Destiny, c'est le nom d'une femme "jeune, noire, enceinte" qui peine dans un couloir de métro parisien; Anne, jeune grand-mère affairée, prend le temps de s'arrêter et va accompagner sur un bout de sa vie cette femme originaire d'un pays d'Afrique de l'Ouest, venue en Europe sur une promesse d'emploi mensongère.
Ce livre s'intitule "récit" et non pas roman: il y a un parfum d'authenticité, de situations vécues, de réalité. Le personnage de Destiny est un symbole: il représente ces femmes qui laissent leurs enfants à la garde de leur famille au pays, pensant trouver l'Eldorado et qui vont ensuite errer de galère en galère...
Son histoire est racontée par Anne à la troisième personne,et Pierrette Fleutiaux nous rapporte les pensées, les sentiments parfois contradictoires, souvent violents qui agitent Anne, un peu perdue dans la vie de Destiny, cherchant désespérément la meilleure façon d'aider cette jeune mère: "une vie de patachon"?"une vie de polochon"? "et bien plutôt une vie de fétu de paille, qui s'accroche comme il peut à ce qui le sauve dans l'instant." (p.125)
Comment agir? se demande Anne: le chapitre 56 évoque les divers visages de la Pauvreté et l'impuissance d'Anne à régler tous les problèmes qu'elle rencontre; "elle pourrait", "elle aurait pu"...
Ce qui est très beau dans cette histoire, c'est la force de caractère de Destiny, persuadée d'avoir un "destin"... et également la rencontre entre ces deux femmes qui pourront établir une relation certes ténue mais réelle, par cette fragile communication en anglais, par les gestes posés par Anne, petits ou grands et par cette forme d'amitié respectueuse qui naîtra entre elles deux.
Le récit est sobre, sans pathos comme il convient: l'évocation de la pauvreté qu'elle soit morale ou autre suffit à nous toucher.
jeudi 29 décembre 2016
jeudi 22 décembre 2016
Ce que je sais de Vera Candida, Véronique Ovaldé, 2009, éditions de l'Olivier, 293 pages.
Après avoir vu en décembre Véronique Ovaldé sur le plateau de La Grande Librairie, j'ai eu envie de découvrir son oeuvre: j'avais lu La grâce des brigands en 2013 sans être véritablement sous le charme... mais j'ai trouvé l'auteur pétillante et pondérée, pertinente à l'écran sans être pontifiante.
J'ai emprunté dans ma médiathèque préférée un des romans plus anciens de Véronique Ovaldé et j'ai passé un excellent moment en compagnie de Vera Candida:le prologue du roman nous présente
l' héroïne éponyme retournant à Vatapuna, son pays natal? à quarante ans.
Il s'agit d'une histoire de femmes, de mères plus exactement, de grossesses plus ou moins désirées (plutôt moins que plus d'ailleurs) mais accomplies. Vera est élevée par sa grand-mère Rose qui a eu tardivement une fille prénommée Violette, un peu simplette, dont le père est une sorte de bandit, Jéronimo.
Au-delà de la symbolique des prénoms, ce qui est plaisant, c'est la force mentale de ses femmes qui résistent aux tourments de leurs vies plutôt ballottées, leur désir de transmettre cet élan de vie; ceci est particulièrement vrai pour Vera dont la vie tumultueuse nous est retracée dans les quatre parties de ce livre bien structuré.
J'ai apprécié le style à la fois élégant et clair, maniant prosaïsme et parfois une forme de poésie comme dans l'expression "goûtant la fraîcheur pourpre (les bougainvillées qui mangent les façades des bâtiments de la place)" page 124.
Ce roman a été couronné par plusieurs prix dont le Prix Renaudot des lycéens en 2009 et le grand prix des lectrices de ELLE en 2010. Je me promets de lire le cru 2016 au titre alléchant, Soyez imprudents les enfants.
J'ai emprunté dans ma médiathèque préférée un des romans plus anciens de Véronique Ovaldé et j'ai passé un excellent moment en compagnie de Vera Candida:le prologue du roman nous présente
l' héroïne éponyme retournant à Vatapuna, son pays natal? à quarante ans.
Il s'agit d'une histoire de femmes, de mères plus exactement, de grossesses plus ou moins désirées (plutôt moins que plus d'ailleurs) mais accomplies. Vera est élevée par sa grand-mère Rose qui a eu tardivement une fille prénommée Violette, un peu simplette, dont le père est une sorte de bandit, Jéronimo.
Au-delà de la symbolique des prénoms, ce qui est plaisant, c'est la force mentale de ses femmes qui résistent aux tourments de leurs vies plutôt ballottées, leur désir de transmettre cet élan de vie; ceci est particulièrement vrai pour Vera dont la vie tumultueuse nous est retracée dans les quatre parties de ce livre bien structuré.
J'ai apprécié le style à la fois élégant et clair, maniant prosaïsme et parfois une forme de poésie comme dans l'expression "goûtant la fraîcheur pourpre (les bougainvillées qui mangent les façades des bâtiments de la place)" page 124.
Ce roman a été couronné par plusieurs prix dont le Prix Renaudot des lycéens en 2009 et le grand prix des lectrices de ELLE en 2010. Je me promets de lire le cru 2016 au titre alléchant, Soyez imprudents les enfants.
jeudi 15 décembre 2016
L'ombre de nos nuits, Gaëlle Josse,
Roman entre Lunéville en 1639 et Rouen en 2014...
A Lunéville deux narrateurs: le peintre Maître de la Tour et son deuxième apprenti, doué et reconnaissant envers l'homme qui l'a recueilli alors qu’il était dans la détresse. Ils nous racontent la genèse du tableau actuellement au musée des Beaux-Arts de Rouen, Saint Sébastien soigné par Irène. "Il ne lui en restera qu'une flèche, dans la cuisse, celle qu’Irène cherchera à lui retirer. Toute la lumière se concentrera autour des mains de la jeune fille et de ce trait, et l'essentiel sera ce visage de la compassion, d'intense attention que montrera Irène .Le visage de Claude, mon aînée, sera à même d'épouser cette expression. Elle lui est naturelle." (P.41)
A Rouen, une narratrice, une femme, éperdument amoureuse d'un homme marié soit disant sur le point de divorcer... mais l'amour n'est pas vraiment équilibré dans ce couple et vite la jeune femme souffre...
Le lien entre les deux parties ne saute pas aux yeux de prime abord, mais s'éclaire petit à petit.
La langue de Gaëlle Fosse est belle, fluide et nous permet de pénétrer sur la pointe des pieds dans l'univers de Georges de la Tour, ce peintre de la lumière et de l'ombre ainsi créée.
A Lunéville deux narrateurs: le peintre Maître de la Tour et son deuxième apprenti, doué et reconnaissant envers l'homme qui l'a recueilli alors qu’il était dans la détresse. Ils nous racontent la genèse du tableau actuellement au musée des Beaux-Arts de Rouen, Saint Sébastien soigné par Irène. "Il ne lui en restera qu'une flèche, dans la cuisse, celle qu’Irène cherchera à lui retirer. Toute la lumière se concentrera autour des mains de la jeune fille et de ce trait, et l'essentiel sera ce visage de la compassion, d'intense attention que montrera Irène .Le visage de Claude, mon aînée, sera à même d'épouser cette expression. Elle lui est naturelle." (P.41)
A Rouen, une narratrice, une femme, éperdument amoureuse d'un homme marié soit disant sur le point de divorcer... mais l'amour n'est pas vraiment équilibré dans ce couple et vite la jeune femme souffre...
Le lien entre les deux parties ne saute pas aux yeux de prime abord, mais s'éclaire petit à petit.
La langue de Gaëlle Fosse est belle, fluide et nous permet de pénétrer sur la pointe des pieds dans l'univers de Georges de la Tour, ce peintre de la lumière et de l'ombre ainsi créée.
dimanche 4 décembre 2016
Libertango, Frédérique Deghelt, 2016, Actes Sud, 304 pages.
Ce roman nous raconte l'histoire de Luis, handicapé de naissance, mal aimé de sa famille et qui s'échappe de ce qui l'oppresse par la musique. "La vie est à portée de notre émotion, il suffit de s'en saisir".(p.28)
Il retrace au soir de sa vie les grandes étapes qui l'ont conduit à devenir un prestigieux chef d'orchestre . Il a accepté d'être interviewé par une jeune journaliste qui l'enregistre et le filme avec délicatesse.
De très belles pages dans l'évocation de son grand amour Émilie, musicienne également , et dans la constitution de son orchestre "l'orchestre du Monde", né d'un désir d'amener la musique dans des endroits improbables. Les répétitions peuvent aussi bien avoir lieu dans des terrains vagues "la beauté est cet amour où le mesurable n'est plus"(p.203) et l'orchestre se produit là où la violence et les armes résonnent.
Que signifie le mot libertango? Créé avec le mot espagnol libertad et le mot tango, ce mot-valise désigne une "musique qui incarne la mélancolie de la perte tout autant que l'extraordinaire pouvoir de renaissance des hommes" (p.278)
Un très beau roman sur la musique bien sûr, mais aussi sur le dépassement de soi et du handicap.
jeudi 1 décembre 2016
Laetitia, Ivan Jablonka, 2016,Seuil, 366 pages.
Ce document est très sérieusement renseigné, sérieux et il se lit
aisément malgré sa taille.
Mais le sujet est si grave que j’ai
trouvé néanmoins ce livre difficile à terminer. Je l’ai lu par bribes, ayant
besoin de respirer !
On sent beaucoup d’émotion chez cet auteur professeur d’histoire à la
fac, donc écrivain rigoureux. Sans aller jusqu’à parler d’identification, on
perçoit que Ivan Jablonka fait un parallèle entre les vies de Laetitia et de
Jessica sa jumelle, et la sienne et celle de sa famille. Deux vies ballotées
pour les deux sœurs, celle de Laetitia se
terminant tragiquement ! L’auteur manifeste beaucoup d’estime et
d’admiration pour Jessica qui continue à vivre pour deux. Page 334 : « Jessica a seulement
besoin de sa sœur et celle-ci repose, en six morceaux sous le marbre rose. La
gémellité est un équilibre infiniment subtil : sans la
« faible », la « forte » se retrouve perdue. »
Ce qui est véritablement dur dans ce livre, c’est bien sûr le meurtre
épouvantable de Laetitia et la personnalité de son meurtrier qui ne manifeste
jamais aucun regret, et qui se moque ouvertement des policiers et de leurs
recherches. J’ai hésité avant de le mettre sur le blog car c’est un livre qui
peut heurter. Les sensibilités trop à fleur de peau éviteront cette lecture
intéressante au demeurant, mais noire comme la couverture du livre.
jeudi 24 novembre 2016
Madeleine project Un reportage de Clara Beaudoux, 2016, éditions du sous-sol, 283 pages.
D'abord dubitative ,ensuite étonnée, et enfin intriguée, j'ai finalement été séduite par ce "reportage" inhabituel.
Clara Beaudoux est une jeune journaliste; elle emménage un jour dans un petit appartement où avait résidé une vieille dame pendant vingt ans. La dite "Madeleine" est morte une année avant le déménagement de Clara , ne laissant comme unique héritier qu'un filleul. L'appartement est vide, mais la cave est pleine!
La journaliste se lance avec l'accord du filleul dans l'exploration de cette fameuse cave qui porte le numéro 16: elle va rapidement et sans l'avoir prévu le moins du monde s'impliquer dans les découvertes des multiples objets du quotidien: après les avoir photographiés, elle va les "poster" sur Twitter tout au long de sa prospection.
Deux éléments sont remarquables, tout d'abord l'attachement progressif de Clara envers cette dame qui aurait eu 100 ans en 2015 et qu'elle tutoie dans ces messages, tentant d'élucider des petits mystères de vie comme page 50: "Il y a aussi le service à thé de Raymonde. C'est qui, Raymonde?"
Mais ce qui est peut-être encore plus étonnant, c'est l'engouement des internautes pour tous ces petits riens. Clara Beaudoux nous en livre une explication: "Ces petits détails infimes, ces microsouvenirs, ces pétales séchés, ces crayons vieillis...Toute cette beauté du quotidien, qu'on oublie souvent de regarder, pouvait se révéler. Le fait que l'infime puisse ainsi toucher tant de personnes, m'a redonné un peu confiance en ce que nous sommes, en ce que nous pouvons aimer.Je me suis accrochée à cette idée.[...]
Son histoire devint une histoire entre eux, elle et moi." (p.134)
Des correspondances s'établissent entre des remarques de Madeleine et les pensées de Clara: "Après les attentats, la phrase de Madeleine résonnait dans ma tête: "c'est réconfortant de s'aimer si bien, mon grand, surtout en ce moment."
Elle parlait de la Seconde Guerre mondiale, c'est ce que je ressentais en 2015." (page 142)
Après les deux "saisons"va se poser pour notre auteur la question de savoir que faire de ce projet;en conclusion ce "feuilleton 2.0" ou tweet-documentaire" a été publié en un recueil-reportage, reproduisant la forme initiale des tweets, comme autant de petites madeleines.
Regardez la photo de la première de couverture, notre Madeleine ne manquait pas d'humour, notre journaliste non plus comme l'atteste le nom de sa maison d'édition!
Clara Beaudoux est une jeune journaliste; elle emménage un jour dans un petit appartement où avait résidé une vieille dame pendant vingt ans. La dite "Madeleine" est morte une année avant le déménagement de Clara , ne laissant comme unique héritier qu'un filleul. L'appartement est vide, mais la cave est pleine!
La journaliste se lance avec l'accord du filleul dans l'exploration de cette fameuse cave qui porte le numéro 16: elle va rapidement et sans l'avoir prévu le moins du monde s'impliquer dans les découvertes des multiples objets du quotidien: après les avoir photographiés, elle va les "poster" sur Twitter tout au long de sa prospection.
Deux éléments sont remarquables, tout d'abord l'attachement progressif de Clara envers cette dame qui aurait eu 100 ans en 2015 et qu'elle tutoie dans ces messages, tentant d'élucider des petits mystères de vie comme page 50: "Il y a aussi le service à thé de Raymonde. C'est qui, Raymonde?"
Mais ce qui est peut-être encore plus étonnant, c'est l'engouement des internautes pour tous ces petits riens. Clara Beaudoux nous en livre une explication: "Ces petits détails infimes, ces microsouvenirs, ces pétales séchés, ces crayons vieillis...Toute cette beauté du quotidien, qu'on oublie souvent de regarder, pouvait se révéler. Le fait que l'infime puisse ainsi toucher tant de personnes, m'a redonné un peu confiance en ce que nous sommes, en ce que nous pouvons aimer.Je me suis accrochée à cette idée.[...]
Son histoire devint une histoire entre eux, elle et moi." (p.134)
Des correspondances s'établissent entre des remarques de Madeleine et les pensées de Clara: "Après les attentats, la phrase de Madeleine résonnait dans ma tête: "c'est réconfortant de s'aimer si bien, mon grand, surtout en ce moment."
Elle parlait de la Seconde Guerre mondiale, c'est ce que je ressentais en 2015." (page 142)
Après les deux "saisons"va se poser pour notre auteur la question de savoir que faire de ce projet;en conclusion ce "feuilleton 2.0" ou tweet-documentaire" a été publié en un recueil-reportage, reproduisant la forme initiale des tweets, comme autant de petites madeleines.
Regardez la photo de la première de couverture, notre Madeleine ne manquait pas d'humour, notre journaliste non plus comme l'atteste le nom de sa maison d'édition!
jeudi 17 novembre 2016
Le carnet de Marceline Desbordes-Valmore, Lucie Desbordes, 2016, Barillat, 329 pages.
Lucie Desbordes a choisi la forme du carnet pour nous raconter une partie de la vie de cette femme peu connue actuellement mais qui fut honorablement célébrée de son temps; contemporaine de Verlaine, Marceline a principalement écrit de la poésie, mais elle s'est essayée à de nombreuses formes littéraires, comme les contes, les contes pour enfants, la nouvelle, le roman... sauf le carnet, la forme du journal intime.
J'ai cru au début de ma lecture que Lucie Desbordes s'était inspirée d'un carnet retrouvé: et non, il s'agit d'une production originale, bien maîtrisée, qui utilise bien sûr les procédés littéraires de l'époque romantique: une écriture expressive avec l'emploi de nombreuses exclamatives "Je l'ai laissé...ses bras autour de mon cou!Qu'il m'a fallu de courage et de force pour m'arracher à lui!" (p.100) ou, dans un tout autre domaine: "Chatterton (pièce d'Alfred de Vigny) vient d'être joué ici sans succès. Pourtant, quelle admirable chose! Quel coin du ciel que cette dernière création!" (p.135)
Marceline ne correspond pas du tout à l'image que j'avais d'elle à travers les poèmes appris quand j'étais petite fille (je suis d'une génération qui la lisait encore!); c'est une femme éprouvée par la vie certes, car elle va perdre trois enfants très jeunes et elle aura la douleur d'enterrer ses deux filles, Inès et Ondine mortes à l'aube de leur vie adulte. Mais c'est une combative, une courageuse qui soutiendra son mari dans les épreuves. Elle aura des amants et elle souffrira de leurs infidélités.
Cette poétesse a parfois des accents du Verlaine de Sagesse:
Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle,
Non d'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.
J'ai lu dans le Magazine littéraire une appréciation très positive de ce premier roman de notre jeune Lucie Desbordes dont je suis heureuse de saluer le travail!
Ceux qui ne connaissent pas ou peu Marceline Desbordes-Valmore auront le plaisir de lire de nombreux extraits de sa poésie et de pouvoir ainsi avoir une première approche de cet écrivain revisité.
J'ai cru au début de ma lecture que Lucie Desbordes s'était inspirée d'un carnet retrouvé: et non, il s'agit d'une production originale, bien maîtrisée, qui utilise bien sûr les procédés littéraires de l'époque romantique: une écriture expressive avec l'emploi de nombreuses exclamatives "Je l'ai laissé...ses bras autour de mon cou!Qu'il m'a fallu de courage et de force pour m'arracher à lui!" (p.100) ou, dans un tout autre domaine: "Chatterton (pièce d'Alfred de Vigny) vient d'être joué ici sans succès. Pourtant, quelle admirable chose! Quel coin du ciel que cette dernière création!" (p.135)
Marceline ne correspond pas du tout à l'image que j'avais d'elle à travers les poèmes appris quand j'étais petite fille (je suis d'une génération qui la lisait encore!); c'est une femme éprouvée par la vie certes, car elle va perdre trois enfants très jeunes et elle aura la douleur d'enterrer ses deux filles, Inès et Ondine mortes à l'aube de leur vie adulte. Mais c'est une combative, une courageuse qui soutiendra son mari dans les épreuves. Elle aura des amants et elle souffrira de leurs infidélités.
Cette poétesse a parfois des accents du Verlaine de Sagesse:
Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle,
Non d'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.
J'ai lu dans le Magazine littéraire une appréciation très positive de ce premier roman de notre jeune Lucie Desbordes dont je suis heureuse de saluer le travail!
Ceux qui ne connaissent pas ou peu Marceline Desbordes-Valmore auront le plaisir de lire de nombreux extraits de sa poésie et de pouvoir ainsi avoir une première approche de cet écrivain revisité.
jeudi 10 novembre 2016
La part des flammes, Gaëlle Nohant, 2015, éditions Héloïse d'Ormesson, Le livre de poche, 545 pages.
1897: au Bazar de la Charité, un incendie aussi gigantesque que soudain embrase le local où a lieu cette grande braderie destinée à soulager les "miséreux". Des dames de la haute société parisienne et des jeunes filles venues les aider dans cette oeuvre charitable vont mourir en grand nombre dans les flammes. Ceci appartient au réel.
De ce roman passionnant émergent plusieurs personnages héroïques pour plusieurs raisons. Un seul a vraiment existé: la duchesse d'Alençon, sœur de "Sissi", qui périra dans le brasier. D'autres femmes imaginées par la romancière vont être gravement brûlées mais auront la vie sauve.Mais tous les personnages ne sont pas aussi altruistes ou généreux!!!
Le rythme du roman est haletant et on a du mal à s'arracher à la lecture car on s'intéresse au sort de Violaine ou de Constance ou encore au cocher Joseph. Le contexte historique est fort bien dressé. Il est question d'une époque révolue, mais si la société a évolué, il n'en reste pas moins que les caractères et la nature humaine restent sensiblement les mêmes au XXI ème siècle.
Il est parfois question des vers de Verlaine et de Marceline Desbordes-Valmore: cela m'a amusée, car mon prochain article concerne cette poétesse et un tout nouveau roman écrit avec sensibilité sur elle: rendez-vous sur le blog la semaine prochaine!
Ce livre a reçu le prix des lecteurs Le livre de Poche 2016.
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur: elle est très intéressante à écouter et j'attends avec impatience son prochain roman!
De ce roman passionnant émergent plusieurs personnages héroïques pour plusieurs raisons. Un seul a vraiment existé: la duchesse d'Alençon, sœur de "Sissi", qui périra dans le brasier. D'autres femmes imaginées par la romancière vont être gravement brûlées mais auront la vie sauve.Mais tous les personnages ne sont pas aussi altruistes ou généreux!!!
Le rythme du roman est haletant et on a du mal à s'arracher à la lecture car on s'intéresse au sort de Violaine ou de Constance ou encore au cocher Joseph. Le contexte historique est fort bien dressé. Il est question d'une époque révolue, mais si la société a évolué, il n'en reste pas moins que les caractères et la nature humaine restent sensiblement les mêmes au XXI ème siècle.
Il est parfois question des vers de Verlaine et de Marceline Desbordes-Valmore: cela m'a amusée, car mon prochain article concerne cette poétesse et un tout nouveau roman écrit avec sensibilité sur elle: rendez-vous sur le blog la semaine prochaine!
Ce livre a reçu le prix des lecteurs Le livre de Poche 2016.
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur: elle est très intéressante à écouter et j'attends avec impatience son prochain roman!
On a toujours besoin d'un rhinocéros chez soi, Shel Silverstein, 2015, Grasset jeunesse.
Auteur américain de livres pour enfants, Shel Siverstein faisait partie des artistes possédant de multiples facettes:auteur d'album pour enfants, poète, acteur, réalisateur...Il m'amuse avec son humour un peu particulier et ce rhinocéros presque familier peut réjouir les petits et nous faire sourire.
Son coup de crayon est sobre mais parlant: on est dans le noir et blanc, sauf sur la première de couverture.
Amusant à partir de 3 ans
Son coup de crayon est sobre mais parlant: on est dans le noir et blanc, sauf sur la première de couverture.
Amusant à partir de 3 ans
jeudi 3 novembre 2016
Les chaussures italiennes, Henning Mankell,2009, Seuil, Points, 373 pages.
Les amateurs de romans policiers connaissent certainement cet écrivain suédois né en 1948 et décédé en octobre 2015 avant la parution d'un autre roman qui nous rappelle également l'art de chausser, Les bottes suédoises!
L'essentiel du roman se passe dans une île suédoise. Le narrateur-personnage, déjà âgé, s'est retiré dans cette demeure plus qu'isolée après un événement grave que nous apprendrons par la suite et qui a créé cette première rupture dans sa vie. Il vit donc seul avec vieux chien et vieux chat et n'a pour visite que celle du facteur de l'archipel. Il le reçoit toujours sur son ponton et personne ne pénètre dans sa maison qu'une fourmilière est en train de coloniser: s'agit-il d'une métaphore de son engluement?
En quatre mouvements intitulés "La glace", "La forêt", "La mer", "Solstice d'hiver", sa vie va être bouleversée par des intrusions dans sa vie érémitique. Des apparitions vont l'obliger à sortir de cette solitude , sorties non choisies mais qui seront la source de profonds changements.
Les relations entre les personnages sont vraies et puissantes à l'instar du paysage qui les entoure. La Suède est évoquée de manière sensible et poétique: "Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n'attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer?" (p. 140) ou, à propos des noms des îles ou des îlots, en particulier les îlots qu'on appelle Les Soupirs: "Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas?" (p.240)
Le titre s'explique environ au milieu du roman, mais je le trouve néanmoins curieux.
J'ai beaucoup aimé ce livre pudique, parfois lyrique, et qui se lit très vite!
L'essentiel du roman se passe dans une île suédoise. Le narrateur-personnage, déjà âgé, s'est retiré dans cette demeure plus qu'isolée après un événement grave que nous apprendrons par la suite et qui a créé cette première rupture dans sa vie. Il vit donc seul avec vieux chien et vieux chat et n'a pour visite que celle du facteur de l'archipel. Il le reçoit toujours sur son ponton et personne ne pénètre dans sa maison qu'une fourmilière est en train de coloniser: s'agit-il d'une métaphore de son engluement?
En quatre mouvements intitulés "La glace", "La forêt", "La mer", "Solstice d'hiver", sa vie va être bouleversée par des intrusions dans sa vie érémitique. Des apparitions vont l'obliger à sortir de cette solitude , sorties non choisies mais qui seront la source de profonds changements.
Les relations entre les personnages sont vraies et puissantes à l'instar du paysage qui les entoure. La Suède est évoquée de manière sensible et poétique: "Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n'attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer?" (p. 140) ou, à propos des noms des îles ou des îlots, en particulier les îlots qu'on appelle Les Soupirs: "Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas?" (p.240)
Le titre s'explique environ au milieu du roman, mais je le trouve néanmoins curieux.
J'ai beaucoup aimé ce livre pudique, parfois lyrique, et qui se lit très vite!
jeudi 27 octobre 2016
Abraham et fils, Martin Winckler, 2016, P.O.L, 565 pages.
Ce gros roman se lit très aisément
grâce à une intrigue bien montée et des personnages attachants.
Il y a plusieurs narrateurs dans
ce livre : le premier, facile à identifier, est Franz, fils
d’Abraham. Ce jeune garçon arrive avec
son père dans une petite ville de province en 1963. Le père vient de reprendre
un cabinet de médecin. Le père et le fils sont d’emblée fort sympathiques. Le
garçon a subi un gros traumatisme dont il a oublié les circonstances que nous
découvrirons au fil de la lecture. Sa
mère est absente, on suppose qu’elle est morte.
L’autre voix est plus intrigante.
Un « je » apparaît à la page 75 : « je pense qu’un homme
n’est pas fait pour vivre seul » ou page 114 : « Je les ai
vus tous trois.. » L’identification de ce deuxième narrateur s’opère à la
fin du roman. C’est ce que je pense être une des faiblesses du roman, car ce n'est pas crédible.
Franz m'a beaucoup plu comme personnage: c'est un intuitif, assez solitaire au début; scolairement brillant, il lui faut s’affirmer face aux jaloux. Il est passionné de lecture (comme je le comprends!) et dévore tout les invendus de la librairie de la bourgade et tous les livres de la petite bibliothèque.
La lecture lui permet de répondre à certaines de ses interrogations mais suscite aussi nombre de questions, entre autres celle de la mort: "...je suis en train de lire qu'un personnage est blessé et meurt, sans qu'on sache pourquoi.
La lecture lui permet de répondre à certaines de ses interrogations mais suscite aussi nombre de questions, entre autres celle de la mort: "...je suis en train de lire qu'un personnage est blessé et meurt, sans qu'on sache pourquoi.
Enfin, dans les livres, je sais pourquoi. Parce que la personne qui a écrit ce livre a choisi de faire comme ça. Moi, il y en a que je n'aurais pas laissé mourir." (p. 282)
En furetant dans leur vieille maison, il va découvrir un mystérieux carnet... qui contient de magnifiques lettres d'amour. Cette découverte va permettre la résolution d'une énigme qui aurait pu s'avérer douloureuse.
Deux personnages féminins
interviennent et jouent en quelque sorte le rôle des bonnes fées : Claire
Delisse (quel nom approprié !) et sa fille Luciane, un peu plus âgée que
Franz. On passe un bon moment en lisant les aventures de ces quatre
personnages.
Winckler est sûrement un
écrivain imprégné de culture classique. On retrouve des échos de Rimbaud et
bien sûr de tous les auteurs cités à la fin de son ouvrage. J’ai apprécié son style à la fois
classique dans sa syntaxe mais également contemporain pour la fluidité de la
langue.
A suivre! nous dit l'auteur... sous le titre alléchant: Les Histoires de Franz.
jeudi 13 octobre 2016
Le chagrin des vivants, Anna Hope,2016 pour la traduction française, Gallimard, 384 pages.
Ce premier roman
traduit de l’anglais narre à travers le point de vue de trois femmes les jours qui précédèrent
l’arrivée en Angleterre du cercueil du « Soldat inconnu » et la
journée d’accueil du cortège funéraire, journée vécue par toute la nation. Les
protagonistes sont donc Ada, qui a perdu son fils Michael, Evelyn qui n’a plus
de fiancé mort pendant la guerre, et Hettie dont la vie a été bouleversée par le retour
d’un frère profondément perturbé.
Sont insérés
en italiques les passages relatant tout d’abord la recherche par les autorités militaires anglaises d’un cadavre non
identifié et non identifiable, puis les points de vue d’autres personnages
anonymes : une veuve avec son fils par exemple, une famille. Cette mise à
distance par l’anonymat permet d'accroître la portée de cette venue, de
comprendre davantage l’émotion soulevée par l’évènement.
Le récit est
parfois un peu long (maladresse de premier roman ?), mais il contient des
passages magnifiques et très émouvants ; par exemple, page 281, un passage
concernant Jack, le mari d’Ada. Ils ont donc perdu un fils et Ada ne vit que
dans le souvenir. Son deuil n’est pas fait, mais une femme va l’aider à
avancer : « Regardez votre mari, dit la femme. Voyez ce que vous y
trouvez. Il vit. Il est vivant. Il veut être vu. »
De même, la
tendresse de Dora, petite fille qui va calmer son père lors d’une de ses crises
d’angoisse : « Mon papa ?
Il tremble
violemment à présent, pourtant elle grimpe sur se genoux et lui passe les bras
autour du cou. Elle este assise là, les bras serrés autour de lui, attendant
qu’il s’immobilise. » (Page 287)
Le titre s’explique
lorsque la foule se rassemble le 11 novembre 1920 autour du cercueil du Soldat Inconnu, comme une communion : « Son fils n’est pas à l’intérieur de
cette boite. Et pourtant elle n’est pas vide, elle est pleine d’un chagrin
retentissant : le chagrin des vivants. » (page 364)
Les personnages
féminins sont très émouvants. Ils sont tous éprouvés par la perte d’un être
cher et cherchent à survivre.
Ce roman bien
documenté est intéressant également pour l’éclairage historique apporté sur
cette période.
Roman agréable à
lire et touchant !
jeudi 6 octobre 2016
L'archipel d'une autre vie, Andreï Makine, L'archipel d'une autre vie, Seuil, août 2016, 283 pages.
Makine, élu à l'Académie Française en mars dernier, sera reçu sous la Coupole le 15 décembre. Célèbre depuis la parution de son roman Le testament français (prix Goncourt et prix.Médicis en 1995..), ce romancier sibérien, naturalisé français en 1996, nous propose en cette rentrée littéraire un roman éblouissant avec L'archipel d'une autre vie:
Il met en scène un adolescent qui est un peu lui-même, revenant aux confins de l'Extrême Orient russe sur les traces de son enfance, enfant de prisonniers, n'ayant que peu de souvenirs de sa mère. Cet adolescent va suivre "un homme à capuche" qui va s'avérer être le héros de ce roman, Pavel Gartsev, que Makine a réellement connu.
L''histoire démarre dans le cadre d'une simulation de Troisième Guerre Mondiale. Ces simulations seraient restées "paisibles", si une traque à l'homme, d'un criminel "armé et prêt à tuer" (page 73) n'avait été déclenchée sur le fond immense de la taïga. Ils partent à cinq, tous choisis pour des compétences différentes, en se disant que cette chasse va être rapide. Il s'avérera que le fugitif va avoir plus d'une ressource. Et cette traque va prendre pour certains une autre tournure: "Notre vie concentra une manière d'existence que tout homme aurait pu nous envier... Celui que nous poursuivions était devenu indispensable à ce bonheur simple. Car il s'agissait bien de bonheur!" (page 139).
Les hommes vont être blessés et évacués au fur et à mesure et il ne restera que Pavel derrière le fugitif. Épuisé, il tombera malade avant de découvrir l'identité de cet être mystérieux qui va le secourir...
Des pages magnifiques célèbrent la beauté sauvage de ces paysages plus que grandioses, tout particulièrement à la fin du roman lorsqu'il s'agit de l'archipel des Chantars "Une planète à part où, à quelques mètres de distance, en contournant une falaise, on changeait de mer, de ciel, de saison."
Un très beau roman,évoquant des sentiments puissants, pour l'instant mon préféré de la rentrée littéraire!
Il met en scène un adolescent qui est un peu lui-même, revenant aux confins de l'Extrême Orient russe sur les traces de son enfance, enfant de prisonniers, n'ayant que peu de souvenirs de sa mère. Cet adolescent va suivre "un homme à capuche" qui va s'avérer être le héros de ce roman, Pavel Gartsev, que Makine a réellement connu.
L''histoire démarre dans le cadre d'une simulation de Troisième Guerre Mondiale. Ces simulations seraient restées "paisibles", si une traque à l'homme, d'un criminel "armé et prêt à tuer" (page 73) n'avait été déclenchée sur le fond immense de la taïga. Ils partent à cinq, tous choisis pour des compétences différentes, en se disant que cette chasse va être rapide. Il s'avérera que le fugitif va avoir plus d'une ressource. Et cette traque va prendre pour certains une autre tournure: "Notre vie concentra une manière d'existence que tout homme aurait pu nous envier... Celui que nous poursuivions était devenu indispensable à ce bonheur simple. Car il s'agissait bien de bonheur!" (page 139).
Les hommes vont être blessés et évacués au fur et à mesure et il ne restera que Pavel derrière le fugitif. Épuisé, il tombera malade avant de découvrir l'identité de cet être mystérieux qui va le secourir...
Des pages magnifiques célèbrent la beauté sauvage de ces paysages plus que grandioses, tout particulièrement à la fin du roman lorsqu'il s'agit de l'archipel des Chantars "Une planète à part où, à quelques mètres de distance, en contournant une falaise, on changeait de mer, de ciel, de saison."
Un très beau roman,évoquant des sentiments puissants, pour l'instant mon préféré de la rentrée littéraire!
jeudi 29 septembre 2016
Être ici est une splendeur, Marie Darrieussecq, P.O.L, 2016, 152 pages.
C’est une belle découverte que nous
propose Marie Darrieussecq dans une langue travaillée et un style rapide: il s'agit de celle de Paula M. Becker , artiste peintre, « bulle entre les deux siècles » qui peint vite nous dit l'écrivain, comme un éclat, comme si le temps était compté… Sa mort
prématurée après la naissance de sa fille Mathilde nous prive sûrement de chefs
d’œuvre.
Marie Darrieussecq reprend des
thèmes qui lui sont chers comme la nécessité d’avoir « un lieu à
soi », nécessité évoquée dans sa traduction du livre de Virginia Woolf, A Room of One'sOwn. Cet isolement est indispensable
à la création. M. Darrieussecq ne prétend pas écrire « la vie vécue de Paula
Becker », mais elle brosse une esquisse de ce qu’elle en aperçoit un
siècle après.
Le mari de Paula, peintre
également, découvre le talent de son épouse en juillet 1902 en contemplant le
portrait d’Elsbeth au verger, Elsbeth
étant issue de son premier mariage. L’autoportrait aux iris est également un
très bel exemple de l'art de cette jeune femme.
Sa mort sera source de création
pour Rilke, grand ami de Paula. Après avoir entretenu avec elle une importante
correspondance, il écrira Requiem pour
une amie, un an exactement après la mort de Paula.
Ce
livre sur une femme écrit par une femme est empli de sensibilité et de
finesse. Il m’a bien sûr donné envie de découvrir l’œuvre de cette toujours
jeune femme, artiste singulière, et de
lire les Lettres à un jeune poète de
Rilke qui a fourni le titre de l’ouvrage, Être
ici est une splendeur, extrait
des Elégies de Duino.
jeudi 22 septembre 2016
Millénium 4, Ce qui ne me tue pas, David Lagercrantz, 2015, actes noirs ACTES SUD, 482 pages.
La couverture des polars d'Actes sud est bien identifiable, et les amateurs du genre la reconnaissent aisément.
Tout le monde sait que David Lagercrantz n'est pas l'auteur des trois premiers volumes de Millénium. Cet écrivain suédois, journaliste, s'est emparé des personnages "cultes " créés par Stieg Larsson il y a plus de dix ans. et la saga continue.... j'avoue pour mon plus grand plaisir et délassement!
Nous retrouvons bien sûr Mikael Blomkvist, journaliste pour la revue Millénium qu'il a lancée, Lisbeth Salander, la hackeuse géniale, mais nous découvrons aussi d'autres personnages qui vont permettre à Blomkvist de se jeter dans une autre aventure, toujours à la pointe de l'investigation! Notre héros est parfois harassé, mais il défend toujours les opprimés!
Je parlais de délassement: le roman est bien mené, et il se lit facilement, sans que l'on soit ni stressé ni tendu: juste une bonne intrigue et des personnages connus, la recette fonctionne. On aimerait seulement que la réalité ne rattrape pas la fiction...
Tout le monde sait que David Lagercrantz n'est pas l'auteur des trois premiers volumes de Millénium. Cet écrivain suédois, journaliste, s'est emparé des personnages "cultes " créés par Stieg Larsson il y a plus de dix ans. et la saga continue.... j'avoue pour mon plus grand plaisir et délassement!
Nous retrouvons bien sûr Mikael Blomkvist, journaliste pour la revue Millénium qu'il a lancée, Lisbeth Salander, la hackeuse géniale, mais nous découvrons aussi d'autres personnages qui vont permettre à Blomkvist de se jeter dans une autre aventure, toujours à la pointe de l'investigation! Notre héros est parfois harassé, mais il défend toujours les opprimés!
Je parlais de délassement: le roman est bien mené, et il se lit facilement, sans que l'on soit ni stressé ni tendu: juste une bonne intrigue et des personnages connus, la recette fonctionne. On aimerait seulement que la réalité ne rattrape pas la fiction...
Ceci est l'article numéro 100! J'espère poursuivre mon bavardage...et continuer à proposer mes lectures préférées ... Je n'évoque jamais ce qui ne m'a pas intéressée.
Bonnes lectures!
jeudi 8 septembre 2016
Le grand marin, Catherine Poulain, éditions de l'Olivier, 2016, 373 pages.
Une jeune femme parle et raconte son désir et son besoin de partir, de vivre libre. Elle a quitté un petit village français, Manosque les Couteaux où apparemment certains hommes voulaient sa mort "Je ne veux pas qu'on ait ma peau". (p.26). Elle n'a pas d'attaches connues et semble en marge de la société.
Elle rejoint le Grand Nord et comme elle n'est pas vraiment en règle avec les services de l'immigration, elle ne craint qu'une chose, c'est d'être renvoyée en France.
Elle est embauchée comme "greenhorn", c'est-à-dire novice, demi-portion, à bord d'un bateau de pêche ancré à Kodiak en Alaska. Dans cet univers masculin, la vie est rude et elle supporte pas mal d'avanies liées aux hommes et au contexte: dormir à même le sol car sa couchette a été attribuée à un homme ou avoir les mains attaquées par le sel, ou avoir une côte cassée lors d'une chute mais n'en rien dire. Le métier est violent.
Petit à petit, Lili dit le moineau prend sa place dans ce milieu si particulier. Son entourage apprend à la connaitre et à l'apprécier: "Oui, elle n'est pas épaisse, mais elle est costaud." (p.35) Elle y rencontre "le grand marin", homme qui sait tout de la mer et dont elle tombe amoureuse. Une histoire d'amour va les lier.
Pêche à la morue noire, pêche au flétan: notre narratrice affronte ces poissons monstrueux pendant que le skipper s'alcoolise. Car l'alcool est un véritable fléau: les hommes pour la plupart sobres en mer -question de survie- vont dépenser à terre dans les bars ce qu'ils viennent de gagner durement.
Le style est rapide, parfois presque oral: il retranscrit bien les pensées et les paroles de la narratrice.
C'est peut-être un peu long mais l'évocation de cet univers et de l'appel de la mer est puissante.
La fin reste ouverte: que deviendront notre jeune narratrice et son grand marin? Et que penser des "sculptures de sable"?
Ce livre a été couronné par de nombreux prix littéraires dont le prix Livre et Mer Henri-Queffélec, le prix Nicolas Bouvier, le prix Pierre-Mac-Orlan...
Elle rejoint le Grand Nord et comme elle n'est pas vraiment en règle avec les services de l'immigration, elle ne craint qu'une chose, c'est d'être renvoyée en France.
Elle est embauchée comme "greenhorn", c'est-à-dire novice, demi-portion, à bord d'un bateau de pêche ancré à Kodiak en Alaska. Dans cet univers masculin, la vie est rude et elle supporte pas mal d'avanies liées aux hommes et au contexte: dormir à même le sol car sa couchette a été attribuée à un homme ou avoir les mains attaquées par le sel, ou avoir une côte cassée lors d'une chute mais n'en rien dire. Le métier est violent.
Petit à petit, Lili dit le moineau prend sa place dans ce milieu si particulier. Son entourage apprend à la connaitre et à l'apprécier: "Oui, elle n'est pas épaisse, mais elle est costaud." (p.35) Elle y rencontre "le grand marin", homme qui sait tout de la mer et dont elle tombe amoureuse. Une histoire d'amour va les lier.
Pêche à la morue noire, pêche au flétan: notre narratrice affronte ces poissons monstrueux pendant que le skipper s'alcoolise. Car l'alcool est un véritable fléau: les hommes pour la plupart sobres en mer -question de survie- vont dépenser à terre dans les bars ce qu'ils viennent de gagner durement.
Le style est rapide, parfois presque oral: il retranscrit bien les pensées et les paroles de la narratrice.
C'est peut-être un peu long mais l'évocation de cet univers et de l'appel de la mer est puissante.
La fin reste ouverte: que deviendront notre jeune narratrice et son grand marin? Et que penser des "sculptures de sable"?
Ce livre a été couronné par de nombreux prix littéraires dont le prix Livre et Mer Henri-Queffélec, le prix Nicolas Bouvier, le prix Pierre-Mac-Orlan...
jeudi 1 septembre 2016
Les disparus du phare, Peter May, 2016, Rouergue noir, 315 Pages.
Il s’agit d’un auteur que je ne connaissais pas et j’ai vraiment apprécié
ce roman policier qui possède un excellent suspense.
Le narrateur amnésique, trempé jusqu’aux os après ce que l’on imagine être un naufrage ne sait plus - naturellement- ni qui il est, ni ce qu’il
fait dans cet état, dans ce lieu perdu, une île sauvage des Hébrides.
Des rencontres successives vont l’aider
à cerner son identité. Très progressivement sa mémoire va revenir.
D’autres personnages, présentés par
un narrateur externe, vont participer à l’intrigue et en renforcer la tension
dramatique.
Bien sûr, notre premier narrateur personnage va découvrir
un cadavre : mais qui est-il ? et qui est le meurtrier ? Est-ce lui?
Autre question qui interroge tout
au long de l’histoire : pourquoi ce titre ? autre mystère ? Quel
lien entre la disparition des trois derniers gardiens du phare et le cadavre ?
Le rythme est haletant jusqu’à
la fin du roman, sans noirceur excessive, avec même une sorte de « happy
end ».
J’ai apprécié ce thriller original
dans son genre.
jeudi 28 juillet 2016
Vacances!
Chers amis lecteurs,
comme pour beaucoup d'entre vous j'espère, le repos estival est aoûtien...
Vous le constatez, la lecture est au programme! et j'espère pouvoir partager avec vous quelques trésors en septembre.
Bel été: je vous souhaite "la douceur fleurie des étoiles et du ciel" et d"embrasser l'aube d'été". (Illuminations, Rimbaud)
Littérairement vôtre,
Hélène Roizard
Le ravissement des innocents, Taiye Selasi, éditions Gallimard 2013 pour la traduction française, 366 pages.
Ma première impression fut: que c'est confus!
Ceci est dû aux prénoms et noms des différents personnages du roman, les membres d'une famille ghanéenne. Mais je fus rapidement saisie par l'atmosphère si particulière de cette histoire et très vite, je me suis attachée aux différents protagonistes.
La quatrième de couverture nous révèle que "en l'espace d'une soirée, la vie sereine des Sai s'écroule: Kwaku, le père, chirurgien extrêmement respecté aux Etats-Unis, subit une injustice professionnelle criante. Ne pouvant assumer cette humiliation, il abandonne Folà, sa ravissante épouse nigériane, et leurs quatre enfants. Dorénavant, Olu, leur fils aîné, n'aura d'autre but que de vivre la vie que son père aurait dû avoir. Les jumeaux, la belle Taiwo et son frère Kehinde, l'artiste renommé, verront leur adolescence bouleversée par une tragédie qui les hantera longtemps après les faits. Sadie, la petite dernière, jalouse l'ensemble de sa fratrie. Mais l'irruption d'un nouveau drame les oblige tous à se remettre en question."
Ce roman est remarquablement construit. Structuré en trois parties possédant des titres, "Le retour", "Le voyage" à partir de la page 116, et enfin, page 223, "Le départ". La dernière partie est la plus longue, et c'est logique, car c'est celle des dénouements.
Chaque partie est divisée en chapitres, eux-mêmes possédant parfois des sous-parties qui permettent au lecteur de s'intéresser plus particulièrement à l'un ou l'autre des personnages. Notre attention est ainsi focalisée sur les pensées, les actions ou les sentiments de chaque personnage. Ainsi Sadie, dans la dernière partie du roman, évoque toutes les émotions qui l'envahissent, elle, la petite dernière: "Ses frères et sa sœur sont éblouissants. Olu, Taiwo et Kehinde. Avec leur démarche sûre, leurs réussites impressionnantes, ils rayonnent, sans oublier la beauté de sa sœur; ils brillent par leur talent, l'éventail de leurs multiples dons. L'intelligence calme d'Olu, sa maîtrise des sciences, sa voix affermie par la connaissance des faits. Le sombre génie de Taiwo, son murmure rauque et séduisant, truffé de grands mots et de quelques phrases en français; [...] Le talent incontestable de Kehinde, son don pour l'image, l'assurance tranquille avec laquelle il contemple le monde[...] En revanche, elle le bébé Sadie née l'hiver avec une bonne dizaine d'années de retard dotée d'un éventail de compétences hétéroclites... n'a aucun don." (p. 251-252) Éternel complexe de la dernière née...
Tous les personnages de cette famille sont attachants, pétris de contradictions donc d'humanité.
Le dénouement est apaisant, à l'image d'une famille qui finit par trouver ses marques.
Un mot sur le titre français qui n'a pas grand chose à voir avec le titre original: Ghana must go.
Il est assez ambigu, car on peut le comprendre comme "action d'enlever de force", ou aussi "émotion éprouvée par une personne transportée de joie". Au lecteur de voir ce qui lui semble convenir le mieux et est ainsi créateur du sens qu'il donne à sa lecture...
Ceci est dû aux prénoms et noms des différents personnages du roman, les membres d'une famille ghanéenne. Mais je fus rapidement saisie par l'atmosphère si particulière de cette histoire et très vite, je me suis attachée aux différents protagonistes.
La quatrième de couverture nous révèle que "en l'espace d'une soirée, la vie sereine des Sai s'écroule: Kwaku, le père, chirurgien extrêmement respecté aux Etats-Unis, subit une injustice professionnelle criante. Ne pouvant assumer cette humiliation, il abandonne Folà, sa ravissante épouse nigériane, et leurs quatre enfants. Dorénavant, Olu, leur fils aîné, n'aura d'autre but que de vivre la vie que son père aurait dû avoir. Les jumeaux, la belle Taiwo et son frère Kehinde, l'artiste renommé, verront leur adolescence bouleversée par une tragédie qui les hantera longtemps après les faits. Sadie, la petite dernière, jalouse l'ensemble de sa fratrie. Mais l'irruption d'un nouveau drame les oblige tous à se remettre en question."
Ce roman est remarquablement construit. Structuré en trois parties possédant des titres, "Le retour", "Le voyage" à partir de la page 116, et enfin, page 223, "Le départ". La dernière partie est la plus longue, et c'est logique, car c'est celle des dénouements.
Chaque partie est divisée en chapitres, eux-mêmes possédant parfois des sous-parties qui permettent au lecteur de s'intéresser plus particulièrement à l'un ou l'autre des personnages. Notre attention est ainsi focalisée sur les pensées, les actions ou les sentiments de chaque personnage. Ainsi Sadie, dans la dernière partie du roman, évoque toutes les émotions qui l'envahissent, elle, la petite dernière: "Ses frères et sa sœur sont éblouissants. Olu, Taiwo et Kehinde. Avec leur démarche sûre, leurs réussites impressionnantes, ils rayonnent, sans oublier la beauté de sa sœur; ils brillent par leur talent, l'éventail de leurs multiples dons. L'intelligence calme d'Olu, sa maîtrise des sciences, sa voix affermie par la connaissance des faits. Le sombre génie de Taiwo, son murmure rauque et séduisant, truffé de grands mots et de quelques phrases en français; [...] Le talent incontestable de Kehinde, son don pour l'image, l'assurance tranquille avec laquelle il contemple le monde[...] En revanche, elle le bébé Sadie née l'hiver avec une bonne dizaine d'années de retard dotée d'un éventail de compétences hétéroclites... n'a aucun don." (p. 251-252) Éternel complexe de la dernière née...
Tous les personnages de cette famille sont attachants, pétris de contradictions donc d'humanité.
Le dénouement est apaisant, à l'image d'une famille qui finit par trouver ses marques.
Un mot sur le titre français qui n'a pas grand chose à voir avec le titre original: Ghana must go.
Il est assez ambigu, car on peut le comprendre comme "action d'enlever de force", ou aussi "émotion éprouvée par une personne transportée de joie". Au lecteur de voir ce qui lui semble convenir le mieux et est ainsi créateur du sens qu'il donne à sa lecture...
jeudi 21 juillet 2016
Clementine Churchill, la femme du lion, Philippe Alexandre et Béatrice de l'Aulnoit, 2015, Tallandier Robert Laffont, 386 pages.
Ces 386 pages sont passionnantes: quelle femme et quelle vie bien remplie!
En exergue de ce livre, une parole de son petit-fils, Sir Nicholas Soames, membre du Parlement :Si mon grand-père n'avait pas eu Clementine, il n'aurait été que la moitié de l'homme qu'il fut.
Née en 1885, elle traverse une période tourmentée de l'histoire d'Angleterre, épaulant sans relâche son" Winston chéri", que ce soit en politique ou dans ses soucis de santé, partageant avec lui les préoccupations de l'éducation de leurs enfants et surtout la douleur de la perte d'une petite fille de deux ans, Marigold, d'une septicémie que l'on ne savait pas soigner à l'époque...
Elle est reconnue comme une grande dame par ses contemporains et par la reine actuelle qui la nommera "pairesse à vie" après le décès de son époux. Ses biographes parlent d'une "vie exemplaire". "[...] dès le jour de son mariage, à vingt-trois ans, Clementine a tenu sa juste place. Elle est toujours restée incroyablement fidèle à ses convictions, ses certitudes, ses ambitions." (p.386)
Elle meurt à quatre-vingt douze ans, au terme d'une vie bien remplie!
Les biographes ont pratiqué une bibliographie très fouillée et ils ont retenu ce qui fait de Clementine un être vivant sous nos yeux de lecteur: les faits mais aussi les émotions, les sentiments sans tomber dans l'extrapolation. Cette biographie précise m'a véritablement fait découvrir cette femme étonnante.
En exergue de ce livre, une parole de son petit-fils, Sir Nicholas Soames, membre du Parlement :Si mon grand-père n'avait pas eu Clementine, il n'aurait été que la moitié de l'homme qu'il fut.
Née en 1885, elle traverse une période tourmentée de l'histoire d'Angleterre, épaulant sans relâche son" Winston chéri", que ce soit en politique ou dans ses soucis de santé, partageant avec lui les préoccupations de l'éducation de leurs enfants et surtout la douleur de la perte d'une petite fille de deux ans, Marigold, d'une septicémie que l'on ne savait pas soigner à l'époque...
Elle est reconnue comme une grande dame par ses contemporains et par la reine actuelle qui la nommera "pairesse à vie" après le décès de son époux. Ses biographes parlent d'une "vie exemplaire". "[...] dès le jour de son mariage, à vingt-trois ans, Clementine a tenu sa juste place. Elle est toujours restée incroyablement fidèle à ses convictions, ses certitudes, ses ambitions." (p.386)
Elle meurt à quatre-vingt douze ans, au terme d'une vie bien remplie!
Les biographes ont pratiqué une bibliographie très fouillée et ils ont retenu ce qui fait de Clementine un être vivant sous nos yeux de lecteur: les faits mais aussi les émotions, les sentiments sans tomber dans l'extrapolation. Cette biographie précise m'a véritablement fait découvrir cette femme étonnante.
jeudi 14 juillet 2016
En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, Finitude, 2015, 159 pages.
Mes lectures se suivent mais ne se ressemblent pas. Après le "pavé"de d'Ormesson, voici un petit livre que l'on dévore dans la journée!
Premier roman, En attendant Bojangles démarre sous le signe de la légèreté; le trait est souvent drôle et le style plaisant. Le narrateur, un jeune garçon, vit dans une famille pour le moins originale: le père, Georges déclare à son fils que "son métier, c'était de chasser les mouches avec un harpon." (P.7)
Georges affuble sa femme de prénoms différents suivant son humeur et il dit d'elle "qu'elle tutoyait les étoiles". Pour compléter le tableau, il faut compter avec "la demoiselle de Numidie, un oiseau élégant et étonnant, [...] Mademoiselle Superfétatoire."
La danse et la musique jouent un rôle très important dans cette histoire. Et nous avons rapidement l'explication du titre (p.24) : "son histoire était comme sa musique: belle, dansante, mélancolique. C'est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c'était une musique pour les sentiments.[...] Maman me disait qu'il dansait pour faire revenir son chien, elle le savait de source sûre. Et elle, elle dansait pour faire revenir Monsieur Bojangles. C'est pour ça qu'elle dansait tout le temps. Pour qu'il revienne, tout simplement."
Mais ce roman commencé sous le signe de la légèreté change progressivement de tonalité et l'on sent l'intensité dramatique monter. Le lecteur comprend assez vite que cette femme aimée passionnément par son mari et ensuite par son fils est folle. Folie charmante au début qui s'apparente à une originalité exubérante, cette folie devient ensuite dangereuse pour elle et les siens: d'incendie en internement, puis en cavale, la vie est trépidante à l'image de cette femme .
Le narrateur découvrira plus tard les carnets secrets tenus par son père, dans lesquels nous sont dévoilées à la fois sa lucidité et la passion qu'il éprouve pour Louise. " je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé , que désormais, nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d'hôpital, que sa Maman était une malade mentale et qu'il fallait attendre sagement de la voir sombrer." ( p.122)
Le dénouement nous prend à la gorge...
Un très beau premier roman sur l'amour "fou", impossible, comme celui de Tristan et Iseut,
Premier roman, En attendant Bojangles démarre sous le signe de la légèreté; le trait est souvent drôle et le style plaisant. Le narrateur, un jeune garçon, vit dans une famille pour le moins originale: le père, Georges déclare à son fils que "son métier, c'était de chasser les mouches avec un harpon." (P.7)
Georges affuble sa femme de prénoms différents suivant son humeur et il dit d'elle "qu'elle tutoyait les étoiles". Pour compléter le tableau, il faut compter avec "la demoiselle de Numidie, un oiseau élégant et étonnant, [...] Mademoiselle Superfétatoire."
La danse et la musique jouent un rôle très important dans cette histoire. Et nous avons rapidement l'explication du titre (p.24) : "son histoire était comme sa musique: belle, dansante, mélancolique. C'est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c'était une musique pour les sentiments.[...] Maman me disait qu'il dansait pour faire revenir son chien, elle le savait de source sûre. Et elle, elle dansait pour faire revenir Monsieur Bojangles. C'est pour ça qu'elle dansait tout le temps. Pour qu'il revienne, tout simplement."
Mais ce roman commencé sous le signe de la légèreté change progressivement de tonalité et l'on sent l'intensité dramatique monter. Le lecteur comprend assez vite que cette femme aimée passionnément par son mari et ensuite par son fils est folle. Folie charmante au début qui s'apparente à une originalité exubérante, cette folie devient ensuite dangereuse pour elle et les siens: d'incendie en internement, puis en cavale, la vie est trépidante à l'image de cette femme .
Le narrateur découvrira plus tard les carnets secrets tenus par son père, dans lesquels nous sont dévoilées à la fois sa lucidité et la passion qu'il éprouve pour Louise. " je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé , que désormais, nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d'hôpital, que sa Maman était une malade mentale et qu'il fallait attendre sagement de la voir sombrer." ( p.122)
Le dénouement nous prend à la gorge...
Un très beau premier roman sur l'amour "fou", impossible, comme celui de Tristan et Iseut,
Olivia et sa fanfare, Ian Falconer, 2007, Seuil jeunesse, traduit de l'américain.
Olivia est un petit cochon femelle plein d'énergie et d'idées.Tout démarre avec l'organisation du pique-nique prévu par la mère à l'occasion d'un feu d'artifice.
"- Mais il n'y pas de feu d'artifice sans musique,
explique Olivia.
J'ai trouvé!
NOUS ferons la musique!"
J'ai bien ri à la lecture de cet album pour enfant à partir de 2-3 ans. Il m'évoque comme genre Éloïse à Paris que j'ai lu dans ma prime jeunesse! (plutôt à partir de 6-7 ans, mais l'humour fonctionne un peu de la même façon; à conseiller aux adultes qui ont gardé une âme d'enfant!)
Le petit de presque trois ans qui écoutait l'histoire d'Olivia a beau la connaître par cœur, il rit toujours autant! Les dessins sont amusants, avec un parti pris de sobriété dans la couleur. Le rouge ressort donc sur un fond de noir, blanc et gris, avec parfois une petite touche de bleu. Quant aux jeunes parents, je pense que les situations évoquées leur sembleront bien réelles, tout en étant cocasses!
"- Mais il n'y pas de feu d'artifice sans musique,
explique Olivia.
J'ai trouvé!
NOUS ferons la musique!"
J'ai bien ri à la lecture de cet album pour enfant à partir de 2-3 ans. Il m'évoque comme genre Éloïse à Paris que j'ai lu dans ma prime jeunesse! (plutôt à partir de 6-7 ans, mais l'humour fonctionne un peu de la même façon; à conseiller aux adultes qui ont gardé une âme d'enfant!)
Le petit de presque trois ans qui écoutait l'histoire d'Olivia a beau la connaître par cœur, il rit toujours autant! Les dessins sont amusants, avec un parti pris de sobriété dans la couleur. Le rouge ressort donc sur un fond de noir, blanc et gris, avec parfois une petite touche de bleu. Quant aux jeunes parents, je pense que les situations évoquées leur sembleront bien réelles, tout en étant cocasses!
jeudi 7 juillet 2016
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, 2016, Gallimard, 452 pages.
Faut-il présenter Jean d'Ormesson? Je sais qu'il en agace certains, mais j'avoue que l'homme "m'épate" (c'est un verbe un peu désuet mais qu'il affectionne!).
Normalien, élu à l’Académie française en 1973, ami de Jean-Marie Rouart, il fut secrétaire général de l'Unesco, un temps directeur du Figaro, puis il décida de se consacrer entièrement à l'écriture . Quelle culture! et il se plaint de n' avoir rien lu...
Ce livre se présente comme un dialogue entre 2 MOI; le premier MOI (en italiques dans le texte)est le magistrat intègre chargé d'instruire le dossier du second MOI, "C'est moi. Plaisirs, travail, ambitions, foutaises et Cie." (didascalie initiale)
C'est impossible à résumer! il s'agit d'une vie... bien remplie... d'un érudit plein d'humour âgé de 91 ans depuis le 16 JUIN!
Je vous livre quelques réflexions qui m'ont amusée, interpellée, étonnée...
" Vous devez commencer à vous douter des motifs de votre mise en examen: vous n'êtes pas seulement devenu un écrivain, mais une espèce de marque qui, à tort ou à raison, fait rêver les jeunes gens. Quelque chose comme un Schweppes de la culture si vous voulez, ou un Coca-Cola de bas étage, on encore le bas nylon d'hier." (p.176)
Évoquant le tournage d' Au plaisir de Dieu dans la propriété de Saint Fargeau qui n'appartenait plus à sa famille: "[...] l'émotion me submergea. La fiction nous faisait revivre une seconde fois la douleur de la séparation.", et, citant Chateaubriand "Le cœur se brise à la séparation des rêves." (p.208)
Réflexion sur deux métiers qu'il pratique: "Mais ce qui sépare surtout le journaliste de l'écrivain, c'est le mystère du temps. Le temps passe et il dure. Le journaliste est tout entier du côté du temps qui passe. L'écrivain est tout entier du côté du temps qui dure.[...] Le journalisme tient en un mot: urgent. L'écrivain vise l'essentiel." (p.341-342).
Page 379, d'Ormesson cite Aragon qui lui a inspiré le titre:
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans avoir tout dit
[...]
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
Dans le même registre, page 394, "Je sais bien, [...] que la vie est peut-être triste, qu'elle est en tout cas semée d'échecs et de chagrins et qu'elle est est vouée à la mort. Mais je crois aussi qu'elle est belle et qu'il faut apprendre à l'aimer. J'ai essayé de l'aimer et d'être, dans cette vallée de larmes, aussi heureux que possible."
Hédoniste certes, mais superficiel non!
Et,dans les dernières pages, un peu à la manière de Rousseau dans les Confessions, d'Ormesson s'adresse directement au Seigneur pour lui adresser une ultime prière. "J'ai aimé tout ce qui passe. Mais ce que j'ai aimé surtout, c'est vous qui ne passez pas. [...] Et j’ai toujours espéré que votre éternité de mystère et d'angoisse était aussi et surtout une éternité de pardon et d'amour."
"Je n'ai presque rien fait de ce temps que vous m'avez prêté avant de le reprendre. Mais, avec maladresse et ignorance, je n'ai jamais cessé, du fond de mon abîme, de chercher le chemin, la vérité et la vie."
Normalien, élu à l’Académie française en 1973, ami de Jean-Marie Rouart, il fut secrétaire général de l'Unesco, un temps directeur du Figaro, puis il décida de se consacrer entièrement à l'écriture . Quelle culture! et il se plaint de n' avoir rien lu...
Ce livre se présente comme un dialogue entre 2 MOI; le premier MOI (en italiques dans le texte)est le magistrat intègre chargé d'instruire le dossier du second MOI, "C'est moi. Plaisirs, travail, ambitions, foutaises et Cie." (didascalie initiale)
C'est impossible à résumer! il s'agit d'une vie... bien remplie... d'un érudit plein d'humour âgé de 91 ans depuis le 16 JUIN!
Je vous livre quelques réflexions qui m'ont amusée, interpellée, étonnée...
" Vous devez commencer à vous douter des motifs de votre mise en examen: vous n'êtes pas seulement devenu un écrivain, mais une espèce de marque qui, à tort ou à raison, fait rêver les jeunes gens. Quelque chose comme un Schweppes de la culture si vous voulez, ou un Coca-Cola de bas étage, on encore le bas nylon d'hier." (p.176)
Évoquant le tournage d' Au plaisir de Dieu dans la propriété de Saint Fargeau qui n'appartenait plus à sa famille: "[...] l'émotion me submergea. La fiction nous faisait revivre une seconde fois la douleur de la séparation.", et, citant Chateaubriand "Le cœur se brise à la séparation des rêves." (p.208)
Réflexion sur deux métiers qu'il pratique: "Mais ce qui sépare surtout le journaliste de l'écrivain, c'est le mystère du temps. Le temps passe et il dure. Le journaliste est tout entier du côté du temps qui passe. L'écrivain est tout entier du côté du temps qui dure.[...] Le journalisme tient en un mot: urgent. L'écrivain vise l'essentiel." (p.341-342).
Page 379, d'Ormesson cite Aragon qui lui a inspiré le titre:
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans avoir tout dit
[...]
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
Dans le même registre, page 394, "Je sais bien, [...] que la vie est peut-être triste, qu'elle est en tout cas semée d'échecs et de chagrins et qu'elle est est vouée à la mort. Mais je crois aussi qu'elle est belle et qu'il faut apprendre à l'aimer. J'ai essayé de l'aimer et d'être, dans cette vallée de larmes, aussi heureux que possible."
Hédoniste certes, mais superficiel non!
Et,dans les dernières pages, un peu à la manière de Rousseau dans les Confessions, d'Ormesson s'adresse directement au Seigneur pour lui adresser une ultime prière. "J'ai aimé tout ce qui passe. Mais ce que j'ai aimé surtout, c'est vous qui ne passez pas. [...] Et j’ai toujours espéré que votre éternité de mystère et d'angoisse était aussi et surtout une éternité de pardon et d'amour."
"Je n'ai presque rien fait de ce temps que vous m'avez prêté avant de le reprendre. Mais, avec maladresse et ignorance, je n'ai jamais cessé, du fond de mon abîme, de chercher le chemin, la vérité et la vie."
jeudi 30 juin 2016
Maman a tort, Michel Bussi, 2015, Presses de la Cité, 509 pages.
Depuis 2013, Michel Bussi est l'auteur de romans policiers français le plus lu. Professeur de géographie à l'université de Rouen, il a la particularité de situer ses intrigues en Normandie, sauf le dernier en date qui se passe en Corse. (Je ne l'ai pas encore lu...)
J'ai découvert Bussi avec Nymphéas noirs, excellent! et j'ai rédigé un article avec son polar N'oublier jamais sur ce blog que vous pouvez trouver dans les archives de mai 2015.
N'ayez pas peur des 509 pages! Ce livre se dévore et cette fiction située au Havre nous saisit: le héros est un petit garçon de trois ans, Malone, qui soutient à son institutrice que sa maman n'est pas sa maman... Intriguée, la jeune professeur va soumettre ce problème au psychologue scolaire, Vasile, qui va vite accorder crédit aux histoires invraisemblables racontées par le jeune garçon. Mais on a du mal à le croire jusqu'au jour où ...
De nombreuses péripéties, de l'émotion, un suspense haletant jusqu'à la fin: tous les ingrédients sont là pour vous empêcher de dormir, vous qui aimez ce genre de livres!
J'ai découvert Bussi avec Nymphéas noirs, excellent! et j'ai rédigé un article avec son polar N'oublier jamais sur ce blog que vous pouvez trouver dans les archives de mai 2015.
N'ayez pas peur des 509 pages! Ce livre se dévore et cette fiction située au Havre nous saisit: le héros est un petit garçon de trois ans, Malone, qui soutient à son institutrice que sa maman n'est pas sa maman... Intriguée, la jeune professeur va soumettre ce problème au psychologue scolaire, Vasile, qui va vite accorder crédit aux histoires invraisemblables racontées par le jeune garçon. Mais on a du mal à le croire jusqu'au jour où ...
De nombreuses péripéties, de l'émotion, un suspense haletant jusqu'à la fin: tous les ingrédients sont là pour vous empêcher de dormir, vous qui aimez ce genre de livres!
La petite casserole d'Anatole, Isabelle Carrier, 2009, bilboquet.
Anatole est un petit garçon "qui traîne toujours derrière lui sa petite casserole. Elle lui est tombée dessus un jour... on ne sait pas très bien pourquoi."
Cet album relate en quelques pages très fraîches et très vraies le quotidien compliqué d'un petit garçon pas tout à fait comme les autres, et la difficulté qu'ont les autres à entrer en relation avec lui. Mais il suffit d' une personne "extraordinaire" pour qu'Anatole vive mieux avec son handicap, lui permettant de sortir de son isolement et rendant la petite casserole "plus discrète".
En quelques mots très simples illustrés de dessins sobres et assez drôles, Isabelle Carrier apaise un jeune lecteur qui a pu rencontrer dans sa classe, dans son immeuble ou dans sa rue, un enfant qui a pu l'intriguer, l'étonner ou lui faire peur. Elle dédramatise le handicap tout en soulignant que l'on peut améliorer la vie d'Anatole sans supprimer pour autant le fardeau qui encombre son existence.
Un livre que l'on devrait trouver dans les maternelles, les médiathèques...
Un grand merci à Brigitte qui me l'a fait découvrir!
Cet album relate en quelques pages très fraîches et très vraies le quotidien compliqué d'un petit garçon pas tout à fait comme les autres, et la difficulté qu'ont les autres à entrer en relation avec lui. Mais il suffit d' une personne "extraordinaire" pour qu'Anatole vive mieux avec son handicap, lui permettant de sortir de son isolement et rendant la petite casserole "plus discrète".
En quelques mots très simples illustrés de dessins sobres et assez drôles, Isabelle Carrier apaise un jeune lecteur qui a pu rencontrer dans sa classe, dans son immeuble ou dans sa rue, un enfant qui a pu l'intriguer, l'étonner ou lui faire peur. Elle dédramatise le handicap tout en soulignant que l'on peut améliorer la vie d'Anatole sans supprimer pour autant le fardeau qui encombre son existence.
Un livre que l'on devrait trouver dans les maternelles, les médiathèques...
Un grand merci à Brigitte qui me l'a fait découvrir!
jeudi 23 juin 2016
Vous n'aurez pas ma haine, Antoine Leiris, 2016, fayard, 139 pages.
Antoine Leiris écrit après "Une nuit en barbarie" le récit chronologique à dater du 13 novembre 2016 des événements qui bouleversèrent sa vie et celle de son fils Melvil âgé alors de 18 mois. Il apprend par un coup de téléphone l'horreur du Bataclan. Commence alors l'horreur de l'attente puis l'horreur de la nouvelle: sa jeune femme, Hélène, est morte.
C'est pour lui le début d' un chemin qui nous bouleverse: Antoine Leiris ne se laisse pas envahir par la haine ou la colère, mais il est tout entier investi dans un quotidien d'amour et de tendresse, attentif à Melvil malgré la douleur qui le submerge:
"Quelques hommes en colère ont fait entendre leur verdict à coups d'armes automatiques. Pour nous, ce sera la perpétuité." (p.23-24)
Le 16 novembre, "Maison, déjeuner, change, pyjama, sieste, ordinateur. Les mots continuent d'arriver.Ils viennent d'eux-mêmes, pensés, pesés mais sans que j'aie à les convoquer. Ils s'imposent à moi, je n'ai plus qu'à les prendre.
Je les ai choisis chacun, mariés ensemble, séparés parfois et, après quelques minutes dans la peau d'un entremetteur, la lettre est là: Vous n'aurez pas ma haine."
Cette lettre qui se trouve aux pages 63 et 64 du livre s'adresse donc aux assassins de sa femme "vous êtes des âmes mortes", [...] Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu'elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n'aurez jamais accès.
[...]toute sa vie ce petit garçon vous fera l'affront d'être heureux et libre. Car non, vous n'aurez pas sa haine non plus."
Cette lettre postée alors sur Facebook sera lue par des personnes dans le monde entier, toutes bouleversées par ce témoignage pudique et poignant. L'écriture au quotidien a peut-être joué le rôle d'une catharsis.
On peut rapprocher ce livre de celui d'un médecin palestinien, le docteur Izzeldin Abuelaish ,qui perd trois de ses filles tuées par une roquette israélienne alors qu'à la télévision en direct de chez lui il parle de la situation à Gaza. Loin de se laisser guider par la haine ou la colère, il va mener un combat exemplaire pour la paix. "Une indispensable leçon contre la haine et la vengeance;" (Elie Wiesel)
C'est pour lui le début d' un chemin qui nous bouleverse: Antoine Leiris ne se laisse pas envahir par la haine ou la colère, mais il est tout entier investi dans un quotidien d'amour et de tendresse, attentif à Melvil malgré la douleur qui le submerge:
"Quelques hommes en colère ont fait entendre leur verdict à coups d'armes automatiques. Pour nous, ce sera la perpétuité." (p.23-24)
Le 16 novembre, "Maison, déjeuner, change, pyjama, sieste, ordinateur. Les mots continuent d'arriver.Ils viennent d'eux-mêmes, pensés, pesés mais sans que j'aie à les convoquer. Ils s'imposent à moi, je n'ai plus qu'à les prendre.
Je les ai choisis chacun, mariés ensemble, séparés parfois et, après quelques minutes dans la peau d'un entremetteur, la lettre est là: Vous n'aurez pas ma haine."
Cette lettre qui se trouve aux pages 63 et 64 du livre s'adresse donc aux assassins de sa femme "vous êtes des âmes mortes", [...] Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu'elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n'aurez jamais accès.
[...]toute sa vie ce petit garçon vous fera l'affront d'être heureux et libre. Car non, vous n'aurez pas sa haine non plus."
Cette lettre postée alors sur Facebook sera lue par des personnes dans le monde entier, toutes bouleversées par ce témoignage pudique et poignant. L'écriture au quotidien a peut-être joué le rôle d'une catharsis.
On peut rapprocher ce livre de celui d'un médecin palestinien, le docteur Izzeldin Abuelaish ,qui perd trois de ses filles tuées par une roquette israélienne alors qu'à la télévision en direct de chez lui il parle de la situation à Gaza. Loin de se laisser guider par la haine ou la colère, il va mener un combat exemplaire pour la paix. "Une indispensable leçon contre la haine et la vengeance;" (Elie Wiesel)
jeudi 16 juin 2016
Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon, 2015, L'Iconoclaste, 247 pages.
C'est curieux, ce choix de la romancière, de commencer un livre par les derniers jours du "personnage". Mais cela fonctionne: il s'agit d'un très grand homme du XIX ème siècle, aimé par les petits, craint par le pouvoir. Et le roman s'ouvre effectivement sur l'angoisse des politiques:"Ils ont peur déjà, le désordre vient si vite."
La foule est sous les fenêtres du poète, venant aux nouvelles "Ils lèvent les yeux vers les fenêtres fermées où ils l'ont aperçu, déjà, debout, saluant, ils palpent l'absence, le silence, la mort qui oeuvre à l'intérieur et les laisse vivants, vaguement effarés, avec ou sans chapeau, avec ou sans rang, comme des personnages en quête d'auteur." (p.11)
Plusieurs enjeux autour de cette mort annoncée: l'agonie est longue, mais l'Eglise aimerait pouvoir assister cet homme qui a refusé toute présence de prêtre. "Chacun tire le mourant pour le faire tomber de son côté" (p.31). Il décédera le 22 mai 1885.
On envisage un enterrement au Panthéon, mais cela voudrait dire le séparer des membres de sa famille déjà disparus, entre autres sa chère fille Léopoldine morte noyée il y a si longtemps, de ses deux fils morts de maladie, de son frère, de sa mère, de son père. L'enterrement est prévu un lundi malgré les demandes pressantes et les lettres éplorées des "petits" qui travaillent ce jour-là. "Nous aurions voulu rendre les derniers hommages à celui que nous appelions notre Père à tous." (p.129)
L'enterrement qui prend des figures de deuil national aura bien lieu un lundi:après exposition du corps devant l'Arc de Triomphe où deux millions de personnes sont venues se recueillir, la foule se presse sur le passage du cortège, les balcons se louent à prix d'or, la moindre marche d'escabeau est prise d’assaut, on escalade les arbres pour les plus agiles. Anarchistes et révolutionnaires défilent également, mais la police a supprimé tous les drapeaux noirs ou rouges. L'un d'entre eux portait les vers d' Hugo, Le peuple a sa colère et le volcan sa lave qui dévaste d'abord et qui féconde après. Ce drapeau a disparu mystérieusement... Sur le trajet, le narrateur évoque les sentiments paradoxaux du peuple "ils avaient le cœur serré au passage du peuple, mais ensuite ils riaient, applaudissaient, on lisait sur les visages une joie à peine secrète, une joie funèbre [...]" (p.234) "on fêta Hugo, cet acharné de l'abolition" (p.241)
En effet, nous avons tous des exemples en tête des combats d'Hugo: contre la peine de mort, la misère à Paris, le travail des enfants, l'esclavage sous toutes ses formes...
Merci à Hugo pour Gavroche, Fantine, Cosette, "l'homme qui rit" mais aussi Ruy Blas, Hernani, "le banni, le proscrit", et peut-être, plus touchant encore, pour les vers inspirés par le souvenir aimant de Léopoldine la fille bien-aimée du poète"Demain dès l'aube..."
Figure nationale, Victor Hugo est ici restitué dans cette dimension de façon très documentée et vivante. Un livre intéressant pour tous.
exposition: "les Hugo, une famille d'artistes"
La foule est sous les fenêtres du poète, venant aux nouvelles "Ils lèvent les yeux vers les fenêtres fermées où ils l'ont aperçu, déjà, debout, saluant, ils palpent l'absence, le silence, la mort qui oeuvre à l'intérieur et les laisse vivants, vaguement effarés, avec ou sans chapeau, avec ou sans rang, comme des personnages en quête d'auteur." (p.11)
Plusieurs enjeux autour de cette mort annoncée: l'agonie est longue, mais l'Eglise aimerait pouvoir assister cet homme qui a refusé toute présence de prêtre. "Chacun tire le mourant pour le faire tomber de son côté" (p.31). Il décédera le 22 mai 1885.
On envisage un enterrement au Panthéon, mais cela voudrait dire le séparer des membres de sa famille déjà disparus, entre autres sa chère fille Léopoldine morte noyée il y a si longtemps, de ses deux fils morts de maladie, de son frère, de sa mère, de son père. L'enterrement est prévu un lundi malgré les demandes pressantes et les lettres éplorées des "petits" qui travaillent ce jour-là. "Nous aurions voulu rendre les derniers hommages à celui que nous appelions notre Père à tous." (p.129)
L'enterrement qui prend des figures de deuil national aura bien lieu un lundi:après exposition du corps devant l'Arc de Triomphe où deux millions de personnes sont venues se recueillir, la foule se presse sur le passage du cortège, les balcons se louent à prix d'or, la moindre marche d'escabeau est prise d’assaut, on escalade les arbres pour les plus agiles. Anarchistes et révolutionnaires défilent également, mais la police a supprimé tous les drapeaux noirs ou rouges. L'un d'entre eux portait les vers d' Hugo, Le peuple a sa colère et le volcan sa lave qui dévaste d'abord et qui féconde après. Ce drapeau a disparu mystérieusement... Sur le trajet, le narrateur évoque les sentiments paradoxaux du peuple "ils avaient le cœur serré au passage du peuple, mais ensuite ils riaient, applaudissaient, on lisait sur les visages une joie à peine secrète, une joie funèbre [...]" (p.234) "on fêta Hugo, cet acharné de l'abolition" (p.241)
En effet, nous avons tous des exemples en tête des combats d'Hugo: contre la peine de mort, la misère à Paris, le travail des enfants, l'esclavage sous toutes ses formes...
Merci à Hugo pour Gavroche, Fantine, Cosette, "l'homme qui rit" mais aussi Ruy Blas, Hernani, "le banni, le proscrit", et peut-être, plus touchant encore, pour les vers inspirés par le souvenir aimant de Léopoldine la fille bien-aimée du poète"Demain dès l'aube..."
Figure nationale, Victor Hugo est ici restitué dans cette dimension de façon très documentée et vivante. Un livre intéressant pour tous.
exposition: "les Hugo, une famille d'artistes"
jeudi 9 juin 2016
"Les soleils mouillés de ces ciels brouillés", nouvelle, décembre 2014.
L’homme était parti de chez lui
au petit matin de ce 24 juin 18.., même avant l’aube. Il semblait à la fois
pressé et nonchalant. Il était vêtu
sobrement, coiffé d’un grand chapeau qui avait dû séjourner longtemps dehors,
au soleil ou sous la pluie. Il portait un grand sac qui paraissait encombrant.
On ne pouvait deviner ce qu’il transportait, car ce sac était informe. Ce
promeneur, –solitaire compte-tenu de l’heure extrêmement matinale-, marchait
sur un sentier, sorte de petite promenade qui jouxtait la grande Creuse. La
rivière était encore sombre, le vert de
son eau profonde se chargeait de gris. L’homme y jetait des
coups d’œil rapides, cherchant on ne sait quelle apparition d’ondine ou de
créature mystérieuse de l’aurore. Des lambeaux de brouillards s’effilochaient
sur les haies. La rosée perlait sur les feuilles et tout l’univers baignait
dans une atmosphère humide. Les parfums étaient encore ténus.
Le sentier bifurquait à angle droit et quittait alors le cours de la
Creuse pour se perdre dans les prés encore marqués par toute cette fraîcheur.
Le marcheur ralentit son allure, sembla
hésiter à poser son fardeau : il jetait toujours ces étranges coups d’œil
tout autour de lui mais poursuivit son
chemin. Un œil extérieur l’aurait jugé pressé, rapide, déterminé sans être
hâtif. On apercevait au loin un petit pont
en pierres qui marquait l’horizon d’une ligne courbe et dominait la rivière. Le
sentier devait y conduire après quelques détours. Ce pont pouvait être le but
de notre promeneur.
Les rayons du soleil commençaient à poindre à travers la brume matinale,
laissant comme des doigts de fée sur leur passage. Le promeneur levait la tête,
dressant l’oreille, guettant on ne
savait quel bruit … Il changea son sac d’épaule, frotta l’épaule blessée, et
hésita à poursuivre. Ce sac devait être lourd et il était vraiment volumineux,
avec des formes bizarres. Des bruits lointains se faisaient entendre
maintenant, évoquant la reprise de l’activité humaine et animale : chants
des oiseaux, voix s’interpellant, essieux grinçants… tout cela ne troublait pas
néanmoins notre marcheur promeneur qui était absorbé par la contemplation de la
rivière et de ce qui l’entourait.
Le sentier longeait à nouveau la rivière et l’homme qui avait
repris son sac sur l’épaule, intéressé par la masse d’eau sombre, avait quitté
le chemin de terre pour se diriger vers la rive. L’eau reflétait mollement les
premiers rais de lumière et prenait des teintes changeantes, semblant rouler
des secrets d’éternité ; elle n’était plus verte, ni grise, mais brune, très foncée avec des accents rougeâtres comme
les talus qui l’encadraient de toute leur hauteur ; elle impressionne par
le courant fort à ce niveau ; le pont semble à portée de main à présent et
sa masse sombre donne une dimension tourmentée au paysage. Sous le pont coule
la rivière, l’homme semble enfin avoir
trouvé le but de sa quête et il s’apprête à poser son sac.
C’est alors que des voix se rapprochent, il paraît contrarié mais pas
inquiet : deux voix se répondent, l’une jeune, enfantine, l’autre plus
grave et posée. Les passants arrivent, ils vont se croiser dans peu de temps.
Alors l’homme pose résolument son sac et attend : au détour du
chemin, il voit arriver une petite fille qui danse en marchant et un homme âgé
lui donnant la main. L’homme âgé eut un sursaut de frayeur en apercevant la
silhouette, reprit ses esprits et lança :
- - Bonjour,
Monsieur Monet !
jeudi 2 juin 2016
Maligne, Noémie Caillault, janvier 2016, Payot, 94 pages.
Il ne s'agit pas d'un roman, mais d'un témoignage écrit par une jeune femme après la découverte à 27 ans d'une tumeur de six centimètres dans le sein gauche... Elle nous rapporte les faits de manière chronologique, mais ce qui sauve( ! )son sujet, c'est qu'il soit traité avec beaucoup d'humour:
"On va vous faire une échographie et non une mammographie: on n'envoie pas des rayons pour rien, mademoiselle, vous êtes trop jeune!!!
Donc, échographie. Il m'apporte les résultats. A priori, il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Mais...
- Vous avez les seins denses, on ne voit pas très bien, on va vous faire une petite mammographie quand même.
Ah? Il y a encore dix minutes j'étais trop jeune. C'est fou comme on vieillit vite, dans un hôpital!" (p.13)
Vous avez dû repérer que le style est alerte, rapide: Noémie Caillault en a fait un spectacle qu'elle a joué pour la première fois au printemps 2015. Je ne sais pas comment elle a traité le personnage de sa mère, mais dans ce livre, elle est bien épinglée! C'est assez drôle au demeurant. Je vous renvoie au dialogue de la page 45 juste avant la première chimio. Ou, lorsque sa fille commence à perdre ses cheveux..
"Mon petit frère arrive, il voit la mèche sur la table, il lâche son portable tout neuf...mort!
- Manquait plus que ça! s'écrie ma mère. Entre ta sœur qui perd ses cheveux et toi qui pètes ton portable, ah, je suis gâtée avec vous!" (p.51)
Noémie dialogue avec sa petite voix intérieure prénommée Max qui la soutient... ainsi que quelques amis, ceux qui n'ont pas eu peur de la maladie et de la malade...
Cette jeune femme, jolie comme un cœur, que j'ai découverte lors de l'émission La Grande Librairie du jeudi 10 mai, est maintenant apparemment guérie. On lui souhaite de poursuivre sa carrière de comédienne avec succès, la même fraîcheur et le même appétit de vivre! Ce n'est néanmoins sans doute pas la révélation d'un grand écrivain: vous l'avez compris, l'intérêt est ailleurs.
"On va vous faire une échographie et non une mammographie: on n'envoie pas des rayons pour rien, mademoiselle, vous êtes trop jeune!!!
Donc, échographie. Il m'apporte les résultats. A priori, il n'y a rien d'inquiétant. Je respire. Mais...
- Vous avez les seins denses, on ne voit pas très bien, on va vous faire une petite mammographie quand même.
Ah? Il y a encore dix minutes j'étais trop jeune. C'est fou comme on vieillit vite, dans un hôpital!" (p.13)
Vous avez dû repérer que le style est alerte, rapide: Noémie Caillault en a fait un spectacle qu'elle a joué pour la première fois au printemps 2015. Je ne sais pas comment elle a traité le personnage de sa mère, mais dans ce livre, elle est bien épinglée! C'est assez drôle au demeurant. Je vous renvoie au dialogue de la page 45 juste avant la première chimio. Ou, lorsque sa fille commence à perdre ses cheveux..
"Mon petit frère arrive, il voit la mèche sur la table, il lâche son portable tout neuf...mort!
- Manquait plus que ça! s'écrie ma mère. Entre ta sœur qui perd ses cheveux et toi qui pètes ton portable, ah, je suis gâtée avec vous!" (p.51)
Noémie dialogue avec sa petite voix intérieure prénommée Max qui la soutient... ainsi que quelques amis, ceux qui n'ont pas eu peur de la maladie et de la malade...
Cette jeune femme, jolie comme un cœur, que j'ai découverte lors de l'émission La Grande Librairie du jeudi 10 mai, est maintenant apparemment guérie. On lui souhaite de poursuivre sa carrière de comédienne avec succès, la même fraîcheur et le même appétit de vivre! Ce n'est néanmoins sans doute pas la révélation d'un grand écrivain: vous l'avez compris, l'intérêt est ailleurs.
jeudi 26 mai 2016
Dans la nuit de Daech, Confession d'une repentie, Sophie Kasiki, avec Pauline Guéna, Robert Laffont, 2016, 236 pages.
Quelques jours avant la fête des mères, je ne peux commencer cet article sans citer la phrase en exergue du livre: "Si ma mère avait vécu plus longtemps,toute mon existence, j'en suis sûre, aurait été différente. Mais elle m'a quitté trop tôt et m,a laissé avec ce cœur inutilisé qu'aucun homme, aucune femme, n'a jamais pu remplir." En attendant la montée des eaux, Maryse Condé: belle célébration des liens mère-fille...
Ce témoignage se dévore: la narratrice, Sophie, jeune Camerounaise née en 1981, chrétienne, mariée et mère d'un petit garçon prénommé Hugo, relate sa vie en narrant son enfance heureuse pendant neuf ans avant la mort de sa mère. Elle ne se remet pas de ce deuil précoce même si elle dit avoir été sauvée par ses nièces dont elle s'est beaucoup occupée.
Elle devient éducatrice spécialisée et, dans ce métier qui la tourne vers les autres, elle retrouve des souvenirs de sa mère. Elle se dit "qu'elle serait fière de moi". (p.26) Elle rencontre Julien, est assez rapidement enceinte, a apparemment tout pour être heureuse. Mais de façon pernicieuse, la tristesse de son enfance est toujours là.
Sophie travaille dans une maison de quartier et elle rencontre les familles issues de l'immigration nord et ouest-africaine. Elle a un excellent contact avec les mères, et également avec ceux qu'elle va appeler "les petits". Progressivement l'islam va prendre la place de la religion de sa mère, "musulmane d'abord dans le secret. C'est une démarche profonde, intime, [...]"(p.37) Elle finit pas se convertir dans le plus grand secret et Julien l'apprendra par hasard. Le fossé s'élargit entre eux deux.
E t puis, trois des "petits", Idriss, Mohammed et Souleymane, partent un jour pour la Syrie sans qu'il y ait eu de "signes de radicalisation" (p.55). C'est bien sûr l’effondrement dans les familles.
Ils vont contacter Sophie qui va partir avec Hugo sous le prétexte de travailler comme bénévole dans un orphelinat en Turquie. Mais leur voyage ne s'arrêtera pas là...
C'est dans doute l'amour maternel qui va aider Sophie à surmonter toutes les épreuves rencontrées en Syrie et lui donner l'audace et le courage de la fuite.
Ce témoignage rejoint tous les échos que l'on peut avoir dans la presse ou les différents médias: sans sombrer dans la psychose, il nous redit la nécessité de la vigilance et l'urgence de l'action, chacun à sa place.
Ce témoignage se dévore: la narratrice, Sophie, jeune Camerounaise née en 1981, chrétienne, mariée et mère d'un petit garçon prénommé Hugo, relate sa vie en narrant son enfance heureuse pendant neuf ans avant la mort de sa mère. Elle ne se remet pas de ce deuil précoce même si elle dit avoir été sauvée par ses nièces dont elle s'est beaucoup occupée.
Elle devient éducatrice spécialisée et, dans ce métier qui la tourne vers les autres, elle retrouve des souvenirs de sa mère. Elle se dit "qu'elle serait fière de moi". (p.26) Elle rencontre Julien, est assez rapidement enceinte, a apparemment tout pour être heureuse. Mais de façon pernicieuse, la tristesse de son enfance est toujours là.
Sophie travaille dans une maison de quartier et elle rencontre les familles issues de l'immigration nord et ouest-africaine. Elle a un excellent contact avec les mères, et également avec ceux qu'elle va appeler "les petits". Progressivement l'islam va prendre la place de la religion de sa mère, "musulmane d'abord dans le secret. C'est une démarche profonde, intime, [...]"(p.37) Elle finit pas se convertir dans le plus grand secret et Julien l'apprendra par hasard. Le fossé s'élargit entre eux deux.
E t puis, trois des "petits", Idriss, Mohammed et Souleymane, partent un jour pour la Syrie sans qu'il y ait eu de "signes de radicalisation" (p.55). C'est bien sûr l’effondrement dans les familles.
Ils vont contacter Sophie qui va partir avec Hugo sous le prétexte de travailler comme bénévole dans un orphelinat en Turquie. Mais leur voyage ne s'arrêtera pas là...
C'est dans doute l'amour maternel qui va aider Sophie à surmonter toutes les épreuves rencontrées en Syrie et lui donner l'audace et le courage de la fuite.
Ce témoignage rejoint tous les échos que l'on peut avoir dans la presse ou les différents médias: sans sombrer dans la psychose, il nous redit la nécessité de la vigilance et l'urgence de l'action, chacun à sa place.
vendredi 20 mai 2016
Odyssées.... d'hier et d'aujourd'hui
A première vue, il n'y pas grand chose en commun entre ces deux ouvrages: l'un est un "classique" du VIIème siècle av. J.C. que l'on ne présente plus, dans une traduction versifiée par un grand poète contemporain, Philippe Jaccottet, à l'immense culture humaniste..
L'autre est le récit des aventures réelles et proches de nous dans le temps d'un jeune garçon de 11 ans, né hazara, ethnie persécutée en Afghanistan ; il est livré à lui-même car sa mère espère lui sauver la vie en l'abandonnant de l'autre côté de la frontière, au Pakistan. Durant 5 ans, il va parcourir l'Iran, la Turquie, la Grèce pour aboutir en Italie. Un éducateur italien s'est intéressé à lui et a recueilli son témoignage, hors du commun. On peut se dire qu'Enaiat a eu "beaucoup de chance", car il a échappé lors de son périple à la prostitution, la torture ou la mort... comme Ulysse avait échappé à la noyade, à la transformation en pourceau, à la mort de multiples fois...
Le point commun, vous l'avez deviné, c'est qu'il s'agit dans les deux cas du" récit d'un voyage rempli d'aventures". (définition du mot odyssée dans le petit Robert)
L'Odyssée d'Homère est sous-tendue par une règle de vie: votre valeur humaine se mesure à votre capacité à recevoir l'autre, à accueillir l'autre. Il s'agit aussi d'un véritable hymne à la famille.
L'odyssée narrée par Fabio Geda relate sans amertume les péripéties du petit Enaiat qui garde en mémoire les trois recommandations de sa mère: ne pas prendre de drogue, ne pas utiliser d'armes, donc ne pas tuer, et ne pas voler: "Tu gagneras l'argent dont tu as besoin en travaillant, même si la tâche est pénible. Tu n'escroqueras personne non plus. Tu te montreras accueillant et tolérant envers tous. Promets- moi que tu le feras." (p.12). il s'agit bien d'un testament!
Le style homérique est caractérisé par ses images; l'une des plus célèbres est celle-ci:"la fille du matin, l'aube aux doigts roses"mais nous pouvons citer également Nausicaa, "la princesse à figure d'Immortelle", "la princesse aux bras très blancs".
Dans la mer il y a des crocodiles ne vise pas les effets rhétoriques mais nous touche grâce à la personnalité du jeune héros.
jeudi 12 mai 2016
Mirage, Douglas Kennedy, 2015, Belfond, 426 pages.
Après la lecture du roman D'après une histoire vraie, et surtout après celle du livre si émouvant L'été d' Agathe, j'ai vraiment eu besoin et envie de lire quelque chose de plus léger, de tellement fictionnel que l'on y respire mieux!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
Et pourtant les romans de Douglas Kennedy ne sont pas de tout repos...que ce soit L'homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Eric Lartigau avec Romain Duris dans le rôle titre, ou La femme du Vème (2007) ou encore Piège nuptial paru en 2008, ses ouvrages ne sont pas de longs fleuves tranquilles! Mais le suspense fait partie du charme de ce type de roman.
L'américain Douglas Kennedy plante l'essentiel de son intrigue au Maroc, avec Essaouira et sa plage, le Sahara et son désert étouffant, Marrakech et Casablanca. Le couple de personnages Paul Leuen et la narratrice Robyn, mariés depuis trois ans, la quarantaine, font ce voyage au Maroc semble t-il un peu "par hasard". Mais le lecteur découvrira bientôt que Kennedy a plus d'un tour dans son sac et que le titre du roman, Mirage, est judicieux.
Dans ce type d'oeuvre, il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur grâce aux surprises des rebondissements. C'est un bon divertissement: l'écriture est fluide et l'on avale les 400 pages sans problème!
jeudi 5 mai 2016
L'été d'Agathe, Didier Pourquery, Grasset, 2016, 193 pages.
Didier Pourquery est journaliste et a été rédacteur en chef de plusieurs titres de presse, dont Libération et Le Monde. Il a déjà publié des essais et un roman, mais ce livre est bien autre chose.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
Je suis sortie très émue de cette lecture : D. Pourquery a perdu une fille, Agathe, il y a sept ans.
Elle était atteinte de mucoviscidose et allait avoir 23 ans. Au milieu d'une fratrie de trois sœurs, elle avait des liens particuliers avec son père: "Comment lui expliquer durant toutes ces années, parmi toutes mes avanies, aventures et hésitations, elle est restée mon point fixe?Comment lui dire sans pathos qu'elle a été ma boussole? Cette partie de moi, irréductible, qui me faisait tenir debout aux pires moments de dépression."(p.100-101)
Il lui a fallu 7 ans pour pouvoir écrire sur sa fille, l'évoquer, narrer son chemin de petite fille , d'adolescente pressée de vivre, de jeune adulte très clairvoyante et courageuse. "Lui dire comment je vais. Elle le sait bien. Quatre infarctus, un cœur encore faible et une déprime toujours en embuscade; pour le reste, c'est son style: elle passe de la plus bienveillante tendresse, des déclarations les plus émues aux agressions les plus dures. Dès qu'elle a senti sur elle, préadolescente, la morsure continue de la maladie, la routine pesant des soins, elle a oscillé entre ces deux attitudes.[...]Elle exagérait, parce que sa vie même exagérait." (p.159)
Il reprend ses notes, les lettres, les photos et restitue sa fille de manière poignante, sans doute pour lui-même, lui qui est "orphelin de sa fille", et pour nous, lecteurs saisis.
Ce livre est une déclaration d'amour à son enfant toujours présente en lui: "Il y a tellement de choses que je voudrais te dire ce soir, mon Agathe. Je vais les écrire dans un livre, ça me fera du bien de te les raconter dans un livre...de te raconter." (p.193) Ces derniers mots du livre datent de 2007, il aura fallu tout ce temps à ce père pour mettre des mots sur la vie si brève d'Agathe et leurs vies bouleversées.
Je disais que j'étais émue par ce livre: le sujet est d'une infinie tristesse, même si Didier Pourquery évite le pathétique et le mélo. Il nous restitue un beau portrait que je garderai en mémoire.
jeudi 28 avril 2016
Ce qu'il advint du sauvage blanc, François Garde, Gallimard, 2012, folio, 381 pages.
Voici un roman qui relève comme Room (article du jeudi 14 avril) du concours crocqu'en livres, choix de fictions écrites d'après des histoires vécues! Celle -ci est également loin d'être banale.
Narcisse Pelletier, jeune mousse breton, est abandonné par son équipage sur une île australienne dans des circonstances peu claires. Il y restera 17 ans! Quelle angoisse que cet abandon!
"Alors, il découvrit qu'il était seul. Il poussa un hurlement, qu'aucun navire ne pouvait entendre. Incapable de penser, fébrile, il fut comme pris de folie: il descendit la falaise à toute vitesse, dérapant, griffé, manquant deux fois se rompre le cou, sauta sur le sable, dévala l'estran, entra dans l'eau jusqu'à la poitrine pour se rapprocher autant qu'il était possible du bateau enfui et hurla de nouveau, cri de rage et appel au secours. Son appel était aussi inaudible depuis la mer que depuis la falaise. Lorsqu'une vague vint lui mouiller le cou, il recula, les yeux fixés sur le large." (pages 13-14)
L'île n'est pas déserte et il va vivre au milieu d'une tribu, jusqu'à l'arrivée d'un autre bateau, le John Bell, qui le ramène à Sydney. Il est alors pris en charge par un jeune scientifique français qui va tenter de nouer le contact avec celui qu'on appelle "le sauvage blanc".Il lui faudra déployer des trésors de patience et d'ingéniosité pour établir un dialogue avec cet homme qui a perdu le langage et très curieusement ne semble pas reconnaître sa langue maternelle. "Le cas d'un jeune homme blanc, devenu complètement sauvage, oubliant complètement ses origines, semble sans exemple."(p.272) Le retour à une vie normale parait impossible.
L'autre protagoniste du roman, le scientifique français, est Octave de Vallombrun, cet homme qui va passer dix ans de sa vie à tenter de percer le mystère qui entoure "le sauvage blanc" et s'attacher à son protégé qu'il tentera de rendre à sa famille, à son pays, à sa culture.
Ce roman est touchant et intéressant par toutes les questions qu'il soulève. Montaigne, trois siècles avant Octave de Vallombrun , s'était déjà interrogé à propos des Cannibales (Essais, I, 31) et avait abouti à cette conclusion:"chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".
François Garde a reçu en 2012 pour cet ouvrage le prix Goncourt du premier roman et le prix Jean Giono, distinctions amplement méritées pour l'intérêt de l'intrigue et la qualité du style.
Narcisse Pelletier, jeune mousse breton, est abandonné par son équipage sur une île australienne dans des circonstances peu claires. Il y restera 17 ans! Quelle angoisse que cet abandon!
"Alors, il découvrit qu'il était seul. Il poussa un hurlement, qu'aucun navire ne pouvait entendre. Incapable de penser, fébrile, il fut comme pris de folie: il descendit la falaise à toute vitesse, dérapant, griffé, manquant deux fois se rompre le cou, sauta sur le sable, dévala l'estran, entra dans l'eau jusqu'à la poitrine pour se rapprocher autant qu'il était possible du bateau enfui et hurla de nouveau, cri de rage et appel au secours. Son appel était aussi inaudible depuis la mer que depuis la falaise. Lorsqu'une vague vint lui mouiller le cou, il recula, les yeux fixés sur le large." (pages 13-14)
L'île n'est pas déserte et il va vivre au milieu d'une tribu, jusqu'à l'arrivée d'un autre bateau, le John Bell, qui le ramène à Sydney. Il est alors pris en charge par un jeune scientifique français qui va tenter de nouer le contact avec celui qu'on appelle "le sauvage blanc".Il lui faudra déployer des trésors de patience et d'ingéniosité pour établir un dialogue avec cet homme qui a perdu le langage et très curieusement ne semble pas reconnaître sa langue maternelle. "Le cas d'un jeune homme blanc, devenu complètement sauvage, oubliant complètement ses origines, semble sans exemple."(p.272) Le retour à une vie normale parait impossible.
L'autre protagoniste du roman, le scientifique français, est Octave de Vallombrun, cet homme qui va passer dix ans de sa vie à tenter de percer le mystère qui entoure "le sauvage blanc" et s'attacher à son protégé qu'il tentera de rendre à sa famille, à son pays, à sa culture.
Ce roman est touchant et intéressant par toutes les questions qu'il soulève. Montaigne, trois siècles avant Octave de Vallombrun , s'était déjà interrogé à propos des Cannibales (Essais, I, 31) et avait abouti à cette conclusion:"chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".
François Garde a reçu en 2012 pour cet ouvrage le prix Goncourt du premier roman et le prix Jean Giono, distinctions amplement méritées pour l'intérêt de l'intrigue et la qualité du style.
Inscription à :
Articles (Atom)