C'est curieux, ce choix de la romancière, de commencer un livre par les derniers jours du "personnage". Mais cela fonctionne: il s'agit d'un très grand homme du XIX ème siècle, aimé par les petits, craint par le pouvoir. Et le roman s'ouvre effectivement sur l'angoisse des politiques:"Ils ont peur déjà, le désordre vient si vite."
La foule est sous les fenêtres du poète, venant aux nouvelles "Ils lèvent les yeux vers les fenêtres fermées où ils l'ont aperçu, déjà, debout, saluant, ils palpent l'absence, le silence, la mort qui oeuvre à l'intérieur et les laisse vivants, vaguement effarés, avec ou sans chapeau, avec ou sans rang, comme des personnages en quête d'auteur." (p.11)
Plusieurs enjeux autour de cette mort annoncée: l'agonie est longue, mais l'Eglise aimerait pouvoir assister cet homme qui a refusé toute présence de prêtre. "Chacun tire le mourant pour le faire tomber de son côté" (p.31). Il décédera le 22 mai 1885.
On envisage un enterrement au Panthéon, mais cela voudrait dire le séparer des membres de sa famille déjà disparus, entre autres sa chère fille Léopoldine morte noyée il y a si longtemps, de ses deux fils morts de maladie, de son frère, de sa mère, de son père. L'enterrement est prévu un lundi malgré les demandes pressantes et les lettres éplorées des "petits" qui travaillent ce jour-là. "Nous aurions voulu rendre les derniers hommages à celui que nous appelions notre Père à tous." (p.129)
L'enterrement qui prend des figures de deuil national aura bien lieu un lundi:après exposition du corps devant l'Arc de Triomphe où deux millions de personnes sont venues se recueillir, la foule se presse sur le passage du cortège, les balcons se louent à prix d'or, la moindre marche d'escabeau est prise d’assaut, on escalade les arbres pour les plus agiles. Anarchistes et révolutionnaires défilent également, mais la police a supprimé tous les drapeaux noirs ou rouges. L'un d'entre eux portait les vers d' Hugo, Le peuple a sa colère et le volcan sa lave qui dévaste d'abord et qui féconde après. Ce drapeau a disparu mystérieusement... Sur le trajet, le narrateur évoque les sentiments paradoxaux du peuple "ils avaient le cœur serré au passage du peuple, mais ensuite ils riaient, applaudissaient, on lisait sur les visages une joie à peine secrète, une joie funèbre [...]" (p.234) "on fêta Hugo, cet acharné de l'abolition" (p.241)
En effet, nous avons tous des exemples en tête des combats d'Hugo: contre la peine de mort, la misère à Paris, le travail des enfants, l'esclavage sous toutes ses formes...
Merci à Hugo pour Gavroche, Fantine, Cosette, "l'homme qui rit" mais aussi Ruy Blas, Hernani, "le banni, le proscrit", et peut-être, plus touchant encore, pour les vers inspirés par le souvenir aimant de Léopoldine la fille bien-aimée du poète"Demain dès l'aube..."
Figure nationale, Victor Hugo est ici restitué dans cette dimension de façon très documentée et vivante. Un livre intéressant pour tous.
exposition: "les Hugo, une famille d'artistes"
jeudi 16 juin 2016
jeudi 9 juin 2016
"Les soleils mouillés de ces ciels brouillés", nouvelle, décembre 2014.
L’homme était parti de chez lui
au petit matin de ce 24 juin 18.., même avant l’aube. Il semblait à la fois
pressé et nonchalant. Il était vêtu
sobrement, coiffé d’un grand chapeau qui avait dû séjourner longtemps dehors,
au soleil ou sous la pluie. Il portait un grand sac qui paraissait encombrant.
On ne pouvait deviner ce qu’il transportait, car ce sac était informe. Ce
promeneur, –solitaire compte-tenu de l’heure extrêmement matinale-, marchait
sur un sentier, sorte de petite promenade qui jouxtait la grande Creuse. La
rivière était encore sombre, le vert de
son eau profonde se chargeait de gris. L’homme y jetait des
coups d’œil rapides, cherchant on ne sait quelle apparition d’ondine ou de
créature mystérieuse de l’aurore. Des lambeaux de brouillards s’effilochaient
sur les haies. La rosée perlait sur les feuilles et tout l’univers baignait
dans une atmosphère humide. Les parfums étaient encore ténus.
Le sentier bifurquait à angle droit et quittait alors le cours de la
Creuse pour se perdre dans les prés encore marqués par toute cette fraîcheur.
Le marcheur ralentit son allure, sembla
hésiter à poser son fardeau : il jetait toujours ces étranges coups d’œil
tout autour de lui mais poursuivit son
chemin. Un œil extérieur l’aurait jugé pressé, rapide, déterminé sans être
hâtif. On apercevait au loin un petit pont
en pierres qui marquait l’horizon d’une ligne courbe et dominait la rivière. Le
sentier devait y conduire après quelques détours. Ce pont pouvait être le but
de notre promeneur.
Les rayons du soleil commençaient à poindre à travers la brume matinale,
laissant comme des doigts de fée sur leur passage. Le promeneur levait la tête,
dressant l’oreille, guettant on ne
savait quel bruit … Il changea son sac d’épaule, frotta l’épaule blessée, et
hésita à poursuivre. Ce sac devait être lourd et il était vraiment volumineux,
avec des formes bizarres. Des bruits lointains se faisaient entendre
maintenant, évoquant la reprise de l’activité humaine et animale : chants
des oiseaux, voix s’interpellant, essieux grinçants… tout cela ne troublait pas
néanmoins notre marcheur promeneur qui était absorbé par la contemplation de la
rivière et de ce qui l’entourait.
Le sentier longeait à nouveau la rivière et l’homme qui avait
repris son sac sur l’épaule, intéressé par la masse d’eau sombre, avait quitté
le chemin de terre pour se diriger vers la rive. L’eau reflétait mollement les
premiers rais de lumière et prenait des teintes changeantes, semblant rouler
des secrets d’éternité ; elle n’était plus verte, ni grise, mais brune, très foncée avec des accents rougeâtres comme
les talus qui l’encadraient de toute leur hauteur ; elle impressionne par
le courant fort à ce niveau ; le pont semble à portée de main à présent et
sa masse sombre donne une dimension tourmentée au paysage. Sous le pont coule
la rivière, l’homme semble enfin avoir
trouvé le but de sa quête et il s’apprête à poser son sac.
C’est alors que des voix se rapprochent, il paraît contrarié mais pas
inquiet : deux voix se répondent, l’une jeune, enfantine, l’autre plus
grave et posée. Les passants arrivent, ils vont se croiser dans peu de temps.
Alors l’homme pose résolument son sac et attend : au détour du
chemin, il voit arriver une petite fille qui danse en marchant et un homme âgé
lui donnant la main. L’homme âgé eut un sursaut de frayeur en apercevant la
silhouette, reprit ses esprits et lança :
- - Bonjour,
Monsieur Monet !
jeudi 2 juin 2016
Maligne, Noémie Caillault, janvier 2016, Payot, 94 pages.
Il ne s'agit pas d'un roman, mais d'un témoignage écrit par une jeune femme après la découverte à 27 ans d'une tumeur de six centimètres dans le sein gauche... Elle nous rapporte les faits de manière chronologique, mais ce qui sauve( ! )son sujet, c'est qu'il soit traité avec beaucoup d'humour:
"On va vous faire une échographie et non une mammographie: on n'envoie pas des rayons pour rien, mademoiselle, vous êtes trop jeune!!!
Donc, échographie. Il m'apporte les résultats. A priori, il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Mais...
- Vous avez les seins denses, on ne voit pas très bien, on va vous faire une petite mammographie quand même.
Ah? Il y a encore dix minutes j'étais trop jeune. C'est fou comme on vieillit vite, dans un hôpital!" (p.13)
Vous avez dû repérer que le style est alerte, rapide: Noémie Caillault en a fait un spectacle qu'elle a joué pour la première fois au printemps 2015. Je ne sais pas comment elle a traité le personnage de sa mère, mais dans ce livre, elle est bien épinglée! C'est assez drôle au demeurant. Je vous renvoie au dialogue de la page 45 juste avant la première chimio. Ou, lorsque sa fille commence à perdre ses cheveux..
"Mon petit frère arrive, il voit la mèche sur la table, il lâche son portable tout neuf...mort!
- Manquait plus que ça! s'écrie ma mère. Entre ta sœur qui perd ses cheveux et toi qui pètes ton portable, ah, je suis gâtée avec vous!" (p.51)
Noémie dialogue avec sa petite voix intérieure prénommée Max qui la soutient... ainsi que quelques amis, ceux qui n'ont pas eu peur de la maladie et de la malade...
Cette jeune femme, jolie comme un cœur, que j'ai découverte lors de l'émission La Grande Librairie du jeudi 10 mai, est maintenant apparemment guérie. On lui souhaite de poursuivre sa carrière de comédienne avec succès, la même fraîcheur et le même appétit de vivre! Ce n'est néanmoins sans doute pas la révélation d'un grand écrivain: vous l'avez compris, l'intérêt est ailleurs.
"On va vous faire une échographie et non une mammographie: on n'envoie pas des rayons pour rien, mademoiselle, vous êtes trop jeune!!!
Donc, échographie. Il m'apporte les résultats. A priori, il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Mais...
- Vous avez les seins denses, on ne voit pas très bien, on va vous faire une petite mammographie quand même.
Ah? Il y a encore dix minutes j'étais trop jeune. C'est fou comme on vieillit vite, dans un hôpital!" (p.13)
Vous avez dû repérer que le style est alerte, rapide: Noémie Caillault en a fait un spectacle qu'elle a joué pour la première fois au printemps 2015. Je ne sais pas comment elle a traité le personnage de sa mère, mais dans ce livre, elle est bien épinglée! C'est assez drôle au demeurant. Je vous renvoie au dialogue de la page 45 juste avant la première chimio. Ou, lorsque sa fille commence à perdre ses cheveux..
"Mon petit frère arrive, il voit la mèche sur la table, il lâche son portable tout neuf...mort!
- Manquait plus que ça! s'écrie ma mère. Entre ta sœur qui perd ses cheveux et toi qui pètes ton portable, ah, je suis gâtée avec vous!" (p.51)
Noémie dialogue avec sa petite voix intérieure prénommée Max qui la soutient... ainsi que quelques amis, ceux qui n'ont pas eu peur de la maladie et de la malade...
Cette jeune femme, jolie comme un cœur, que j'ai découverte lors de l'émission La Grande Librairie du jeudi 10 mai, est maintenant apparemment guérie. On lui souhaite de poursuivre sa carrière de comédienne avec succès, la même fraîcheur et le même appétit de vivre! Ce n'est néanmoins sans doute pas la révélation d'un grand écrivain: vous l'avez compris, l'intérêt est ailleurs.
jeudi 26 mai 2016
Dans la nuit de Daech, Confession d'une repentie, Sophie Kasiki, avec Pauline Guéna, Robert Laffont, 2016, 236 pages.
Quelques jours avant la fête des mères, je ne peux commencer cet article sans citer la phrase en exergue du livre: "Si ma mère avait vécu plus longtemps,toute mon existence, j'en suis sûre, aurait été différente. Mais elle m'a quitté trop tôt et m,a laissé avec ce cœur inutilisé qu'aucun homme, aucune femme, n'a jamais pu remplir." En attendant la montée des eaux, Maryse Condé: belle célébration des liens mère-fille...
Ce témoignage se dévore: la narratrice, Sophie, jeune Camerounaise née en 1981, chrétienne, mariée et mère d'un petit garçon prénommé Hugo, relate sa vie en narrant son enfance heureuse pendant neuf ans avant la mort de sa mère. Elle ne se remet pas de ce deuil précoce même si elle dit avoir été sauvée par ses nièces dont elle s'est beaucoup occupée.
Elle devient éducatrice spécialisée et, dans ce métier qui la tourne vers les autres, elle retrouve des souvenirs de sa mère. Elle se dit "qu'elle serait fière de moi". (p.26) Elle rencontre Julien, est assez rapidement enceinte, a apparemment tout pour être heureuse. Mais de façon pernicieuse, la tristesse de son enfance est toujours là.
Sophie travaille dans une maison de quartier et elle rencontre les familles issues de l'immigration nord et ouest-africaine. Elle a un excellent contact avec les mères, et également avec ceux qu'elle va appeler "les petits". Progressivement l'islam va prendre la place de la religion de sa mère, "musulmane d'abord dans le secret. C'est une démarche profonde, intime, [...]"(p.37) Elle finit pas se convertir dans le plus grand secret et Julien l'apprendra par hasard. Le fossé s'élargit entre eux deux.
E t puis, trois des "petits", Idriss, Mohammed et Souleymane, partent un jour pour la Syrie sans qu'il y ait eu de "signes de radicalisation" (p.55). C'est bien sûr l’effondrement dans les familles.
Ils vont contacter Sophie qui va partir avec Hugo sous le prétexte de travailler comme bénévole dans un orphelinat en Turquie. Mais leur voyage ne s'arrêtera pas là...
C'est dans doute l'amour maternel qui va aider Sophie à surmonter toutes les épreuves rencontrées en Syrie et lui donner l'audace et le courage de la fuite.
Ce témoignage rejoint tous les échos que l'on peut avoir dans la presse ou les différents médias: sans sombrer dans la psychose, il nous redit la nécessité de la vigilance et l'urgence de l'action, chacun à sa place.
Ce témoignage se dévore: la narratrice, Sophie, jeune Camerounaise née en 1981, chrétienne, mariée et mère d'un petit garçon prénommé Hugo, relate sa vie en narrant son enfance heureuse pendant neuf ans avant la mort de sa mère. Elle ne se remet pas de ce deuil précoce même si elle dit avoir été sauvée par ses nièces dont elle s'est beaucoup occupée.
Elle devient éducatrice spécialisée et, dans ce métier qui la tourne vers les autres, elle retrouve des souvenirs de sa mère. Elle se dit "qu'elle serait fière de moi". (p.26) Elle rencontre Julien, est assez rapidement enceinte, a apparemment tout pour être heureuse. Mais de façon pernicieuse, la tristesse de son enfance est toujours là.
Sophie travaille dans une maison de quartier et elle rencontre les familles issues de l'immigration nord et ouest-africaine. Elle a un excellent contact avec les mères, et également avec ceux qu'elle va appeler "les petits". Progressivement l'islam va prendre la place de la religion de sa mère, "musulmane d'abord dans le secret. C'est une démarche profonde, intime, [...]"(p.37) Elle finit pas se convertir dans le plus grand secret et Julien l'apprendra par hasard. Le fossé s'élargit entre eux deux.
E t puis, trois des "petits", Idriss, Mohammed et Souleymane, partent un jour pour la Syrie sans qu'il y ait eu de "signes de radicalisation" (p.55). C'est bien sûr l’effondrement dans les familles.
Ils vont contacter Sophie qui va partir avec Hugo sous le prétexte de travailler comme bénévole dans un orphelinat en Turquie. Mais leur voyage ne s'arrêtera pas là...
C'est dans doute l'amour maternel qui va aider Sophie à surmonter toutes les épreuves rencontrées en Syrie et lui donner l'audace et le courage de la fuite.
Ce témoignage rejoint tous les échos que l'on peut avoir dans la presse ou les différents médias: sans sombrer dans la psychose, il nous redit la nécessité de la vigilance et l'urgence de l'action, chacun à sa place.
vendredi 20 mai 2016
Odyssées.... d'hier et d'aujourd'hui
A première vue, il n'y pas grand chose en commun entre ces deux ouvrages: l'un est un "classique" du VIIème siècle av. J.C. que l'on ne présente plus, dans une traduction versifiée par un grand poète contemporain, Philippe Jaccottet, à l'immense culture humaniste..
L'autre est le récit des aventures réelles et proches de nous dans le temps d'un jeune garçon de 11 ans, né hazara, ethnie persécutée en Afghanistan ; il est livré à lui-même car sa mère espère lui sauver la vie en l'abandonnant de l'autre côté de la frontière, au Pakistan. Durant 5 ans, il va parcourir l'Iran, la Turquie, la Grèce pour aboutir en Italie. Un éducateur italien s'est intéressé à lui et a recueilli son témoignage, hors du commun. On peut se dire qu'Enaiat a eu "beaucoup de chance", car il a échappé lors de son périple à la prostitution, la torture ou la mort... comme Ulysse avait échappé à la noyade, à la transformation en pourceau, à la mort de multiples fois...
Le point commun, vous l'avez deviné, c'est qu'il s'agit dans les deux cas du" récit d'un voyage rempli d'aventures". (définition du mot odyssée dans le petit Robert)
L'Odyssée d'Homère est sous-tendue par une règle de vie: votre valeur humaine se mesure à votre capacité à recevoir l'autre, à accueillir l'autre. Il s'agit aussi d'un véritable hymne à la famille.
L'odyssée narrée par Fabio Geda relate sans amertume les péripéties du petit Enaiat qui garde en mémoire les trois recommandations de sa mère: ne pas prendre de drogue, ne pas utiliser d'armes, donc ne pas tuer, et ne pas voler: "Tu gagneras l'argent dont tu as besoin en travaillant, même si la tâche est pénible. Tu n'escroqueras personne non plus. Tu te montreras accueillant et tolérant envers tous. Promets- moi que tu le feras." (p.12). il s'agit bien d'un testament!
Le style homérique est caractérisé par ses images; l'une des plus célèbres est celle-ci:"la fille du matin, l'aube aux doigts roses"mais nous pouvons citer également Nausicaa, "la princesse à figure d'Immortelle", "la princesse aux bras très blancs".
Dans la mer il y a des crocodiles ne vise pas les effets rhétoriques mais nous touche grâce à la personnalité du jeune héros.
jeudi 12 mai 2016
Mirage, Douglas Kennedy, 2015, Belfond, 426 pages.
Après la lecture du roman D'après une histoire vraie, et surtout après celle du livre si émouvant L'été d' Agathe, j'ai vraiment eu besoin et envie de lire quelque chose de plus léger, de tellement fictionnel que l'on y respire mieux!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
jeudi 5 mai 2016
L'été d'Agathe, Didier Pourquery, Grasset, 2016, 193 pages.
Didier Pourquery est journaliste et a été rédacteur en chef de plusieurs titres de presse, dont Libération et Le Monde. Il a déjà publié des essais et un roman, mais ce livre est bien autre chose.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
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