ça. Moi, il y en a que je n'aurais pas laissé mourir." (p. 282)
En furetant dans leur vieille maison, il va découvrir un mystérieux carnet... qui contient de magnifiques lettres d'amour. Cette découverte va permettre la résolution d'une énigme qui aurait pu s'avérer douloureuse.
Deux personnages féminins
interviennent et jouent en quelque sorte le rôle des bonnes fées : Claire
Delisse (quel nom approprié !) et sa fille Luciane, un peu plus âgée que
Franz. On passe un bon moment en lisant les aventures de ces quatre
personnages.
Winckler est sûrement un
écrivain imprégné de culture classique. On retrouve des échos de Rimbaud et
bien sûr de tous les auteurs cités à la fin de son ouvrage. J’ai apprécié son style à la fois
classique dans sa syntaxe mais également contemporain pour la fluidité de la
langue.
A suivre! nous dit l'auteur... sous le titre alléchant: Les Histoires de Franz.
jeudi 13 octobre 2016
Le chagrin des vivants, Anna Hope,2016 pour la traduction française, Gallimard, 384 pages.
Ce premier roman
traduit de l’anglais narre à travers le point de vue de trois femmes les jours qui précédèrent
l’arrivée en Angleterre du cercueil du « Soldat inconnu » et la
journée d’accueil du cortège funéraire, journée vécue par toute la nation. Les
protagonistes sont donc Ada, qui a perdu son fils Michael, Evelyn qui n’a plus
de fiancé mort pendant la guerre, et Hettie dont la vie a été bouleversée par le retour
d’un frère profondément perturbé.
Sont insérés
en italiques les passages relatant tout d’abord la recherche par les autorités militaires anglaises d’un cadavre non
identifié et non identifiable, puis les points de vue d’autres personnages
anonymes : une veuve avec son fils par exemple, une famille. Cette mise à
distance par l’anonymat permet d'accroître la portée de cette venue, de
comprendre davantage l’émotion soulevée par l’évènement.
Le récit est
parfois un peu long (maladresse de premier roman ?), mais il contient des
passages magnifiques et très émouvants ; par exemple, page 281, un passage
concernant Jack, le mari d’Ada. Ils ont donc perdu un fils et Ada ne vit que
dans le souvenir. Son deuil n’est pas fait, mais une femme va l’aider à
avancer : « Regardez votre mari, dit la femme. Voyez ce que vous y
trouvez. Il vit. Il est vivant. Il veut être vu. »
De même, la
tendresse de Dora, petite fille qui va calmer son père lors d’une de ses crises
d’angoisse : « Mon papa ?
Il tremble
violemment à présent, pourtant elle grimpe sur se genoux et lui passe les bras
autour du cou. Elle este assise là, les bras serrés autour de lui, attendant
qu’il s’immobilise. » (Page 287)
Le titre s’explique
lorsque la foule se rassemble le 11 novembre 1920 autour du cercueil du Soldat Inconnu, comme une communion : « Son fils n’est pas à l’intérieur de
cette boite. Et pourtant elle n’est pas vide, elle est pleine d’un chagrin
retentissant : le chagrin des vivants. » (page 364)
Les personnages
féminins sont très émouvants. Ils sont tous éprouvés par la perte d’un être
cher et cherchent à survivre.
Ce roman bien
documenté est intéressant également pour l’éclairage historique apporté sur
cette période.
Roman agréable à
lire et touchant !
jeudi 6 octobre 2016
L'archipel d'une autre vie, Andreï Makine, L'archipel d'une autre vie, Seuil, août 2016, 283 pages.
Makine, élu à l'Académie Française en mars dernier, sera reçu sous la Coupole le 15 décembre. Célèbre depuis la parution de son roman Le testament français (prix Goncourt et prix.Médicis en 1995..), ce romancier sibérien, naturalisé français en 1996, nous propose en cette rentrée littéraire un roman éblouissant avec L'archipel d'une autre vie:
Il met en scène un adolescent qui est un peu lui-même, revenant aux confins de l'Extrême Orient russe sur les traces de son enfance, enfant de prisonniers, n'ayant que peu de souvenirs de sa mère. Cet adolescent va suivre "un homme à capuche" qui va s'avérer être le héros de ce roman, Pavel Gartsev, que Makine a réellement connu.
L''histoire démarre dans le cadre d'une simulation de Troisième Guerre Mondiale. Ces simulations seraient restées "paisibles", si une traque à l'homme, d'un criminel "armé et prêt à tuer" (page 73) n'avait été déclenchée sur le fond immense de la taïga. Ils partent à cinq, tous choisis pour des compétences différentes, en se disant que cette chasse va être rapide. Il s'avérera que le fugitif va avoir plus d'une ressource. Et cette traque va prendre pour certains une autre tournure: "Notre vie concentra une manière d'existence que tout homme aurait pu nous envier... Celui que nous poursuivions était devenu indispensable à ce bonheur simple. Car il s'agissait bien de bonheur!" (page 139).
Les hommes vont être blessés et évacués au fur et à mesure et il ne restera que Pavel derrière le fugitif. Épuisé, il tombera malade avant de découvrir l'identité de cet être mystérieux qui va le secourir...
Des pages magnifiques célèbrent la beauté sauvage de ces paysages plus que grandioses, tout particulièrement à la fin du roman lorsqu'il s'agit de l'archipel des Chantars "Une planète à part où, à quelques mètres de distance, en contournant une falaise, on changeait de mer, de ciel, de saison."
Un très beau roman,évoquant des sentiments puissants, pour l'instant mon préféré de la rentrée littéraire!
Il met en scène un adolescent qui est un peu lui-même, revenant aux confins de l'Extrême Orient russe sur les traces de son enfance, enfant de prisonniers, n'ayant que peu de souvenirs de sa mère. Cet adolescent va suivre "un homme à capuche" qui va s'avérer être le héros de ce roman, Pavel Gartsev, que Makine a réellement connu.
L''histoire démarre dans le cadre d'une simulation de Troisième Guerre Mondiale. Ces simulations seraient restées "paisibles", si une traque à l'homme, d'un criminel "armé et prêt à tuer" (page 73) n'avait été déclenchée sur le fond immense de la taïga. Ils partent à cinq, tous choisis pour des compétences différentes, en se disant que cette chasse va être rapide. Il s'avérera que le fugitif va avoir plus d'une ressource. Et cette traque va prendre pour certains une autre tournure: "Notre vie concentra une manière d'existence que tout homme aurait pu nous envier... Celui que nous poursuivions était devenu indispensable à ce bonheur simple. Car il s'agissait bien de bonheur!" (page 139).
Les hommes vont être blessés et évacués au fur et à mesure et il ne restera que Pavel derrière le fugitif. Épuisé, il tombera malade avant de découvrir l'identité de cet être mystérieux qui va le secourir...
Des pages magnifiques célèbrent la beauté sauvage de ces paysages plus que grandioses, tout particulièrement à la fin du roman lorsqu'il s'agit de l'archipel des Chantars "Une planète à part où, à quelques mètres de distance, en contournant une falaise, on changeait de mer, de ciel, de saison."
Un très beau roman,évoquant des sentiments puissants, pour l'instant mon préféré de la rentrée littéraire!

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